J’ai regardé
"Dieu m'y garde" le film réalisé par P. Buisson à partir des minutes du procès de Jeanne d’Arc[1]. Minutes d'archives.
Procès authentique. Réalité stupéfiante, saisissante. Péguy en tira le « Mystère
de la charité de Jeanne d’Arc ». Il s'agit de l'une des pages de l'épopée de la Nation France bénéficiaire d’une
attention divine à ce point aimante et vigilante qu’elle ait pu motiver une pareille
immixtion spirituelle dans le temporel dégradé de la « grande pitié du
royaume de France », avec l’intervention directe de saints anges et des
saintes Catherine et Marguerite !
Comment l’homme
moderne peut-il intégrer une pareille vérité historique ? La faire sienne... Comment se projeter
dans cette réalité, admettre que ce fut vrai? Car on a tendance à regarder de
tels événements avec distance et une forme d'incrédulité parée des atours de la
modernité et de la maturité….
Voilà qui pose la question de notre relation au passé, à l’histoire.
Voilà qui pose la question de notre relation au passé, à l’histoire.
Notre époque
est celle du patrimoine, des musées, des visites. Nous aimons le passé. Nous
conservons, nous restaurons… L’histoire nous intéresse. Nous en sommes curieux.
Tous les visiteurs du Puy du Fou vont admirer l’anneau de Jeanne racheté à
grand prix aux anglais… Mais en même temps l’histoire nous est devenue extérieure,
étrangère. Elle n'est plus qu'un musée de pièces collection. Notre attitude est prudente, distante, détachée. Comme si nous visitions un musée
prenant des photographies avec notre Smartphone. Comme si nous lisions un roman
de fiction. Nous sommes détachés de notre histoire. Elle n’est plus nous-mêmes.
Nous en sommes sortis, croyant grandir.
Sans doute
est-ce la marque de la puissance des mythes du progrès et de la modernité. Nous,
modernes, avons la prétention d’écrire une page blanche dégagée des contraintes du passé. Notre époque incarne cet avenir meilleur qui ne tire pas les
leçons de l’histoire, mais ambitionne de faire une histoire nouvelle, enfin meilleure, enfin
bonne. Et pour cela nous n’allons quand même pas nous soumettre aux leçons d’un
passé dont nous nous sommes affranchis au prix d’un effort dont nous nous
glorifions et grâce auquel nous sommes entrés dans la modernité!
Il en va
de l’histoire comme de la culture, de l'art et de la religion. La culture. On étale ses connaissances. Mais elles n’inspirent
pas notre vie quotidienne. Pas de leçons ! Nous savons ce que nous avons à
faire... L'art devenu une expression détachée du réel et de toute aspiration vers l'absolu de l'expression de l'âme et de ce qu'il peut y avoir en elle qui nous transcende. L'art est un défouloir de nos passions et de nos expressions les pus débridées. Il n'est plus cette source à laquelle l'âme va boire...La religion nous est devenue
extérieure. On va à la messe comme on assiste à un spectacle. Magnifique mise
en scène. Beau sermon, belle eucharistie ! Quant à en faire le cœur battant de nos vies, soyons sérieux... Nous avons grandi...
Pour
revenir à Jeanne d’Arc, elle est considérée comme une jeune fille extraordinaire, hors du commun. Quel destin
! Chapeau cette bergère… Mais c'est trop beau pour être vrai ! C’est tellement
loin ; on ne peut plus croire à de tels récits même si nous aimons les
entendre. Paradoxe quand tu nous tiens…
L’homme contemporain
s’est affranchi de toutes les contraintes. Il s’est construit une identité de
solitaire, sans racines, sans identité culturelle ni religieuse. Il s’est
désolidarisé de son passé. Il prétend maîtriser sa destinée et le contexte dans
lequel il vit. Seul. Il domine son sujet. Il est sorti de l’obscurantisme.
Il entre dans l’avenir tout auréolé de son prestige et de la puissance du mythe
construit par la modernité …
Il faut s'arrêter et réfléchir
à cette prise de distance, à cette prétention de l’homme contemporain affirmant
sortir des errements du passé, se targuant de n’avoir tiré qu’une leçon du
passé: sortir de l’histoire pour construire un monde nouveau et
meilleur… Attitude qui n'est pas sans risques.
Prenons l’exemple
de notre attitude par rapport à l’hitlérisme et au nazisme. Volontarisme du « plus
jamais ça ». Comme si nous pouvions sortir de l’histoire, comme si nous étions
capables de rejeter tous ses démons… Pas nous ! Voyons !...
Comme si nous étions capables de faire en sorte que cela ne sera plus, alors
qu’il suffit de se replonger dans l’histoire qui nous a conduit à ces
événements dramatiques pour constater qu’il n’y a rien de plus commun et de
plus facile que de retomber dans nos pires travers… Sébastian Haffner[2] a montré combien le
nazisme et l’adhésion de tout un peuple à cette idéologie s’étaient construits
dans la banalité de l’humanité et du quotidien de la vie d'un peuple …Vanité de l'homme contemporain.
A l'inverse l'histoire conçue comme notre vie nous apprend l'humilité et le poids de l'expérience. Rien de ce
qui nous a précédé ne nous est pourtant étranger, ni n’est sans influence sur
nous. Tel est la première vérité de l’histoire. Notre prétention à vouloir
sortir de l’histoire est un grand danger car elle nous fait perdre de vue ce
que nous sommes, en bien comme en mal, ce qui forge notre identité.
Cet
enracinement fait que la France n’a rien de commun avec aucune autre nation au
monde parce qu’il y a par exemple justement eu cette « Jeanne d’Arc »
envoyée par le ciel pour bouter l’anglais du royaume de France et faire sacrer
son roi à Reims… Après cela vous voudriez que la France, même du XXI° siècle, n’ait
pas un destin hors du commun, puisque ça s’est passé, en vérité, « pour
de vrai » comme disent les enfants ? Et peu importe que ce fut en
1432…. Ce qui ne signifie pas qu’il faille imaginer de reproduire aujourd’hui
ce qui se passa il y a bientôt 7 siècles mais simplement qu’on ne peut pas à l’inverse
faire comme si cela n’avait pas été. L'épopée de Jeanne d'Arc a laissé des traces indélébiles…. Ce n’est pas pour rien que 361 ans plus tard
on coupa la tête de l’héritier de ce Charles VII qu'elle avait fait sacrer à
Reims et que notre République plonge une partie de son identité dans le sang
qui coula ce jour-là sur l’échafaud après qu’eut roulé au sol le chef qui avait
reçu l’onction du saint chrême à Reims…. Cette identité républicaine que nous exaltons en boucle dans nos discours moralisateurs et que nous opposons à
ceux qui veulent nous imposer leur religion et leur modèle de société en nous
égorgeant, eux qui savent ce que c’est que l’histoire et qui veulent la répéter
et la faire revivre…. Et qui savent qu’ils s’apprêtent à mettre main basse
sur une terre chrétienne et sur la Nation berceau du christianisme, la France
fille aînée de l’Eglise…
Il y a une
actualité de l’histoire même la plus ancienne… Les pierres du passé sont
vivantes… Elles nous disent qui nous sommes et pourquoi nous le sommes.
Semper idem !
Cher Maître, vous attisez les feux de la guerre de religions... Nous avons déjà un incontestable conflit de civilisations, bien que nous refusions tous de le voir (ou de l'admettre) est-ce bien utile de mettre nommément la religion sur le coup ???
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