dimanche 14 février 2021

BIEN NOMMER LES CHOSES...

Le débat entre Gérald Darmanin et Marine Le Pen fut très décevant.

 


Indépendamment du fait que la deuxième nommée n’a pas fait de progrès dans la connaissance de ses dossiers et sa capacité à débattre de manière argumentée sans se faire étriller par son interlocuteur, ce fut un débat pour rien. La présidente du rassemblement national est tombée dans le piège tendu par Emmanuel Macron. Celui du discours des Mureaux que nous avons tous salué parce qu’il nommait les choses sans voir que la notion de séparatisme est un biais falsificateur.

Le mal à combattre n’est pas un séparatisme !

Comment Marine Le Pen a-t-elle pu manquer à ce point de lucidité politique en se faisant piéger au risque de se faire traiter de « trop molle », véritable coup de pied de l’âne !.., par le premier flic de France ? Trop molle dès lors que l’on discute technique de traitement technocratique d’un soi-disant séparatisme…

Camus : « Mal nommer les choses c’est ajouter au malheur du monde ».

Le mouvement islamiste est mal nommé quand on le qualifie de séparatiste !

La loi qui sera votée cette semaine par l’Assemblée nationale ne pourra donc qu’ajouter au malheur de la France confrontée à une crise qui ne cesse de la dissoudre, de la briser, d’y faire naître la guerre civile…

Les exemples foisonnent…

Les islamistes ne cherchent pas à se séparer de la Nation française comme peuvent par exemple tenter de le faire certains régionalistes bretons, basques ou corses. Ils cherchent au contraire à pénétrer la Nation et à y prendre le pouvoir que ce soit par la terreur et la violence ou, selon un scénario à la Houellebecq, par la voie démocratique. À cet égard les incidents survenus à Trappes sont particulièrement éclairants….

L’idée du séparatisme nous renvoie à un mouvement extérieur d’origine idéologique. Elle consiste à éluder le débat intérieur culturel religieux et national.

Notre problème est que les intégristes musulmans sont installés dans nos villes, dans nos écoles, dans nos associations sportives et plus généralement dans la société. Ils y jouent un rôle moteur, communautariste, intolérant et portent atteinte à notre identité nationale, rendant impossible la vie de nos concitoyens dans des conditions apaisées et civilisées.

Dans un très remarquable article du dernier numéro de la revue COMMENTAIRE Paul François SCHIRA analyse cela de manière approfondie. Il rappelle l’excellente formule de Pierre Manent pour qui l’Islam est un contenu alors que nos valeurs démocratiques républicaines sont un contenant.

Il faut distinguer le contenu et le contenant. Fondamentalement, l’islamisme ne s’attaque pas à la structure du pouvoir ; il est même prêt à s’en saisir avec la complicité des Mélenchon et autres Hamon. Il s’intéresse au cœur des hommes et à leur vie quotidienne. Nos valeurs de la république dont j’ai déjà souligné l’insuffisance à plusieurs reprises sont également stigmatisées dans cet article comme étant insuffisamment substantielles, structurantes ; l’auteur prenant l’image d’une société qui devient liquide tant ces valeurs sont devenus de vagues incantations, creuses et dissoutes dans un individualisme primaire.

Il souligne le fait qu’en réalité ce qui est en cause c’est la Nation. Si séparatisme il y a, il est en train de se produire au cœur de la nation, il traverse chacun d’entre nous jusque dans nos vies quotidiennes, dans nos habitudes de vie, dans notre culture, dans nos pensées, dans nos pratiques religieuses. C’est une implosion de la Nation qui est en train de se produire. L’évolution de la sociologie des terroristes révèle que ce sont aujourd’hui les enfants de nos cités, qui ont la nationalité française, qui sont les auteurs des actes qui nous épouvantent. Voilà pourquoi d’ailleurs la solution n’est plus dans l’expulsion des terroristes sauf à s’attaquer au problème de la double nationalité ce qui n’a jamais été fait ; et c’est sans doute trop tard…

La Nation donc.

