dimanche 6 décembre 2020

GISCARD OU LE MONOPOLE DU COEUR

Le rôle politique de Valéry GISCARD D'ESTAING a été beaucoup plus important qu'on ne le croit. Je pense même qu'il a été d'une importance capitale. Ses obsèques célébrées nous pouvons l'analyser et porter sur lui un œil critique.

 

L’explication en est selon moi fournie par sa très fameuse réplique à François MITTERRAND qui lui valut certainement son élection en 1974 : " non Monsieur MITTERRAND vous n'avez pas le monopole du cœur".

Toute la politique de Valéry GISCARD D'ESTAING se comprend à la lumière de cette réplique.

Il a toujours couru après l'affection qu'il voulait qu'on lui porte et que l'on ait pour sa politique ainsi que d’une certaine manière pour l’État qu’il incarnait. Son projet politique a été d'être aimé et de faire aimer sa politique. Il n'a jamais voulu exercer le pouvoir de manière majestueuse et autoritaire. D’où sa volonté de désacraliser la fonction du Président de le République. Il fut un grand romantique, amoureux de MAUPASSANT. Il était d'une très grande sensibilité et d'une émotion à fleur de peau comme son récit du saut des parachutistes à KOLWEZI ou l’évocation de son refus d'accorder la grâce de Christian RANUCCI en furent l'illustration. De l'émotion, de la sensibilité, une attente d'affection...

Tout l'inverse de ce qu'on attend d'un chef d’État. Ce qui n’enlève rien à ses qualités hors du commun notamment sur le plan intellectuel et à sa prodigieuse capacité de séduction ses interlocuteurs. Mais, ce n’est pas en voulant être aimé qu’on parvient automatiquement à ses fins….

C'est pour être aimé du peuple et des individualités multiples qui le composent qu'il imagina toutes ses réformes sociétales de même que le développement d'un État social, interventionniste et généreux ; la réforme a été sociétale au sens de la mise en place de dispositions législatives d’inspiration libérale influencées par mai 68, flattant l'individu, sa quête d’épanouissement personnel et ses besoins hédonistes.Une politique qui est aux antipodes de celle imaginée par notre cher Gustave THIBON: "La société la meilleure est celle dans laquelle il y a beaucoup de murs et le moins possible de loi"...

Ce projet politique réformiste a consisté à faire éclore la société des individus aux lieu et place d’un État gouvernant des citoyens, à faire prévaloir le bonheur personnel et individuel sur l'intérêt général et à ouvrir le champ à la dictature des minorités. La dictature des minorités qui est au fond la remise en cause du principe de l’intérêt commun qui s’efface devant les risques de blesser ou d’exclure ces minorités. Dictature des minorités qui, comme le rappelait Eric ZEMMOUR sur CNEWS a été rendue possible grâce à la mise en œuvre des outils de l'état de droit, corollaire nécessaire de la société libérale avancée rêvée par Valéry GISCARD D'ESTAING. Car c'est lui qui a ouvert la boîte de pandore en inventant la procédure de saisine du conseil constitutionnel par 60 députés ce qui constitua le véritable préliminaire de la question prioritaire de constitutionnalité et du terrorisme juridique dont est devenu l'objet le pouvoir législatif.

Sans parler de la construction européenne sur laquelle il a exercé une très grande influence; notre président défunt a été le précurseur du système technocratique d'inspiration fédérale qui nous étouffe.

Tous ses successeurs ont cherché comme lui à être aimés ; sans doute y ont-ils été incités par les circonstances historiques moins dramatiques que celles des décennies précédentes, qui ne les ont pas acculés à la nécessité de diriger la Nation par gros temps…. Mais dans les turbulences de la double crise que nous connaissons, les tergiversations de l’actuel locataire de l’Élisée - aussi Narcisse que son illustre prédécesseur - entre sa volonté d'incarner l'autorité et celle de rester un chef aimé, illustrent parfaitement les effets négatifs de cette évolution et l'ambiguïté à laquelle elle accule le chef de l’État.

Telle est la paradoxale société libérale avancée qui nous a tant fait reculer notre civilisation en à peine 50 petites années ! On ne fait pas de la bonne politique avec des bons sentiments...

Or la vraie réforme dont le pays avait besoin consistait et consiste encore à ce jour et plus encore même à ce jour, à débloquer le fonctionnement de l'administration et de l’État, et à libérer la société de l'emprise déresponsabilisante et sclérosante dont elle est l'objet. Et elle n’était pas d’entreprendre la destruction de la famille que ses successeurs ont poursuivie et aggravée, d’ouvrir la voie à la multiplication des avortements dont les autres ont fait un droit remboursé par la sécurité sociale, de permettre le regroupement familial des immigrés qui n’a jamais pu être remis en question sous la surveillance vigilante du Conseil d’État, ou encore de nous engager dans une politique européenne qui a asphyxié l’Europe grâce à des traités que les Mittérand, Chirac et Sarkozy ont fait approuver et ratifier…

Il reste que le président Valéry GISCARD D'ESTAING ne cachait pas à titre personnel sa confession de la religion catholique et que la question se pose de savoir le regard que l’Église doit porter sur sa politique à l'aune de ce que rappelait le pape Benoît XVI dans son discours aux parlementaires européens le 30/03/2006 : " l'objet principal des interventions de l’Église catholique dans le débat public porte sur la protection et la promotion de la dignité de la personne et elle accorde donc volontairement une attention particulière à certains principes qui ne sont pas négociables". C'est là aussi que la bas blesse...

Au-delà de ce nécessaire devoir d’inventaire dû à tout chef d’État et homme public, demeurera aussi le souvenir de l’intelligence exceptionnelle d’un homme brillant et touchant par bien des côtés qui comme tout un chacun mérite nos prières.

Requiem in pace…

 

 

4 commentaires:

  1. « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. »....
    La dignité de l’homme étant du domaine des principes non négociables, je ne peux qu’être d’accord avec toi Bernard.

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  2. Cela étant dit, l’IVG ne patricipe-t-elle pas d’une certaine manière et selon les circonstances, de la préservation de la dignité de la femme.?

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  3. Ouvrir la voie à la multiplication des avortements, tu as une bien curieuse façon de présenter les choses pour un avocat! Il s’agissait tout simplement de dépénaliser l’avortement. Je te rappelle qu’à l’époque les familles aisées pouvaient offrir une IVG sécurisée dans une clinique Suisse à des demoiselles de bonne famille victimes d’un moment d’égarement, tandis que les gourgandines du peuple n’avaient pour seul choix que les aiguilles à tricoter des faiseuses d’ange.
    AR

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    1. Je maintiens. Cette première loi nous a conduits à une "légalisation-banalisation" contraire aux vœux annoncés par ses promoteurs. On juge l'arbre à ses fruits....

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