lundi 14 juillet 2025

MON ETE AVEC CHARLES PEGUY (1)

En évoquant Charles Péguy cet été, je ne vous invite pas simplement à lire ou relire un immense écrivain et poète.  Il s'agit d'un témoin de chair, de sang, de cœur et d’esprit. Un homme intégral. Péguy  nous parle avec la voix des prophètes et la bienveillance des pères, mettant  le "bien", le "mal", l’"homme " et Dieu au centre de sa réflexion et de sa méditation. Il a écrit pour toujours. 


Bien qu'il n'ait pas été reçu au concours de l'agrégation, Charles Péguy fut philosophe par sa formation à l'école d'Henri Bergson, sa méditation, sa réflexion. 

Il dénonça le système kantien, de ce philosophe qui, après Descartes, a tout fait basculer. Il le fit avec une formule dont lui seul avait le secret :

 

« Le kantisme a les mains pures, mais il n’a pas de mains. »

Victor-Marie, comte Hugo (1910)

Par cette phrase percutante, Péguy nous fait comprendre combien la rupture opérée par Kant nous empêche de penser le réel. Kant a coupé le lien entre l’esprit et le réel. Il a enfermé le monde de la pensée philosophique, morale et politique dans la subjectivité et l'arbitraire. L'exact contre-pied de l'œuvre et de la vie de Charles Péguy qui ne font qu'un.

Kant a fait de la religion un simple sentiment, récusant que la raison, préemptée par la science, y ait droit de cité. Il a transformé la morale en un catalogue d’a priori abstraits, faute de reconnaître une objectivité à l'observation du réel et à la recherche de ce qui est bon et ce qui est mauvais pour l’homme.

Dans ce système kantien la loi morale ne vaut plus parce qu’elle est bonne pour l’homme, mais simplement parce que le sujet se l’impose à lui-même ou parce qu'elle lui est imposée. L’impératif catégorique devient ainsi le critère du devoir, indépendamment de toute finalité  objective. 

Et dès lors que la norme est réduite à l’opinion — fût-elle « rationnelle » — il devient impossible de s’accorder sur ce qui est bon pour l’être humain. Le bien devient une option. La justice, une préférence. Le mal, un jugement personnel.

C’est précisément pour cela que Péguy ne sépare par exemple jamais la vérité de la chair, la justice de la pauvreté, l’espérance de l’enfance. Il n’y a pas, chez lui, d’idée morale désincarnée. Ses écrits mettent en scène des réalités concrètes : des enfants qui ont froid, des paysans qui meurent, des instituteurs qui enseignent, des femmes qui prient.  Et il est effectivement mort pour la France alors que rien ne l'obligeait à partir au combat, après avoir écrit ces vers tant de fois entendus et appris:

       « Heureux ceux qui sont morts pour des cités charnelles».

       — Eve

Or c’est  dans ces vies réelles, vécues intégralement, que se décide ce qui est bien ou mal.

« Il faut être pauvre, mais digne. Il faut que les enfants aient froid, mais sans se moucher du revers de la manche. »

L’Argent (1913)


Péguy est un métaphysicien dont les pieds sont ancrés dans la vie: il pense l’être à partir du réel concret, et non à partir de concepts désincarnés. Il ne demande pas « Qu’est-ce que l’Homme en général ? », mais « Qu’est-ce que cette femme, ce peuple, ce juste ? ». Et il sait que le bien est ce qui permet à un être d’accomplir ce qu’il est. Ses personnages privilégiés ( Jeanne d’Arc, les pauvres, les enfants, les maîtres d’école) sont autant de révélateurs de la justice et non de simples archétypes littéraires.

 

« Jeanne ne s’est pas battue pour que la France fût riche, elle s’est battue pour qu’elle fût la France. »

Jeanne d’Arc (1897)

 

Pour lui le bien n’est pas ce qui est utile, mais ce qui est fidèle à la vocation d’un être. En d’autres termes, un être est « bon » lorsqu’il réalise pleinement ce pour quoi il est fait. Le kantisme n'a effectivement pas de mains...

Par sa prose brûlante, avec ses images fortes Péguy connecte la morale avec le réel observé parce que vécu: l’expérience vécue de l’homme réel – de l’homme blessé, de l’homme espérant.

 

2 commentaires:

  1. L’idéal, selon moi, serait de pouvoir inscrire le Cœur et la Morale individuelle dans le cadre de la Raison universelle (pure?), et cela pour le bien commun.
    CR

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  2. Merci pour ce rappel plein de bon sens et de vérité qui éclaire nos vies
    AF

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