La Nation n’est plus qu’un mot. Elle n’a plus de sens politique véritable. Notre inculture politique nous en a fait perdre le sens.

Il faut distinguer la Nation de l’État comme de la patrie. Elle a une signification profonde, une vocation, une réalité. Indépendamment de la formule de Saint Jean-Paul II que je rappelle une fois encore « la Nation c’est ce qui fait tant l’homme l’humain », on peut dire que la Nation est une communauté vivante dont l’unité réside dans la conscience d’un « nom commun ». Je citerai Renan : « Une Nation est une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire, n’en font qu’une, constituent cette âme, ce principe spirituel. L’une est dans le passé, l’autre dans le présent. L’une est la possession en commun d’un riche legs de souvenirs ; l’autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis ».

Je pourrais multiplier les citations. Inutile. L’essentiel est dit. Il devrait être rappelé - appris ? - à beaucoup de nos hommes politiques. Car si l’on intègre cette définition il est alors évident que le problème de l’islamisme ne peut se résoudre que dans un « nous » retrouvé. Il devient aussi très clair que ce que l’on appelle le séparatisme n’est en réalité que l’implosion de la Nation en tant que nous commun. Et que dès lors la question n’est pas celle d’un éventuel séparatisme sous l’influence d’une puissance idéologique extérieure étrangère mais celle de notre capacité à faire renaître ce nous commun sans lequel les enfants de nos cités ne peuvent pas se sentir nationaux au point d’être capables un jour comme l’ont fait nos aïeux de mettre leur vie en jeu pour préserver ce qui les réunit. Voilà qui démontre que la loi qui sera votée prochainement s’attaque à l’écume des événements provoqués par ces troubles profonds, identitaires – il faut oser le mot malgré la réprobation qu’il suscite - et qu’elle n’est pas la réponse dont nous avons besoin.

Entendu ce soir au journal télévisé de France 2 le témoignage extrêmement troublant du Lieutenant de Vaisseau Louis Saillant. Il a lutté contre le djihadisme au Sahel dans le cadre de l’opération Barkhane. Il a constaté qu’au fur et à mesure de l’élimination des combattants adverses il en voyait surgir de nouveaux, plus nombreux. Interrogation. Étonnement. Il a fini par renoncer à son engagement ! Et il s’interroge avec force et détermination - ce n’est ni un enfant de cœur ni un rêveur ! - sur les motivations de ces jeunes qu’il pense attirés par ce qu’il identifie comme une « communauté de destin » ; communauté que ceux-ci ne trouvent plus chez nous en France… Troublant…. La Nation n’est-elle pas qu’une communauté de destin ?

Lu cette semaine l’excellent livre de Neil Postman, TECHNOPOLY, sur le thème de « comment la technologie détruit la culture » ; rien à voir ? Que nenni ! Cet auteur dénonce intelligemment et sous un angle intéressant la mainmise d’un système dit bureaucratique gouverné par l’efficacité, la recherche exclusive de la performance, de la conformité à la norme. Cette bureaucratie ne s’appuie sur aucune théorie intellectuelle, politique ou morale. Guidée par la seule technique elle gouverne nos cités en vidant progressivement de leur substance les valeurs fondatrices de notre nom commun. Elle rend la Nation liquide. CQFD…

Que conclure ? Vous vous direz qu’une fois de plus j’ai posé beaucoup de questions sans apporter de véritables réponses. Loin s’en faut… car je suis en même temps de plus en plus persuadé que les réponses sont sous nos yeux, dans nos vies, à notre portée. Mais à charge pour nous de penser droitement, avec rectitude, en vérité et de manière pragmatique. Refuser de nous laisser enfumer par la politique politicienne et réductrice qui nous mène et dans laquelle nous fondons vainement tous nos espoirs. Il nous appartient de nous saisir des mots et des choses en les nommant proprement et correctement afin d’éviter qu’un grand malheur ne nous arrive… Relisons les écrits politiques de Vaclav Havel pour nous convaincre que ce moyen simple mais courageux peut renverser des montagnes idéologiques.

Semper idem !

 

 

 

 

 

 

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