Quelle est la place de l’animal dans le monde ? Quelle doit être l’attitude de l’homme par rapport à lui ?
Telle est la question du sens profond de la nature et par voie de conséquence de la nécessité d’une écologie non dévoyée.
L’écologie a été préemptée par la gauche. La cause animale par les animalistes. Ce faisant, par suite des excès humains libérés de toute contrainte grâce aux progrès de la technique, ces causes pourtant naturelles et indispensables à la vie de l’homme sur terre sont devenues sujets de clivages, d’oppositions idéologiques. C’est l’un des travers de notre époque que de vouloir faire des catégories, cliver, opposer…
Nous aimons les animaux de compagnie avec lesquels nous avons une relation ludique et affective. Nous acclamons ceux du cirque comme des athlètes, tant qu’ils peuvent encore être mis en scène. Nous admirons ceux, sauvages, que nous tentons de préserver comme autant de curiosités et payons pour aller en faire des reportages photographiques.
Mais nous n’avons plus une relation naturelle, existentielle, vitale, nécessaire avec le monde animal. Nous ne soignons plus l’animal qui va nous nourrir. Nous ne prenons plus soin de l’animal nécessaire collaborateur dans notre travail même dans le monde agricole. Le lien fait de solidarité naturelle qui nous liait aux animaux a été rompu.
Dans un même mouvement de notre civilisation l’animal est devenu un objet comme tant d’autres qu’il faut optimiser pour des raisons économiques (vaches à traire pour le lait, poulets en batterie, canard à gaver etc.) ou un être quasi humain qu’il convient de respecter comme un partenaire reconnu comme un sujet de droits dans nos vies de citadins.
Ainsi par exemple la chasse est-elle devenue un loisir.
Elle a été détachée de son côté foncièrement naturel, vital, nourricier. L’homme
chasseur n’existe plus sauf dans certains territoires. Le chasseur occidental
est une bizarrerie contestée telle une survivance d’une autre époque, dans
notre monde qui se voile la face devant l’industrie animalière ou qui s’insurge
contre la maltraitance des animaux.
C’est tout naturellement qu’ont surgi des mouvements
comme les antispécistes que nous contestons mais qui ne sont que l’aboutissement
extrémiste de nos contradictions et de nos paradoxes.
Nous sommes dans l’ambiguïté.
William Golnadel expliquait il y a quelques jours sur
le plateau de l’émission CNEWS face à des interlocuteurs moqueurs qu’il ne
voulait plus manger de foie de canard en raison des conditions de leur gavage
pas plus d’ailleurs qu’il ne voulait continuer de consommer de viande animale.
Sensiblerie mal placée ?
Alain Finkielkraut lui donnerait peut-être la réplique
avec son imagerie poétique de l’animal rêvé par un homme moderne anachronique. « Oh
là là, qu'elles sont belles, vos vaches ! Qu'elles sont gentilles, vos vaches ! »
s’esclame-t-il à la ferme Delargillière. « Mon hôte m'a fait visiter
ses installations : ce sont des étables ouvertes sur l'extérieur, les vaches
peuvent voir le ciel, même l'hiver. Et puis, dans sa ferme, il n'y a pas de
logettes : les bêtes vivent ensemble et, selon l'atavisme qui les pousse à se
protéger d'un agresseur éventuel, elles dorment en rond, rapporte-t-il,
emballé. Il faut donner le plus possible la parole à ces paysans qui veulent
laisser aux vaches la possibilité d'exister en tant que telles, et refusent de
sacrifier ce qui est pour eux l'intense bonheur annuel de la danse des vaches
au pur et simple principe de la rentabilité. »[1]
Il nous faut aller plus loin que cette allégorie.
Nous avons une manière erronée de poser le problème,
de l’aborder et de le résoudre.
Cette question doit se concevoir dans un cadre
beaucoup plus large : celui de notre rapport à la nature dans le cadre de
la Création.
Mgr Dominique Rey écrit dans son livre « peut-on être catho et écolo ? »
que « la crise écologique découle aussi d’une crise anthropologique ».
C’est le fond du problème.
La place de l’homme dans la nature a été dévoyée pour
d’innombrables raisons. Il y a bien évidemment les facteurs techniques,
économiques qui font que l’homme se croit toujours plus puissant. Invulnérable.
Capable de tout solutionner. Les prédictions alarmistes sont tellement lointaines…
On ne se sent pas réellement en péril ni concerné. Les ours blancs vont
disparaître oui et alors ? Il n’y a plus d’insectes ? Nous continuons de vivre…
Les abeilles ? Nous trouvons encore du miel à acheter… La hausse du niveau
des mers et des océans ? Nous serons morts avant…. Notre mode de vie ne
semble pas devoir être directement remis en question malgré les alertes des uns
et des autres. La technique va nous sortir de là… Une prochaine découverte… La
science peut tout résoudre…
Il y a aussi des facteurs d’ordre anthropologique et
donc religieux. Quelle est la nature de l’homme ? Divine ou pas ? La création
en est-elle une ? Si oui, de qui ? Est-elle divine ? Dès lors l’animal est-il une
créature de Dieu ? Si oui, comment concilier cela avec le fait qu’il soit au
service de l’homme qui peut même le manger après l’avoir tué ? Mais cette
capacité que l’homme a d’éliminer l’animal est-elle absolue ou relative ? En
clair, le pouvoir naturel que l’homme a de se soumettre l’animal est-il sans
limites ? Et s’il doit y avoir des limites quelles sont-elles ?
