samedi 10 décembre 2011

LA VOIE DE L'AUTOLIMITATION.

Je repensais à cette phrase de Gandhi : « la terre peut fournir de quoi satisfaire chacun selon son besoin mais pas selon son avidité ! ». Les problèmes posés par le règne de la pulsion sur des comportements humains incapables de maîtriser leurs désirs sont cruciaux. Les besoins et les droits y deviennent absolus. Ils doivent être satisfaits à n’importe quel prix. Et leur satisfaction passe par une transformation des peuples en masses sujettes à la manipulation des oligarchies ; le progrès est synonyme de complexité et la complexité d'anonymat dans l'exercice du pouvoir.

 Du coup je me remémorais la déclaration ahurissante d'Alan Greenspan pour sa défense devant la chambre des représentants après la faillite de Lehman Brothers: « je ne savais pas » ! Ainsi un homme de cette importance entreprend des actions, cautionne des engagements, sans savoir quels en seront les conséquences et les répercutions. Si encore il n’engageait que lui !

 Un tel aveu, à la fois d’impuissance et d'irresponsabilité, signifie qu’à tous les niveaux on perd la maîtrise du pouvoir. Ce qui confirme pour reprendre les termes de Paul Jorion que l'homme a perdu toute compréhension intuitive des choses qui se passent autour de lui et que notre monde est en train de devenir un inquiétant théâtre de marionnettes.

 Appelés à être les principaux bénéficiaires des progrès de notre époque nous en sommes en réalité devenus les sujets et les jouets, mais aussi les victimes….

 DES EXEMPLES;

Ceci vaut pour la finance mais également dans bien d'autres domaines. Tournons-nous vers le nucléaire ; progrès s'il en est ! Mais progrès que nous ne maîtrisons pas au moins au-delà de l'échéance de la durée de vie d'une génération. Ceci est clairement apparu à l'occasion de l'épisode dramatique de l'accident qu'a connu le Japon en mars dernier. Aucun expert ne peut garantir ce qu'il adviendra de toutes ces centrales et des déchets au-delà de 20, 30 voire 50 ans.  Nous répondrons plus tard à nos petits-enfants que nous ne savions pas ! Certes le risque 0 n’existe pas. Mais avions-nous le droit de nous embarquer sur le navire nucléaire, sans savoir où il nous menait…Vrai question !
 Le traitement des peines à infliger aux auteurs de crimes sexuels nous renvoie à la même problématique. Notre souci du respect absolu, sans limites, des droits de la défense des mis en cause– au risque de me mettre à dos la majorité du monde judiciaire j’ose affirmer qu’il y a une idéologie des droits de la défense en faveur des prévenus- de vouloir à tout prix réinsérer, soigner, de refuser toute idée d’élimination, nous conduisent à prendre des risques que certains estiment inconsidérés. Ces derniers ont-ils tort ? Où sont les priorités ? Quels risques a-t-on le droit de prendre et surtout de faire prendre à nos concitoyens ? Qu’exige la poursuite du bien commun ? Cet objectif qui pour être respecté nécessite de priver personne d’un droit légitime ?

 Prenons un exemple dans un tout autre domaine, celui de la contraception féminine ; pas pour faire de la morale... Il est acquis que l'usage des contraceptifs, légitimés par la libération qu'ils ont apportée aux femmes, sont générateurs de risques sur la santé que personne n'a mesuré et ne mesure encore aujourd'hui. Est-ce responsable ? En avions-nous le droit ?
 Bien d'autres exemples pourraient encore être pris. Le sang contaminé et le célèbre « responsable mais pas coupable » ! Elle ne savait pas non plus…La récente affaire des laboratoires Servier ! Il n’en manque malheureusement pas.

 LA PULSION ET LA COMLEXITE.

