dimanche 22 janvier 2023

UN DIMANCHE DE SAINT VINCENT A LA CELLE EN PROVENCE...

Je m’apprêtais à vous entretenir du fait que notre France est devenue un pays ingouvernable. Ce sera pour une autre fois  Ce soir j’ai le cœur en fête. Je viens en effet de participer avec mon épouse a une belle journée bachique: un chapitre extramuros de l’Ordre Illustre des Chevaliers de la Méduse tenu à La Celle au cœur du département du Var.


Le thème de ce soir ne sera donc ni polémique ni politique. Il sera festif, à l’image de cette belle journée au cours de laquelle, renouant avec les traditions provençales, nos vignerons nous ont invité à fêter Saint-Vincent et à participer à une messe célébrée en ouverture de leur chapitre, puis à applaudir l'intronisation de leurs nouveaux chevaliers et officiers et enfin à boire, manger, échanger, partager, goûter, commenter, célébrer le vin et tout ce qui coule avec lui… et pour finir, après avoir lampé à plusieurs reprises, à entonner et chanter l’hymne La Coupo Santo de notre Frédéric Mistral national. Un programme! Un vrai …

Car en ces joyeuses assemblées on ne boit pas du vin, on lampe de l’huile, et après avoir lampé, on crie alléluia !

Mais pourquoi consacrer un blog à cela ?

Tout d'abord parce que le vin, outre que je lui consacre désormais mon activité professionnelle, est à lui seul un art de vivre qui fait l'honneur de ceux qui se consacrent à le produire et à le faire. Ce vin que Raoul Ponchon célébra si bien dans des vers inoubliables:

Ah ! sapristi ! le bon vin
D’où qu’il vînt,
Ami, que tu m’as fait boire !
Quand il viendrait du Brésil,
Je dis qu’il
Est digne du Saint Ciboire.

Est-il de belle couleur !
Quelle fleur
Lui peut être comparable !
Un rubis auprès de lui
N’est que nuit,
Tout parfum, que misérable.

Il est frais entre les dents,
Et dedans
La gorge il met de la joie,
De même qu’il rend au cœur
Sa vigueur,
Sans inquiéter le foie.

Il n’est pas de ces vins fous.
Lesquels vous
Flanquent d’abord une tape.
Pacifique et naturel,
Il est tel,
Qu’il somnolait dans la grappe.

Ses éléments éthérés,
Par degrés,
Montent, par lente poussée,
Mais ne prennent pas d’assaut,
En sursaut
Le palais de la Pensée.

C’est un paisible et serein
Souverain,
Qui, dans sa cour enchantée,
Avance à pas de velours,
Si peu lourds
Qu’on ne s’en peut faire idée.

Pourtant, à son pas discret,
On dirait
Que ses courtisans s’éveillent
Qui dormaient en l’attendant...
Dans l’instant
S’éveillent et s’émerveillent.

Et lentement, et petit
À petit,
Les rythmes, comme des pages,
Commencent à frétiller,
Babiller,
Et mènent de grands tapages.

Un rêve dans mon cerveau,
Tout nouveau,
Se lève comme une aurore,
Plus ingénu mille fois,
Qu’en les bois,
Une fleur qui vient d’éclore,

Et voici que mon esprit
S’attendrit
Sur nos misères humaines,
Et que je dis des méchants :
Pauvres gens !
Pitié pour ces phénomènes !

Je souhaite aussi tout simplement vous faire partager un bon moment de vie en société. Il y en a si peu en cette période de revendications, de contestations, de peurs et de négations !  

Qu’il est bon, dans la France de 2023 qui déteste les milliardaires, qui ne se reconnaît plus en ses élites, qui abandonne sa langue, qui croit qu'il suffit de nier les genres pour traiter dignement les êtres humains, qui a peur du travail et pire ne l'aime plus, qui s’inquiète du lendemain malheureusement parfois à juste titre, qui ne sait plus de quoi demain sera fait, qui s’interroge de la destinée de sa nation, qui semble croire que l’écologie véritable serait l’ennemi d’une agriculture efficace et rentable, oui qu’il est bon dans ce monde de gens parfois trop sérieux et surtout trop inquiets, de découvrir des événements que l’on pourrait qualifier d’un autre temps, avec leurs traditions, leurs us et coutumes, leurs décorations, leur lustre, leur faste suranné, leur décorum antimoderne et leurs rites.

