Vertige du transhumanisme…
J'ai vraiment eu le vertige en écoutant le dialogue entre
Michel Onfray et Laurent Alexandre arbitré par Frederic Taddeï sur le thème de
l'humanité augmentée et du transhumanisme. https://www.youtube.com/watch?v=PPGQxFGpI9k
Le second ose se présenter comme un humaniste animé par la conviction que nous n'avons pas d'autre choix que d'accepter de devenir des cyborgs humains, le transhumanisme étant irréversible. Le premier reconnaît le caractère inéluctable de l'évolution mais en conteste les effets dénonçant avec talent et conviction une nouvelle barbarie et un inévitable totalitarisme.
Malgré l'acuité de son intelligence et de son analyse
Michel Onfray est dans une spirale négative. Nous devons « faire avec »
au risque de nous brûler les ailes. Nous n'aurions pas le choix.
Au nom du progrès et de ce constat initial de Laurent Alexandre non contredit
par son interlocuteur que dans l’histoire ni les interdits, ni la morale, ni l’éthique
ne sont parvenus à retenir l’homme dans sa course effrénée aux progrès de la
science… Michel Onfray est dans l’apparente incapacité de nous convaincre que
le progrès qu’il dénonce au nom de notre humanité puisse ne pas advenir. Tragique
– ce sont ses mots- et résigné.
Sidérant échange ! Comment se fait-il que
finalement ce qui départage ces deux hommes - leur opposition apparente mais à
mon avis factice entre un conservatisme et un cyber-progressisme – soit stérile
en faveur du transhumaniste ? L'horizontalité de leur discussion expliquerait-elle
cette impasse ?
Les progrès de la science en termes de facilités d'accès
à une connaissance universelle sont l’univers de l'homme moderne. Dès lors, un
philosophe même agile et intelligent ne parvient pas à annihiler l'attraction
de la supercherie qu'il dénonce avec acuité et précision. Car lorsqu'il évoque un
cheval de Troie il a raison. Car lorsqu'il dénonce le risque de totalitarisme,
c'est-à-dire de la prise du pouvoir par les détenteurs de l'information qui
alimentera les cerveaux des cyborgs, il a encore raison. Mais la raison cède
devant la fascination générée par cette incroyable progrès que constitue
l'intelligence artificielle et les facilités qu'elle procure.
Voilà qui rejoint une interview de Luc Ferry à propos de son
dernier livre « La frénésie du
bonheur ». « L'injonction à devenir narcissique est devenue le
leitmotiv de notre temps » !https://www.lejdd.fr/societe/luc-ferry-dans-le-jdd-linjonction-devenir-narcissique-est-devenue-le-leitmotiv-de-notre-temps-138784#:~:text=Abonn%C3%A9%20Soci%C3%A9t%C3%A9-,Luc%20Ferry%20dans%20le%20JDD%20%3A%20%C2%AB%20L'injonction%20%C3%A0%20devenir,le%20devenir%20de%20notre%20civilisation. Laurent Alexandre évoque d’ailleurs les
projets des tenants des entreprises commercialisant et diffusant les outils
d'intelligence artificielle de la Silicon Valley et consistant à offrir un
revenu universel à la majorité de la population ainsi qu’à lui offrir des
casques de réalité virtuelle de manière à l'occuper tout en lui proposant
l'immortalité. Ce qui va dans le sens de l'évolution récente soulignée par Luc
Ferry d'une humanité qui a de moins en moins envie de travailler… Narcissique
et paresseuse dès lors que tout est accessible, à portée d’I phone.
Si Michel Onfray est battu d'avance c’est parce que sa
voix est celle de l'effort et non celle de la facilité. Entre l'acceptation de
la greffe d'une puce qui donnera accès à l'intégralité de la connaissance de
l'humanité et de longues études pour apprendre à réfléchir, à raisonner, et à
penser il n'y a pas photo !
