vendredi 18 mai 2012

UNE POLITIQUE JUSTE DANS UNE SOCIETE EN CRISE

Le nouveau Président de la République et son gouvernement demandent aux Français de juger leur politique sur la justice. Pourquoi pas! Le besoin de justice et le rejet de l'injustice sont profondément ancrés en l'homme. Le Christ n'a-t-il pas proclamé qu’heureux étaient ceux qui avaient faim et soif de justice ? Reste à savoir comment on définit ce qui est juste, particulièrement face à une crise systémique inévitable…

Morale et Justice.

J'ai écrit il y a une semaine qu'il y avait un paradoxe chez notre nouveau chef de l'État consistant à faire de la morale en rejetant tous principes moraux. La justice nous replonge dans ce paradoxe. Car la justice est une notion morale. Morale, morale quand tu nous tiens !...

Une amie qui n'est pas d'accord avec moi me répondait il y a quelques jours que la morale à laquelle je me référais était la morale chrétienne à laquelle elle n'adhère pas, par rejet du Christianisme comme beaucoup de nos contemporains... Le débat sur la morale a été profondément modifié par l'indifférence de notre époque à l'égard de la religion, par notre athéisme pratique. Il n’en était pas de même au début du siècle précédent ; il y avait de nombreux points communs entre la morale publique de l'instituteur et la morale chrétienne; rappelez-vous les hussards noirs de Péguy, le père de Marcel Pagnol…. La morale est d'abord naturelle. La morale religieuse catholique n'a fait que se fonder sur une morale naturelle déjà reconnue et établie par l'expérience. La morale est connaturelle à l'homme qui en ressent la nécessité autant qu'il éprouve par moment le désir de la violer. Elle est résumée dans le décalogue et il n'est pas nécessaire de croire en Dieu pour reconnaître ses vertus fondatrices.

Prisonnière de ses a priori idéologiques, rejetant l'intolérance religieuse, confondant le moral et le religieux, le pouvoir en place instaure depuis de nombreuses années une morale qui est le contraire d'une morale, subjective, sans bien ni mal, sans repères, sans stabilité…. Absence de références qui altère de facto la justice. D'où le risque de tomber dans le risque de subjectivité et dans le même fanatisme que celui qui aveugla les révolutionnaires de 1789 puis de toutes les révolutions et les dictatures du XXe siècle … Si la définition de la justice est subjective, le pouvoir cherchera, à un moment ou à un autre, à l'imposer, même par la force. Et nous y sommes déjà avec nombre de projets du nouveau pouvoir, y compris sur le plan économique.

Égalité et Justice.

Examinons maintenant la question à l'aune de l'égalité qui a force de loi à travers le rejet et la poursuite de toute discrimination. Elle est au cœur du socialisme. Or l'essence de toute société est de grouper des êtres inégaux en vue de fins communes ; toutes les sociétés humaines en témoignent. A propos de la phrase de Thomas Jefferson inspiratrice de la déclaration des droits de l'homme en 1789 « tous les hommes sont créés égaux », en sa qualité de président de la société philosophique américaine Henry Allen Moe écrivait en 1965: « j'ose dire tranquillement aujourd'hui que peu de déclarations absurdes ont fait autant de mal que celle-là. Dire que tous les hommes sont créés égaux est le suprême mensonge : tout le monde le sait aujourd'hui et personne n'en doute, mais personne ne le dit… ». Aristote l'avait déjà affirmé, lui pour qui « l'homme seul est une bête ou un Dieu », « il n'y a pas d'injustice plus grande que de traiter également des choses inégales ». Et Orwell dans son roman 1984 avait prédit : « ils étaient tous égaux, et il y en avait seulement quelques-uns qui étaient plus égaux que les autres ». Nos sociétés libérale avancée, social-démocrate, libérale, socialiste n'ont cessé de faire croître les inégalités en affirmant qu'elles allaient les combattre ! Le mythe de l'égalité et de sa poursuite, ne permet pas d'atteindre maints objectifs naturels de la justice sociale; au contraire, il nous en détourne….

Société et Justice.