A chaque fois nous retrouvons cette conjonction d’une exigence collective pulsionnelle de répondre à des besoins non vitaux mais ressentis comme indispensables, et l’ inconscience des décideurs et des  responsables s’appuyant sur les progrès d’un système dont la complexité est la clé et qu’ils ne maîtrisent plus.
 Notre avidité, guidée par nos pulsions incontrôlées et non maîtrisées, souvent aveuglées par l’idéologie nous ont fait accepter collectivement de faire confiance à des gens aussi compétents que savants, roi dans le système de la complexité, qui en réalité ne savaient pas et avaient perdu de vue l’essentiel …
 Nous éprouvons un sentiment d’impuissance et une fois de plus nous nous interrogeons, que faut-il faire?
 Sans doute faut-il exiger que collectivement des dispositions soient prises de manière à résoudre ce type de problématique. Mais cela n'est pas suffisant. C’est surtout trop loin de notre cercle personnel d’influence et de compétence. Sachant que pour des raisons déjà évoquées dans ce blog le pouvoir est entre les mains d’une oligarchie de telle sorte que le pouvoir d’influence du système démocratique est marginal.

 LA VOIE DE L'AUTOLIMITATION.

Nous subissons clairement la pression d'un système qui exerce un pouvoir sur nos vies. Il nous impose des contraintes. Nous avons la possibilité de dire non ; de refuser. Les russes et plus généralement tous les peuples de l'Est qui étaient sous l'emprise du système soviétique, des chinois qui étaient sous l'emprise du système de Mao, n'ont-ils pas refusé pour une partie d'entre eux ?
 Certes le contexte n'était-il pas le même. Les enjeux directs étaient apparemment d'un autre ordre. Leur liberté, leur vie étaient en cause sur un plan individuel comme collectif ; alors que nous nageons dans le confort, même si la récession nous menace, mais de si loin encore…
 Apparente difficulté donc pour nous d'avoir le courage de refuser la facilité. Et c'est vrai qu’il est plus facile de faire des choix vitaux lorsque l'on est confronté à une menace essentielle que lorsque l’on est gavé par la société de consommation. C’est le piège du progrès !
 Il s'agit pour nous d'identifier ce qui est bon et ce qui ne l'est pas, en vertu de critères simples mais fondamentaux. De prendre conscience de faire des choix mettant en cause l'avenir de l'humanité et des générations futures pour tout ce qui relève du court terme et de l'aménagement de nos besoins matériels immédiats. Pour des petites choses apparemment insignifiantes. Prendre la mesure de l’importance et de l’impact de chacun de tous nos choix. Sainte Thérèse de l’enfant Jésus constitue un excellent modèle.
 Elle est là la ligne de partage. Le choix existe. Le tout est d'avoir le courage de dire non à un certain confort, d'avoir la lucidité de prendre en considération que notre liberté d'hommes et de femmes est en jeu, ainsi que notre avenir et celui des générations à venir, de refuser de choisir ce que nous ne comprenons pas, ce qu’on ne nous donne as les moyens d’évaluer. Mais sommes-nous capables de faire d'autres choix de vie ?
 Il y a un moment où il faut arrêter le jeu des engrenages. Nous devons poser des actes manifestant notre refus de cette complexité génératrice de risques en ce qu'elle s'est traduite par une perte de lucidité et de responsabilité.
 Voilà qui m’amène au concept d’autolimitation imaginé par Alexandre Soljenitsyne. Il sut ce que c'est que la force d'un homme disant non à un système totalitaire capable de tuer pour éliminer. Il suggérait de s’astreindre à l'autolimitation pour orienter le progrès de nos sociétés vers l'accomplissement du bien, individuel comme collectif.
 Nous pouvons nous efforcer de mettre en œuvre l’autolimitation pour apprécier le bien-fondé, l'utilité ou l'opportunité des actes, des décisions, des progrès, des produits qui nous sont soumis ou suggérés. Pour savoir !
 Ce qui nous ramène à la distinction entre la pulsion et le désir. La mesure n'est pas toujours naturelle au comportement humain. Or c'est bien de mesure que l'on parle lorsqu'on évoque l'autolimitation…Cela nous renvoie aussi à la raison, au bon sens populaire : « être raisonnable ! ». Or à l'évidence notre monde est dominé par la pulsion, par le manque de mesures, par la déraison. Il s’étourdit dans sa course vers le progrès et cache son inconscience derrière la complexité. Sortons de cette logique irresponsable et suicidaire en commençant par nous, à notre niveau personnel. Il s’agit d’une exigence salvatrice. Et que l’on ne me réponde que c’est utopique ! Il faut bien commencer…Croyez-vous que les prisonniers du Goulag ou les résistants de 1940 se sont posés ce type de questions ? Certainement pas ; pour eux cela aurait été de la lâcheté…

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