Il y a néanmoins un hiatus…
En effet tout au long de l'échange, que je vous invite à
écouter de la première à la dernière minute, la question de l'accès au bonheur
qui est précisément au cœur de la réflexion de Luc Ferry, n'a pas été abordée sauf
par Michel Onfray très rapidement et sans suites au début de ce dialogue. C'est
pourtant la grande faiblesse de l'intelligence artificielle. Elle n'est que stockage
et traitement à grande échelle d'une masse d'informations rendues apparemment
intelligentes grâce aux connexions créées par le biais des algorithmes. En
clair, il s’agit d’une intelligence technologique, d’une boite à outils pour
reprendre les mots et les analyses de Luc Julia qui affirme que l’IA n’est pas
intelligente…https://www.youtube.com/watch?v=yuDBSbng_8o Elle n'est pas créative. Mais surtout elle n'a aucune empathie,
ni capacité émotionnelle.
L'empathie et l'émotion sont les grandes oubliées du
débat de F. Taddeï.
C'est pourtant là que se trouve la clé. Comme Luc Ferry le
souligne. L'accès au bonheur via dit-il … une spiritualité laïque. Michel Onfray
n’en est pas loin lui qui a écrit « anima », vie et mort de l’âme. Si
les deux philosophes ont ceci en commun qu’ils ne croient pas en la divinité de
NSJC et en son Eglise ils n’en sont pas moins des témoins du vide laissé par la
dissolution du Christianisme sur lequel surfe le transhumanisme porté par sa
force facilitatrice.
Or c’est bien cette dimension spirituelle qui permet de
résoudre l’impasse du dialogue organisé par F. Taddeï. Car rien n’arrête le
progrès scientifique dans sa logique de progrès. La seule réplique possible est
que l’IA n’apporte pas le bonheur et bien au contraire qu’elle en rend progressivement
impossible la réalisation. Il n’y a qu’à voir ce que deviennent nos vies envahies
par nos smartphones, internet et les réseaux sociaux !
Comme l'écrivait Georges Bernanos « Quand la société impose à l’homme des sacrifices supérieurs aux services qu’elle lui rend, on a le droit de dire qu’elle cesse d’être humaine, qu’elle n’est plus faite pour l’homme, mais contre l’homme ». Répondant directement à l’avance à Laurent Alexandre il affirmait : « La Civilisation des Machines a aussi sa devise : « Technique d’abord ! technique partout ! » Imbéciles ! vous vous dites que la technique ne contrôlera, au pis-aller, que votre activité matérielle, et comme vous attendez pour demain la « Semaine de Cinq Heures » et la Foire aux attractions ouverte jour et nuit, cette hypothèse n’a pas de quoi troubler beaucoup votre quiétude ». Et encore « La Technique ne peut être discutée, les solutions qu’elle impose étant par définition les plus pratiques. Une solution pratique n’est pas esthétique ou morale. Imbéciles ! » (In LA FRANCE CONTRE LES ROBOTS extraits du Ch 7)
C’est Bernanos et Julia qu’il aurait fallu confronter à Laurent
Alexandre !
Leur opposition aurait été sans concessions et efficace au nom de notre intelligence humaine et aussi de notre libre-arbitre, de notre conception de l’homme et de notre conscience.
Croyants
ou pas, le bonheur ne se réduit pas à un accès simplifié ou accéléré à la
connaissance. Il résulte d’une connaissance maitrisée, orientée et impactée par
nos émotions, nos sentiments, notre spiritualité, notre âme.
C’est à ce nveau que se situe le risque de la barbarie
justement dénoncé par Michel Onfray. Si Luc Julia dit vrai la barbarie n'est pas inéluctable…
« Le meilleur des mondes » est en marche… et je crains fort, comme MO, que tous les efforts pour s’y opposer soient vains… Sauf catastrophe mondiale majeure (cf. « Le labyrinthe des égarés » de Amin Maalouf), cette robotisation de l’humanité est inéluctable. Faut-il pour autant souhaiter l’avènement d’Armageddon pour la freiner ?
RépondreSupprimerCR
Je viens d’acheter « le fétiche et la marchandise ».