Envisageons un dernier angle d'analyse. L'idée est qu'il ne peut pas y avoir de société qui vaille sans justice. Mais, à l'inverse, on oublie trop souvent qu'il ne peut pas y avoir de justice sans société. La société est nécessaire à l'homme, à la poursuite de son bien et de son bonheur, à la recherche de son intérêt. L'homme est un animal social. Il s'agit donc avant tout de préserver la société et ses exigences pour qu'ensuite on puisse prétendre la rendre juste. On ne la rend pas juste en la cassant.

Quel enseignement tirer de ce tableau trop rapidement brossé des rapports entre morale, égalité, société et justice ? On ne peut qu'être d'accord avec la proposition du nouveau chef de l'État, même si le critère de la justice me semble insuffisant ou en tous les cas trop univoque, surtout en temps de crise ; mais ce serait un autre débat…. Par contre la justice doit être exempte d’idéologies moralisatrices, de négations laïcistes, de rêveries égalitaires. Elle ne peut pas non plus se satisfaire du rejet de principes naturels qui fondent la vie sociale depuis la nuit des temps ; le vrai progrès n'étant pas de faire table rase du passé mais d'essayer d'apporter toujours plus de justice concrète dans la cité, et d'accepter de revenir sur des années d'idéalisme.
Débarrassée de tous ces faux-semblants, faux débat, arrière-pensées, a priori, la justice pourrait être satisfaite dans toutes ses dimensions. Elle est à la fois commutative - en ce qu'elle règle les échanges – distributive - en ce qu'elle redistribue selon le mérite en fonction des inégalités - et générale - en ce qu'elle sanctionne et récompense au regard des principes de droit et de morale. C'est dire qu'elle est complexe, profondément complexe, en même temps qu'indispensable dans le contexte de crise multiforme que nous connaissons. La remise en cause des échanges et de la distribution seront d'une acuité toute particulière  lorsque le gateau fondra sous nos yeux désemparés.

La justice n'est pas pour autant inaccessible. Il suffit d'en accepter les éxigences concrètes et de refuser les pièges de la démagogie et de l'ideologie. Je propose de nous en tenir modestement à la notion de justice sociale et de nous référer plus simplement au diagnostic exigeant et sans concessions d’Alain Supiot dans son livre l'esprit de Philadelphie quand il affirme, au grand dam de l'idéologie ultralibérale et de sa dérive socialiste (il n'hésite pas à évoquer les noces du communisme et du capitalisme…) : « tous les êtres humains, quelle que soit leur race, leur croyance ou leur sexe, ont le droit de poursuivre leur progrès matériel et leur développement spirituel dans la liberté et la dignité, dans la sécurité économique et avec des chances égales ».

C'est au regard de cette définition de la justice sociale, débarrassée du fatras idéologique au nom duquel Mme Christiane Taubira risque par exemple de conduire l'action publique, que j'ai envie de juger la politique de mon pays en crise dans le cadre de la république démocratique et laïque qui nous gouverne…

C'est ce que le Pape Benoit XVI a exprimé admirablement dans son message de félicitations au Président Hollande:
À l'occasion de votre investiture comme président de la République française, je suis heureux de vous adresser mes vœux cordiaux pour l'exercice de vos hautes fonctions au service de tous vos compatriotes. Je demande à Dieu de vous assister pour que, dans le respect de ses nobles traditions morales et spirituelles, votre pays poursuive avec courage ses efforts en vue de l'édification d'une société toujours plus juste et fraternelle, ouverte sur le monde et solidaire des nations les plus pauvres. Puisse la France, au sein de l'Europe et de la communauté internationale, demeurer un facteur de paix et de solidarité active, dans la recherche du bien commun, du respect de la vie ainsi que de la dignité de chaque personne et de tous les peuples. Sur votre personne et sur tous les habitants de la France j'invoque de grand cœur l'abondance des Bénédictions divines.

Notre rôle est de manifester ces éxigences, par tous les moyens à notre disposition, à tous les niveaux. La société est un organisme vivant capable d'imposer le réalisme et son intelligence collective. Tout pouvoir peut l'entendre contraint par la nécessité. Il n'y a pas de fatalité pour les hommes de bonne volonté...

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