Cette confrérie a pour vocation de promouvoir les huiles (les vins) de Provence et ses appellations. On y est frères et sœurs, et intronisé chevalier, on y devient commandeur, on peut en être le grand maître. Tout ceci avec beaucoup de simplicité, au service des vignerons et de l'huile. Le miracle de ce type d’associations est de parvenir à faire vivre nos traditions locales. Celles-ci sont essentielles à l’art de vivre et à la vie en société. Elles sont vitales. La tradition transmet. Elle est le cadre de la transmission. Elle la permet. Elle coule dans les veines de l'authentique modernité.

De telles manifestations sont la démonstration atypique de l’utilité de ce qui, anecdotique, ornemental et folklorique pourrait sembler inutile. À l’époque où les domaines viticoles sont devenus des entreprises, ou les vignerons doivent être des maîtres dans l’art de la commercialisation de leurs vins en même temps que des viticulteurs capables de jongler avec la sécheresse, la grêle, le gèle et tous les caprices de la météo, mais encore des viniculteurs performants, il est réconfortant et rafraîchissant de voir que ces femmes et ces  hommes-là savent prendre du temps pour se retrouver autour de leurs pratiques ancestrales et mettre la fête et le décorum au cœur de la défense de leurs appellations.

Et il n’est pas innocent qu’au cœur de la Provence cet Ordre illustre clôture son repas par l’hymne « LA COUPO SANTO », chanté - dans les règles - avec cœur et passion.

Je ne résiste pas au plaisir d'en reproduire le texte en provençal avec sa traduction !

Coupe sainte


Prouvençau, veici la Coupo
Que nous vèn di Catalan ;
A-de-rèng beguen en troupo
Lou vin pur de noste plant.


Provençaux, voici la coupe
Qui nous vient des Catalans
Tour à tour buvons ensemble
Le vin pur de notre cru.

Coupo Santo
E versanto
Vuejo à plen bord
Vuejo abord
Lis estrambord
E l'enavans di fort !

Coupe sainte
Et débordante
Verse à pleins bords
verse à flots
Les enthousiasmes
Et l'énergie des forts !

D'un vièi pople fièr e libre
Sian bessai la finicioun ;
E, se toumbon li Felibre
Toumbara nosto nacioun.

D'un ancien peuple fier et libre
Nous sommes peut-être la fin ;
Et, si les Félibres tombent
Tombera notre nation.

D'uno raço que regreio
Sian bessai li proumié gréu ;
Sian bessai de la patrìo
Li cepoun emai li priéu.

D'une race qui regerme
Peut-être somme nous les premiers jets ;
De la patrie, peut-être, nous sommes
Les piliers et les chefs.

Vuejo-nous lis esperanço
E li raive dóu jouvènt,
Dóu passat la remembranço
E la fe dins l'an que vèn.

Verse nous les espérances
et les rêves de la jeunesse,
Le souvenir du passé
Et la foi dans l'an qui vient.

Vuejo-nous la couneissènço
Dóu Verai emai dóu Bèu,
E lis àuti jouïssènço
Que se trufon dóu toumbèu.

Verse nous la connaissance
Du Vrai comme du Beau,
Et les hautes jouissances
Qui se rient de la tombe.

Vuejo-nous la Pouësio
Pèr canta tout ço que viéu,
Car es elo l'ambrousìo
Que tremudo l'ome en diéu.

Verse nous la Poésie
Pour chanter tout ce qui vit,
Car c'est elle l'ambroisie
Qui transforme l'homme en Dieu.

Pèr la glòri dóu terraire
Vautre enfin que sias counsènt
Catalan, de liuen, o fraire,
Coumunien tóutis ensèn !

Pour la gloire du pays
Vous enfin nos complices
catalans, de loin, ô frères,
Tous ensemble, communions !

Tout est dit ! Mistral, l'ardent défenseur des arts et traditions provençales, avait compris l'essentiel. 

Puissent ceux qui perpétuent encore ces traditions sachent en transmettre demain et après-demain le flambeau vivant aux générations qui suivront!

2 commentaires:

  1. Ravi d'avoir, grâce à vous, retrouvé les paroles de la Coupo Santo que me chantait mon père, lui-même plus ou moins Félibre. AT

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