dimanche 10 mai 2020

HEURS ET MALHEURS DE LA MONDIALISATION.

C'est avec grand plaisir que je publie cette semaine un billet d'actualité de mon ami Christian Raviart que je remercie vivement de sa contribution sur cette question d'une actualité brûlante que son expérience d'officier supérieur de notre armée éclaire avec lucidité et singularité.


Quand le malheur ne serait bon
Qu’à mettre un sot à la raison,
Toujours serait-ce à juste cause
Qu’on le dit bon à quelque chose
Jean de La Fontaine, Le mulet se vantant de sa généalogie


Les enseignements de la crise sanitaire que nous subissons depuis deux mois conduisent certains de nos dirigeants à une relative prise de conscience des méfaits que la mondialisation fait subir à notre souveraineté. 

Quelque 38 années au service de la défense du pays m’ont pour ma part conduit à considérer avec une certaine méfiance les thuriféraires de « la mondialisation heureuse ». En effet, qui dit politique de défense dit en premier lieu défense d’un pays, délimité par des frontières, et dont les intérêts, s’ils peuvent être partagés par des alliés, sont d’abord sous-tendus par un corpus de valeurs et par une culture commune, voire une civilisation, au sein de laquelle se nouent et se dénouent les alliances circonstancielles. 

Or, les prémisses de la mondialisation, posées au lendemain du second conflit mondial dont nous célébrons en ce 8 mai 2020 le 75ème anniversaire de la victoire sur le nazisme, portaient en germe l’ivraie de notre blé souverain. Le plan Marshall, conditionné par le libre accès des produits américains au marché européen, les institutions internationales onusiennes et européennes, « commerciales » ou « juridiques », se sont rapidement révélés, en dépit de leur caractère protecteur, comme des entraves à l’exercice de notre souveraineté nationale et parfois contraires aux principes mêmes d’un Etat démocratique. 

Puis vint mai 68, et son cortège de slogans libertaires, trouvant à s’exprimer d’autant mieux que la chute du mur et l’effondrement de l’empire soviétique allait, deux décennies plus tard, encourager la récolte des fameux « dividendes de la paix », donc l’abattage de toute frontière, physique ou sociétale, le libre cours des flux financiers, la désindustrialisation, les délocalisations, la tertiarisation à outrance, le primat de l’individu sur le collectif et l’abandon de toute hiérarchie des valeurs...
Or, il me semble qu’un pays devrait se garder de faire confiance aveuglément à la puissance de l’argent, et de céder sa souveraineté « à la découpe »… L’Histoire, qui n’est malheureusement plus enseignée qu’à charge dans nos écoles, est pleine d’exemples éloquents en la matière… Souvenons-nous, comme disait le Maréchal Foch, que si « un homme sans mémoire est un homme sans vie, un peuple sans histoire est un peuple sans avenir ». 

Que faire aujourd’hui pour restaurer notre souveraineté si malmenée ? Sans doute d’abord remettre du sens dans la conduite des politiques publiques, qu’il conviendrait d’inscrire dans le temps long et avec le sens de l’intérêt collectif. L’homme seul n’est en effet pas libre. Pour exercer sa liberté, il a besoin de sa famille - davantage que des multinationales, de sa communauté plus que des banquiers, de la nation, davantage que des GAFA, d’adhérer enfin à des valeurs partagées. 

Peut-être la crise du COVID 19 pourrait-elle nous faire collectivement revenir à ces fondamentaux ?
« Il est de la responsabilité de tous ceux qui nous gouvernent et de chacun de nous de revenir à l’essentiel : Réfléchir au sens de la vie » (Hélène Carrère d’Encausse).


Christian Raviart
Général de division (2s)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Commentez cet article et choisissez "Nom/URL" ou Anonyme selon que vous souhaitez signer ou non votre commentaire.
Si vous choisissez de signer votre commentaire, choisissez Nom/URL. Seul le nom est un champ obligatoire.