lundi 30 décembre 2019

ALLEZ VOIR: "UNE VIE CACHEE"


Une vie cachée. Un film exceptionnel par la beauté de sa cinématographie, par son thème et par sa longueur et sa lenteur. Beau, profond, pénétrant !


Histoire vraie si proche et si lointaine…. Qui parmi nous accepterait librement la mort et de l’imposer à sa famille aimée, parce qu'au nom de sa conscience il refuse de faire formellement allégeance à un tyran ?

Un homme simple, droit et silencieux se dresse face aux siens, à son village et à nous tel un mystère à méditer.

Nous sommes en 43 et même si cela n’est pas explicité – c’est sans doute le reproche que l’on peut faire au scénario – tout son pays l’Autriche, et toute l’Europe savent qui est Hitler et ce qu’il commet. La solution finale n’est plus un secret que pour ceux qui ne veulent pas la voir… 

Franz Jägerstätter, paysan autrichien, refuse de faire le salut hitlérien et de signer les formulaires qu’on lui soumet en lui expliquant qu’il peut le faire en refusant in petto ce qu’on lui demande d’acquiescer sur le papier. Signes et tu retrouveras tes enfants, ta ferme, ta femme… 

Il sait que sa foi chrétienne est incompatible avec le national-socialisme ; il en est convaincu et refuse toute transaction. Il sait qu’il mourra. Lentement, inexorablement Terrence Malick nous invite à le suivre dans les affres de son débat intérieur accepter ce que lui dicte sa conscience. Débat intérieur qui le reste, ce qui fait la difficulté et la grandeur du film.

Et pourtant on ne lui demande pas formellement d’abjurer sa foi comme aux martyres qui comme Blandine étaient jetés aux lions. On lui offre une solution dont le spectateur ne comprend pas qu’il ne l’adopte pas ! Pourquoi imposer ce sacrifice aux siens ? Pourquoi imposer le veuvage à sa femme ? Pourquoi imposer à ses enfants de devenir des orphelins ? Dérisoire…. Jusqu’à la fin que l’on sait inéluctable le spectateur espère qu’il cédera… Car nous avons peur pour lui.

Sa femme, admirable, se débat avec sa ferme, ses enfants et son entourage qui condamne l’attitude de son mari. Héroïque et dramatique dans son amour elle finit par accepter le choix de celui qu’elle aime et qui l’aime. Elle ne doute pas de leur amour malgré ce qui lui est imposé. Inhumain… Surhumain…

Ce film nous confronte aux exigences de la conscience humaine. La conscience fait l’homme droit. Car elle le fait homme. Pas de Taqîya[1] chez les chrétiens. On ne ment pas. On ne se ment pas. On ne cède rien. Car à défaut on n’est plus digne de cette liberté qui nous est donnée…

Pour le cardinal Newman, héraut du primat de la conscience, la conscience est le propre de la nature humaine, « sentiment de responsabilité, de honte ou de frayeur », murmure secret du cœur, d’où la vie cachée du héros du film…. C'«est une loi de notre esprit, mais qui dépasse à quelque titre notre esprit ; qui nous intime des injonctions ; qui signifie responsabilité et devoir, crainte et espérance : et qui est dotée d’une spontanéité la distinguant du reste de la nature »[2]. La conscience se présente comme une faculté de jugement, fragile mais irréductible, indépendante de la volonté de l’homme qui a la faculté de lui désobéir mais reste impuissant à la détruire.

Ce n’est pas pour rien que Franz Jägerstätter a été béatifié[3]. Comme tous les saints il est un exemple, si proche et si lointain. Un modèle à méditer et à accepter. Difficile à accepter parce qu’il nous met face à nos faiblesses et à notre lâcheté foncière. Non nous ne voulons pas qu’il aille au bout de son sacrifice apparemment inutile… Inutile au regard de nos critères de vie en 2019. Mais est-il utile d’être ? C’est toute la question, profonde, bouleversante de notre destin et du sens de nos vies !







[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Taq%C3%AEya
[2] Lettre au Duc de Norfolk, p. 239 et Vincent Gallois Église et conscience chez J. H. Newman, p. 38
[3] https://www.la-croix.com/Religion/Catholicisme/Monde/Franz-Jagerstatter-courage-dun-martyr-autrichien-face-nazisme-2018-08-09-1200960849

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