dimanche 3 novembre 2019

DEVENONS-NOUS BARBARES?


La diffusion comme une trainée de poudre de la fête d’Halloween m’a conduit à écrire hier un billet publié par Boulevard Voltaire dans lequel j’affirmais qu’elle est le résultat d’une authentique barbarie[1].


Ai-je été trop loin ? Le mot choque. Il impressionne. Mais qu’est-ce donc que la barbarie ?

Ceux qui étaient dans ma ligne de mire, parfois de proches amis – mais l’amitié n’exige-t-elle pas de tout se dire ? – se sont vus non plus déguisés en sorcière ou en citrouille vivante, mais « habillés » par leur ami en sauvages poilus, sales et violents, la hache à la main, nous menaçant de nous découper vivants…

La barbarie peut aussi revêtir les attraits "soft" et policés de la modernité … Car si elle signifie cruauté, le dictionnaire confirme qu’elle est aussi et avant tout l’absence de civilisation.

L’un de nos problèmes contemporains est d’avoir perdu le sens des mots.

Dans son dernier livre « Des vérités devenues folles » Rémi Brague[2] s’attache à définir la barbarie et à nous aider à en retrouver le sens.

Il explique que la raison pour laquelle nous sommes devenus « barbares dans un monde barbare » est résumée dans la phrase qu’il qualifie de déconcertante de Claude Bernard « L’homme peut plus qu’il ne sait ». Quelques lignes avant il explique que la science moderne et le scientisme nous ont donné les moyens de manipuler des choses que nous ne comprenons pas. Nous avons dénaturé la compréhension du monde en la réduisant à des phénomènes scientifiques explicables. Car la compréhension signifie connaître la raison pour laquelle quelqu’un agit et non pas savoir comment il agit. Cela me rappelle des discussions déjà évoquées ici avec cet ami scientifique et agnostique qui ne veut pas admettre que la raison puisse servir à autre chose qu’à faire des démonstrations scientifiques…

Vous me direz que nous sommes loin d’Halloween ; pas tant que cela….

Le barbare est celui qui ne comprend pas, qui ne cherche pas à trouver le sens des choses et pour cela à se situer dans la continuité des réalités vivantes. Rémi Brague développe la thèse de l’opposition entre barbarie et civilisation, la seconde étant le lieu culturel dans lequel la conversation est possible sans rupture sous l’égide de la notion de continuité. À l’inverse la barbarie étant un refus de communiquer. Edmond Burke affirma que la barbarie est un manque de continuité.

Manque, voire refus de continuité et de recherche du sens des choses devant l’histoire et la culture, donc. Mais aussi impossibilité corrélative de fonder la conversation – qui est le propre de la civilisation – et d’enraciner l’aventure humaine dans de solides raisons de vivre. Or les déguisements des fêtes d’Halloween sont en rupture avec ce qui constitue notre nous commun, avec ce qui fonde notre civilisation. Elles célèbrent un univers terrifiant, diabolique ; c’est à dire l’exact opposé de notre civilisation classique, exaltant la beauté et l’esprit dans ce qu’il a de bon et de bien.

Les fêtes sont des événements signifiants. Elles ont un sens. Elles révèlent ce que nous sommes car elles sont l’occasion de se rassembler pour célébrer ce qui incarne notre identité commune. Elles ne sont pas insignifiantes. Voilà pour ceux qui m’objecteront qu’il n’y a pas de quoi s’alarmer d’un événement ludique. Car la fête ne se réduit pas à l’amusement. Elle revêt une forme de sacralisation même laïque.

Voilà pourquoi Halloween est bien le résultat et le révélateur d’une extinction de la civilisation.

Pour conclure je vous dirai que j’ai été soulagé, mais pas surpris, d’apprendre que mes petits-enfants ne s’étaient pas déguisés le 31 octobre lorsque nous nous sommes retrouvés pour fêter ensemble la Toussaint…



[1] https://www.bvoltaire.fr/que-signifie-lengouement-pour-halloween
[2] https://www.laprocure.com/verites-devenues-folles-remi-brague

2 commentaires:

  1. On pourrait objecter à ce réquisitoire que si la fête d'Halloween est bien une fête originaire des îles Anglo-normandes, dont la signification est en substance : "veillée de la Toussaint" ; la juxtaposition de ladite Toussaint avec cette fête païenne a été décrétée sous le règne des papes Grégoire III et IV, au 8ème siècle je crois, et qu'à ce titre elle s'est christianisée...
    CQFD.
    Bien à toi Bernard
    CR

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