Michel ONFRAY a donné une interview le matin du jour où notre Président de la République devait prononcer son grand discours au Panthéon à l'occasion du 150e anniversaire de la République. Notre « philosophe-politicien » n'a pas eu de mots suffisamment durs pour critiquer l'attitude d’Emmanuel MACRON consistant à parler plutôt qu’à agir.
Oui l’un des drames de la politique actuelle réside dans le fait que l'exercice du pouvoir s’y réduit aux discours et au vote de la loi.
Or, l'exercice du pouvoir c'est l'action, l'action dans l’État et à sa tête, le gouvernement de la cité. On ne gouverne pas avec des mots. Pas plus qu'avec des lois. Les lois sont l'expression du droit qui lui-même est la science du juste.
La modernité se gargarise de mots et s’illusionne avec le pouvoir législatif dont elle attend tout, à tort.
Voilà ce dont il faut sortir.
Le vieux monde c'est la vanité de la parole et la légifération.
Le nouveau monde sera l’humilité de l'action ou à défaut le néant auquel nous auront conduit des politiques prétentieux et suffisants.
Je ne suis pas persuadé que Michel ONFRAY ait l'étoffe d'un homme d’État, mais, derrière son écriture prolifique, trop ?..., se cache peut-être l’opportunité de trouver en lui un électron libre, une sorte de « poil à gratter » intelligent, qui remette en cause beaucoup d'idées acquises, de positions entretenues, de certitudes idéologiques et fasse naître beaucoup de bienfaisantes interrogations.
Le mérite de la cacophonie actuelle est de faire ressortir l’impérieuse nécessité de sortir des clivages aberrants provoqués par l'idéologie sous toutes ses formes : gauche-droite, féminisme, racisme, principe de précaution, écologisme de salon, antisémitisme etc…. Des clivages qui nous enferment et qui paralysent la société, qui la bloquent.
Une excellente interview de Nassim Nicholas TAIEB est parue dans LE POINT du 27 août dans laquelle l'auteur du cygne noir explique que nos économistes peinent à comprendre que l'économie est organique. Nous n’intégrons pas le fait qu'une société est un organe vivant. Elle a physiologiquement besoin d'être animée et dirigée ; non pas de manière autocratique mais selon des règles et des procédures qui relèvent notamment du droit constitutionnel, aujourd’hui républicain. Cela veut dire que le pouvoir doit y être exercé comme nous le faisons sur notre corps, comme nous le vivons dans nos familles, dans nos entreprises. Il en est de même pour la cité.
La politique contemporaine tourne le dos à cette réalité et aux exigences qui en résultent. Ce qui rejoint notre précédente observation sur la dangereuse réduction de l’action politique au discours et à la légifération.
Le même Nassim Nicholas TAIEB écrit dans son livre jouer sa peau que " la bureaucratie est un mécanisme par lequel une personne est confortablement coupée des conséquences de ses actes".
Car en même temps que nos politiques se sont réfugiés dans la parole et le prurit législatif ils ont abandonné l'exercice du pouvoir à la bureaucratie qui a cette caractéristique d'être à l'abri de toute responsabilité ; et qui doit l'être dans la mesure où elle ne devrait précisément pas à avoir à impulser n'y à assumer l'exercice du pouvoir puisqu'elle devrait se contenter d'être le bras armé de celui qui décide et qui gouverne, mais qui a abdiqué pour parler et faire des lois censées être l’expression de notre volonté.
Au fond, nous le voyons, c'est de sagesse que nous manquons, et d'humilité.
Pour revenir au discours du Président de la République que j'ai lu avec attention, je pense que Michel ONFRAY a raison. Nous sommes dans le pouvoir de la parole. Une parole idéologique; la prochaine célébration républicaine sera celle de Gisèle HALIMI!...Une parole qui cherche aussi à dramatiser. Je ne suis pas d'accord avec la dramatisation autour de ce thème selon lequel la république serait en danger et donc la France avec elle. La cité est en danger. Les hommes le sont. Nous le sommes. Mais le peuple ne l’a-t-il pas été très souvent dans l’histoire ? En quoi les maux de maintenant sont-ils plus graves que ceux d’hier ? En quoi la fragilisation des idéaux républicains ferait-elle peser un risque spécifique ?
Le danger qui menace la république affecte la Cité, dès lors que celle-là est considérée comme une synthèse de principes et de valeurs que l'on place de manière idéologique au-dessus du collectif, du « nous commun », comme pour le définir. Or l’organisme social et politique, la Cité lui préexiste et lui survivra. C’est par ce réductionnisme ou ce faux effet domino que le racisme devient susceptible de faire peser un risque de désintégration sur la société française…
Le Président de la République a repris à son compte la phrase de Charles PEGUY" la république, notre royaume de France" qui souligne de manière historique ce réalisme auquel je me réfère, pour amener son affirmation selon laquelle « La République, c'est une transmission. La République est une volonté jamais achevée, toujours à reconquérir ». Quel abus intellectuel! Au lieu du réalisme de PEGUY notre Président nous projette à la suite de ses prédécesseurs en plein volontarisme intellectuel, dans le pouvoir des mots, loin de l'action qui conduira PEGUY à mourir au combat.
Le nous commun est cet organisme collectif réel et indépendant des idéaux républicains dont chacun a besoin pour vivre, s'épanouir, accomplir son destin et atteindre sa conception du bonheur. C'est une réalité. Ce n'est pas un système de valeurs. Le nous commun est de l’ordre de l’épaisseur humaine pour reprendre un mot de notre cher Gustave THIBON. Une épaisseur organique, faite de complexités, de lois à respecter et non pas à édicter. De lois que nous n’avons ni à imaginer ni à créer, mais à faire triompher et respecter en fonction de l’évolution des contingences économiques, sociales, techniques, écologiques et internationales.
Nos valeurs républicaines relèvent du verbiage politicien et idéologique, déconnecté de la réalité.
Le hasard m’a fait entendre ce soir à la télévision Jean-Marie BIGARD, deuxième candidat déclaré à la présidence de la République, dénoncer la déconnexion de nos gouvernants avec des mots simplistes sous les yeux gourmands du journaliste qui l’interviewait. Il n’est pas sûr que les mots des politiciens, Emmanuel MACRON en tête, résistent à ceux de notre humoriste graveleux et sympathique de la même manière qu’ils avaient été fragilisés par COLUCHE… Ce qui confirme le bien fondé de l’analyse de Michel ONFRAY à laquelle je souscris.
ONFRAY et BIGARD même combat!... Ça promet....
CQFD !
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