dimanche 3 janvier 2021

VOEUX 2021: TOUT MISER SUR CE QUE LE VIRUS NE PEUT PAS ATTEINDRE!

Cette année les vœux tournent autour d'un thème imposé. 2021 ne doit pas être la répétition de 2020 qu’il faut à tout prix oublier. Se débarrasser du virus. Attendre le vaccin. Revivre.

 

Ces vœux se nourrissent de l’optimisme de nos gouvernants, soutenu notamment par les espoirs autour du vaccin. Ceux du Président de la République en ont été l'illustration caricaturale. Un optimisme pourtant à manier avec précaution qui me rappelle cette phrase de BERNANOS : « Les optimistes sont des gens qui n’ont pas pitié des hommes » !...

Ce virus devrait être l'occasion de réfléchir plus raisonnablement à notre mode de vie que de manière béatement optimiste ou exagérément pessimiste. Afin de formuler des vœux plus ajustés pour l'année à venir. Sortir de la sensation, de l’impression, du vécu, du ressenti, du seul sensible. Nous affranchir de la croyance en notre toute puissance, dont le vaccin n'est qu'une manifestation supplémentaire même s'il ne s'agit pas d'en sous estimer l'importance. 

Coïncidence, l'épidémie est survenue telle une rupture dans la course effrénée de l'homme derrière son « moi ». Moi partout. Moi juge. Moi maître de mon destin. Moi tout-puissant. Moi que rien ne doit arrêter. Travers autrefois stigmatisé par Simone WEIL: « La misère de l’homme consiste en ce qu’il n’est pas Dieu. Il l’oublie continuellement. ». Car nous sommes allés bien au-delà de l'individualisme libéral issu des lumières. Nous sommes passés au stade de l'exacerbation de l'individu dégagé de toute contrainte, se croyant capable, son smartphone à la main, de savoir tout, de décider de tout, d'être le maître de sa vie. Le virus a disrupté ; il nous a renvoyé à l'interconnexion personnelle, à l’interférence, au lien … à la contamination. Il a fait revenir les frontières. Il nous a révélé le nous, le commun, le tout social. Non pas sans paradoxe car : Je subis l’autre mais je ne me sauverai pas sans lui ! Le virus nous démontre que nous dépendons encore les uns des autres. Il nous invite à l'humilité, à la prudence et à la discipline. L’impuissante et stérile logorrhée verbale du monde médiatique dans lequel les scientifiques et les politiques se sont immiscés comme sachants sans cesse démentis par la réalité n'en est-il pas la démonstration ?

Eric SADIN qui réfléchit une fois de plus à la problématique du progrès technologique dans son dernier essai « l'ère de l'individu tyran, la fin d'un monde commun » conclue en nous invitant à une politique du témoignage. Remettre l’individu au cœur de la politique, en tant que « lié socialement » . Refaire le lien rompu par Moi. Retrouver le prochain dans l'autre. Il conclue ainsi une analyse très approfondie et passionnante de la dimension psychologique, sociologique, philosophique et anthropologique de toutes les évolutions de notre mode de vie moderne, technologique, artificiel clôturées par cette pandémie que nul n'avait vu venir. Cette invite est un contre-pied par rapport à tout ce que ces progrès et ces miracles technologiques déconstruisent dans notre mode de vie en commun, dans notre nous social.

Et si, par-delà les soins médicaux dont nous avons besoin la lutte contre le virus passait par la nécessité de retrouver le vrai sens de la vie en société contre l'individualisme virtuel que SADIN n'hésite pas à qualifier de fascisant et que citant souvent Hannah ARENDT il qualifie de "totalitarisme de la multitude". Après avoir lu cet ouvrage plein d'enseignements, je crois qu'il nous faut mesurer combien l'épidémie de la COVID et les bouleversements qu'elle entraîne sont l'occasion d'imaginer d'autres modes de vie, d'autres projets et pourquoi pas une autre conception de nos activités professionnelles comme de loisir. Une autre conception du bonheur ? Cette politique du témoignage sera possible grâce à la renaissance d'un humanisme personnel qui oppose ses exigences à tous les progrès dont nous venons de percevoir le caractère dérisoire même s’ils ont leur utilité, à l'image des soins eux-mêmes impactés avec profit par notre puissance technologique; tout n'étant pas à rejeter dans le progrès.

Réapprendre à vivre de notre rapport aux autres, à en refaire des « prochains », et à nous appauvrir afin d’éviter de trop souffrir des privations que le destin nous inflige…Car quoi que fasse la science - qu’en sera-t-il réellement du vaccin ? – nous voyons que de vagues en vagues - en attendant le prochain virus ?… - nous ne pourrons sans doute plus vivre aveuglés par la seule surpuissance du Moi. La question ne sera-t-elle donc pas de vivre en fonction des variables d’une autre équation du bonheur ?

A y bien réfléchir ce virus ne nous empêche de profiter que de ce qui nous est donné. Il ne nous prive pas de ce que nous sommes. Il ne nous enlève que ce qui nous est donné. Il nous renvoie à nous-mêmes ; je me répète... Il nous aide à comprendre l'illusion des conquêtes que nous pensions avoir faites et qui nourrissaient notre ambition démesurée de nous croire maître de l'univers et de notre vie. Et si nous méditions avec Saint Augustin cette phrase de saint Paul " qu'as-tu fait que tu n'aies reçu" ?

SOCRATE nous avait dit " je sais que je ne sais rien ". Nous voyons qu’il avait raison en ce sens que nous devons savoir nous remettre en question, nous questionner, nous confronter avec humilité et savoir nous soumettre.

2020 nous aura appris que le destin peut nous ôter ce qui nous a été donné. A nous de nous détacher de ce qui peut nous être enlevé et de ne pas nous laisser abuser par un optimisme nourri de la foi dans le progrès !

A nous de privilégier ce que le virus ne peut pas atteindre !

C'est à dire moi dans son interdépendance amoureuse avec l'autre.

Puissions-nous en prendre conscience et vivre autrement que ce soit au niveau individuel ou au niveau collectif. C'est tout le mal que je nous souhaite. Bonne année !

 

 

1 commentaire:

  1. Beau message d'espoir ! Espérons que la résolution vaccinale de cette pandémie ne fasse pas oublier aux tenants du 'en même temps' que l'homme a besoin de l'autre pour vivre, et que la vie ne saurait se résumer à sa dimension biologique...
    Lors de la dernière pandémie de la fin de la décennie 60, dont personne ne se souvient - c'était avant le mondialisme exacerbé et la nouvelle religion trans-humaniste - on n'était pas tombé dans de tels replis sur soi !

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