C’est en répondant à toutes ces questions que l’on
peut résoudre de manière équilibrée la problématique de notre nécessaire respect
à l’égard de la cause animale. Non pas parce que l’animal est mignon ou fidèle
comme nos chiens de compagnie. Non pas parce que nous avons vie de pleurer face
à des canards que l’on gave de manière mécanique. Non pas parce que nous avons
pitié de ces vaches enfermées dans des conditions optimisées pour qu’elles
produisent le maximum d’un lait qui n’a plus de goût. Mais tout simplement
parce que l’ordre des choses veut que l’utilisation que l’homme fait de la
nature ne soit pas abusive ; qu’elle reste digne. Car n’en déplaise aux
âmes sensibles l’animal est utilisé par l’homme. La création est ainsi conçue
qu’il peut se le soumettre et que l’inverse n’est pas vrai sauf circonstance
exceptionnelle. Mais l’homme n’a pas le droit de faire n’importe quoi. Cela n’est
pas de la sensiblerie. C’est simplement du respect, de la dignité. Ce qui n’est
pas la même chose !
À ce stade, et avant de conclure, il m’apparaît utile
voir même indispensable, de rappeler l’enseignement de l’Eglise catholique dans
son catéchisme à ce sujet. Les citations qui suivent sont extraites des numéros
2415 à 2418 de ce catéchisme[2].
« L’usage des ressources minérales,
végétales et animaesl de l’univers, ne peut être détaché du respect des
exigences morales. La domination accordée par le créateur à l’homme sur les
êtres inanimés et les autres vivants n’est pas absolue ; elle est mesurée par
le souci de la qualité de la vie du prochain, y compris des générations à venir
; elle exige un respect religieux de l’intégrité de la Création ».
« Les animaux sont des créatures de
Dieu. Celui-ci les entoure de sa sollicitude providentielle. Par leur simple
existence, ils le bénit et lui rendre gloire. Aussi les hommes leur doivent-ils
bienveillance ».
« Dieu a confié les animaux à la gérance
de celui qu’il a créé à son image. Il est donc légitime de se servir des
animaux pour la nourriture et la confection des vêtements. On peut les
domestiquer pour qu’ils assistent l’homme dans ses travaux et dans ses loisirs.
Si elles restent dans des limites raisonnables, les expérimentations médicales
et scientifiques sur les animaux sont des pratiques moralement recevables
puisqu’elles contribuent à soigner ou épargner des vies humaines. »
« Il est contraire à la dignité
humaine de faire souffrir inutilement les animaux et de gaspiller leur vie. Il
est également indigne de dépenser pour eux des sommes qui devraient en priorité
soulager la misère des hommes. On peut aimer les animaux ; on ne saurait
détourner vers eux l’affection d’une seule personne ».
Cette Eglise qui a fait de Saint-François-d ’Assise le
saint patron de l’écologie ; Saint-François-d ‘Assise dont le cantique des
créatures[3] doit être lu et médité :
Cantique
des créatures de Saint François d’Assise
Loué
sois tu, mon Seigneur, avec toutes tes créatures,
spécialement
messire frère Soleil,
par
qui tu nous donnes le jour, la lumière :
il
est beau, rayonnant d'une grande splendeur,
et
de toi, le Très Haut, il nous offre le symbole.
Loué
sois tu, mon Seigneur, pour sœur Lune et les étoiles :
dans
le ciel tu les as formées,
claires,
précieuses et belles.
Loué
sois tu, mon Seigneur, pour frère Vent,
et
pour l'air et pour les nuages,
pour
l'azur calme et tous les temps :
grâce
à eux tu maintiens en vie toutes les créatures.
Loué
sois tu, mon Seigneur, pour sœur Eau qui est très utile
et
très humble précieuse et chaste.
Loué
sois tu, mon Seigneur, pour frère Feu
par
qui tu éclaires la nuit :
il
est beau et joyeux,
indomptable
et fort.
Loué
sois tu, mon Seigneur, pour sœur notre mère la Terre,
qui
nous porte et nous nourrit,
qui
produit la diversité des fruits,
avec
les fleurs diaprées et les herbes.
Loué
sois tu, mon Seigneur, pour ceux
qui
pardonnent par amour pour toi ;
qui
supportent épreuves et maladies :
Heureux
s'ils conservent la paix,
car
par toi, le Très Haut, ils seront couronnés.
Loué
sois tu, mon Seigneur,
pour
notre sœur la Mort corporelle,
à
qui nul homme vivant ne peut échapper.
Tout est une question d’équilibre. Un équilibre à
rechercher autour d’un fléau qui doit être comme celui de la balance,
entre-deux, celui de la mesure.
Mais à partir du moment où l’homme ne se respecte plus
lui-même, comment peut-on rétablir un ordre naturel des choses ?
Au risque de choquer je finirai en évoquant le double fait
qu’à partir du moment où l’homme est encore capable de tolérer l’esclavagisme
des enfants dans nombre de pays comme l’Afghanistan qui est à nos portes, ou qu’il
n’est pas capable de résoudre son problème de reproduction et de sexualité autrement
qu’en tuant l’enfant qui est dans le sein de sa mère et qu’il est incapable de
reconnaître qu’ainsi il commet un crime, , il n’est pas envisageable qu’il soit
également capable d’aborder sa relation avec la nature conformément à un ordre
naturel des choses.
Oui le problème est au cœur de l’homme…
Semper idem !
[1] https://www.marianne.net/societe/alain-finkielkraut-danse-avec-les-vaches
[2] https://www.vatican.va/archive/FRA0013/_INDEX.HTM
[3] https://croire.la-croix.com/Definitions/Figures-spirituelles/Saint-Francois-d-Assise/Le-Cantique-des-creatures
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