dimanche 12 janvier 2020

A PROPOS DE LA GREVE DES AVOCATS...


C’est du jamais vu chez les avocats ! Lancers de robes jetées à terre, affrontement avec les forces de l’ordre au sein du Palais de Justice de Paris, grève générale unanime des Barreaux...




Vous trouverez ensuite un texte plus précis reprenant le contenu de cette vidéo:

Tout cela alors que le reste des professions libérales négocient les aménagements possibles à cette intégration de nos régimes autonomes et non pas spéciaux au régime universel que le gouvernement a décidé de mettre en place.

Que se passe-t-il ? Pourquoi nous ranger aux côtés de la CGT dans le rang des irréductibles opposants à cette réforme ?

Pour essayer de comprendre je vous propose tout d’abord de nous arrêter sur trois paradoxes.

Le paradoxe de ces robes montées si haut dans le passé qui tombent si bas, au sol. Ceci dit sans jugement de valeur sur les actes de protestation qui se répètent. La chanson de geste de l’avocat icône du verbe, de la défense, de la liberté, héros de la justice qui occupe l’imaginaire de jeunes avocats embrassant la profession n’est plus une réalité tangible pour la majorité d’entre eux, confrontés aux contraintes d’une défense dévaluée et de contraintes économiques de plus en plus lourdes. Ils tombent tous de haut. Effarés par la perspective de ces nouvelles contraintes (doublement de leurs cotisations retraites) ils en jettent de dépit pour ne pas dire de désespoir l’armure de la défense chargée de toutes leurs illusions comme de leurs ambitions légitimes.

Le second paradoxe est celui de leur image de nantis qu’ils ont dans l’esprit du peuple et de la réalité qu’ils vivent dans leurs barreaux et leurs cabinets d’une course incertaine derrière des clients et des dossiers, course semée des embûches des contraintes économiques multiples. La majorité des avocats de France ne sont pas riches, bien au contraire même si une partie du Barreau français retire de substantiels revenus de leur activité. Paradoxe qui se prolonge avec le fait que la représentation professionnelle est assurée par ces derniers en grande majorité ; représentation poussée par sa base mais qui pour sa part supportera sans difficultés les effets de la réforme.

Le paradoxe de la grève enfin ! J’ai toujours été opposé à la grève des avocats ! Comment parler de grève alors que l’on sanctionne directement ceux qui nous vous font vivre eux-mêmes étrangers au projet combattu ? Des clients qui supportent déjà les dysfonctionnements insupportables de l’institution judiciaire. Il y aurait tant de moyens à utiliser comme la consignation de notre TVA ou de nos cotisations sociales, à la condition d’être courageux et vraiment déterminés ! Ce qui me fait douter de l’engagement réel de nos représentants qui ne veulent pas entendre parler de ces moyens d’action au motif de leur illégalité ; nos « grèves des audiences » sont-elles plus légales ou légitimes ?
Ces trois paradoxes signifient beaucoup de choses et apportent des éléments de réponse à mon interrogation initiale.

Ce mouvement se finira, comme tous les mouvements par une négociation qui laissera un goût amer. Celle-ci plus que d’autres car elle aura mis à vif un malaise profond sur lequel nous ne nous interrogeons pas assez.

Indépendamment des retraites et des cotisations qu’il retirera des avocats le gouvernement voit leur affaiblissement d’un bon œil. Les pouvoirs, quels qu’ils soient ne nous aiment pas car nous sommes les remparts actifs de la liberté, des libertés fondamentales.

Aussi revient-il à la profession de répondre aux causes profondes du malaise, une fois qu’elle aura fini de négocier si elle y parvient eu égard à la mauvaise volonté du pouvoir à notre égard.

Qu’est-ce à dire et à faire ?

Certains invoquent la paupérisation et la multiplication du nombre des avocats. Nous en avons été les acteurs, sans nous y préparer ! Car en même temps que nous formions des promotions prolifiques de jeunes avocats à qui nous chantions la chanson de geste, nous ne faisions rien pour les former sérieusement et ouvrir à la profession les champs d’action, de conseil, de rédaction, de défense que d’autres ont pendant ce temps décidé d’occuper. Non il n’y a pas trop d’avocats. Regardons autour de nous en Europe ! Par contre nous sommes des avocats dont les robes sont amidonnées…
D’où le premier paradoxe et le second par ricochet !

Cela fait des décennies que j’ai essayé de convaincre par exemple l’École Des Avocats du Sud-Est de l’impérieuse nécessité d’organiser une formation digne de ce nom et ne se contentant pas de faire ce que nous avons toujours fait sans jamais chercher à innover. Il en a malheureusement été de même avec mon Conseil de l’Ordre. J’ai encore en mémoire le « 0 » inscrits à une formation onéreuse mais novatrice sur la négociation que notre Ordre refusa de financer…

De la même manière nous ne faisons aucun effort pour investir dans des actions concrètes en vue de rechercher comment développer une offre attractive pour les clientèles potentielles qui attendent des services juridiques dont elles ont un besoin réel…

Les avocats sont abandonnés face au marché du droit par des instances professionnelles qui cultivent l’entre soi…

Un dernier exemple avec l’intelligence artificielle. J’ai essayé avec mon livre dont je ne prétends pas qu’il soit parfait, loin s’en faut, de proposer une analyse différente de ceux qui aujourd’hui nous proposent de surfer sur la vague du développement initié par des acteurs qui ne laissent rien au hasard. Nous devons agir, réfléchir et maîtriser. Cela n’a jamais intéressé le CNB exclusivement préoccupé par l’usage des outils et le développement d’actions avec les gros acteurs qui maîtrisent le marché.

Il y aura un après la grève. Il faudra ramasser les robes et les dépoussiérer ! Y sommes prêts ? Qu’allons-nous faire de notre Barreau ? Nous contenterons-nous d’acheter de la naphtaline pour les ranger en sécurité dans nos vestiaires afin qu’elle n’aient pas de trous quand nous les sortons, ou allons-nous nous décider à les faire briller des feux de la réussite ?

Il serait temps de retrousser les manches et d’utiliser les quelques moyens financiers que nous avons encore….

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