Une vie cachée. Un film exceptionnel par la beauté de sa cinématographie,
par son thème et par sa longueur et sa lenteur. Beau, profond, pénétrant !
Histoire
vraie si proche et si lointaine…. Qui parmi nous accepterait librement la mort
et de l’imposer à sa famille aimée, parce qu'au nom de sa conscience il
refuse de faire formellement allégeance à un tyran ?
Un homme
simple, droit et silencieux se dresse face aux siens, à son village et à nous
tel un mystère à méditer.
Nous sommes
en 43 et même si cela n’est pas explicité – c’est sans doute le reproche que
l’on peut faire au scénario – tout son pays l’Autriche, et toute l’Europe
savent qui est Hitler et ce qu’il commet. La solution finale n’est plus un secret
que pour ceux qui ne veulent pas la voir…
Franz
Jägerstätter, paysan autrichien, refuse de faire le salut hitlérien et de
signer les formulaires qu’on lui soumet en lui expliquant qu’il peut le faire
en refusant in petto ce qu’on lui demande d’acquiescer sur le papier. Signes et
tu retrouveras tes enfants, ta ferme, ta femme…
Il sait que
sa foi chrétienne est incompatible avec le national-socialisme ; il en est
convaincu et refuse toute transaction. Il sait qu’il mourra. Lentement,
inexorablement Terrence Malick nous invite à le suivre dans les affres de son
débat intérieur accepter ce que lui dicte sa conscience. Débat intérieur qui le
reste, ce qui fait la difficulté et la grandeur du film.
Et pourtant
on ne lui demande pas formellement d’abjurer sa foi comme aux martyres qui
comme Blandine étaient jetés aux lions. On lui offre une solution dont le
spectateur ne comprend pas qu’il ne l’adopte pas ! Pourquoi imposer ce
sacrifice aux siens ? Pourquoi imposer le veuvage à sa femme ?
Pourquoi imposer à ses enfants de devenir des orphelins ? Dérisoire….
Jusqu’à la fin que l’on sait inéluctable le spectateur espère qu’il cédera… Car
nous avons peur pour lui.
Sa femme,
admirable, se débat avec sa ferme, ses enfants et son entourage qui condamne
l’attitude de son mari. Héroïque et dramatique dans son amour elle finit par
accepter le choix de celui qu’elle aime et qui l’aime. Elle ne doute pas de
leur amour malgré ce qui lui est imposé. Inhumain… Surhumain…
Ce film nous
confronte aux exigences de la conscience humaine. La conscience fait l’homme
droit. Car elle le fait homme. Pas de Taqîya[1] chez
les chrétiens. On ne ment pas. On ne se ment pas. On ne cède rien. Car à défaut
on n’est plus digne de cette liberté qui nous est donnée…
Pour le cardinal Newman, héraut du primat de la conscience, la conscience est le propre
de la nature humaine, « sentiment de responsabilité, de honte ou de
frayeur », murmure secret du cœur, d’où la vie cachée du héros du film….
C'«est une loi de notre esprit, mais qui dépasse à quelque titre notre
esprit ; qui nous intime des injonctions ; qui signifie
responsabilité et devoir, crainte et espérance : et qui est dotée d’une
spontanéité la distinguant du reste de la nature »[2]. La
conscience se présente comme une faculté de jugement, fragile mais irréductible,
indépendante de la volonté de l’homme qui a la faculté de lui désobéir mais
reste impuissant à la détruire.
Ce n’est pas
pour rien que Franz Jägerstätter a été béatifié[3]. Comme
tous les saints il est un exemple, si proche et si lointain. Un modèle à
méditer et à accepter. Difficile à accepter parce qu’il nous met face à nos
faiblesses et à notre lâcheté foncière. Non nous ne voulons pas qu’il aille au
bout de son sacrifice apparemment inutile… Inutile au regard de nos critères de
vie en 2019. Mais est-il utile d’être ? C’est toute la question, profonde,
bouleversante de notre destin et du sens de nos vies !
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