mercredi 23 mai 2012

DES MOTS ET DE LA REALITE

Les événements, les informations, les propositions se télescopent en ces périodes troublées et électorales. Véritable choc des mots et des événements. L'actualité récente m'inspire plusieurs réflexions.
Le drame de Toulouse bien sûr, en trois temps. Celui de l'émotion et de la révolte tout d’abord, celui de la crainte de la récupération qui commençait de poindre son nez et que l'actualité a réduite à néant ensuite, celui enfin du questionnement. Nous sommes horrifiés, hébétés et sonnés face à l’insoutenable dont nous sentons qu’il trahit nos faiblesses et notre vulnérabilité en même temps que nos contradictions et nos ambiguïtés.
L'émission « ce soir ou jamais » du mardi 13 mars au cours de laquelle on a assisté à un débat impossible entre Elizabeth Levy, Patrick Chamoiseau et Lilian Thuram sur l'exclusion et le racisme ; la première ne parvenant pas à se faire entendre alors qu’elle se contentait de demander avec bon sens que l’on cesse de qualifier de racisme et de xénophobie toute affirmation de différences, de singularité ou de gestion politique de ces dernières.
Un point du programme de celui que l’on nous annonce comme devant être le futur Président de la République proposant la suppression de toute référence à la race, après qu’il ait annoncé l’insertion de la laïcité dans la constitution. Les nouvelles déclarations qui affluent de toutes parts sur la nécessaire distinction entre les musulmans majoritaires et le fondamentalisme musulman.
 Notre croisade contre la race et le racisme procède d’un refus des différences et consiste en une confusion entre la gestion de la diversité et sa stigmatisation ; ce dont Elizabeth Levy n’a pas pu convaincre ses interlocuteurs et sans doute les auditeurs…Confusion qui conduit à exclure ou à rejeter ceux qui ne rentrent pas dans le moule du « tout racisme » et du « tout sauf raciste ».
Si la guerre des mots s’intensifie à l’encontre de tous ceux qui transgressent l’interdit et commettent le sacrilège, force est de constater que la violence continue de se déchainer en provenance des milieux que nous voulons préserver de la stigmatisation.
Car ce sont les différences qui viennent d’être réaffirmées avec violence par un terroriste isolé ou téléguidé, en tous les cas manipulé au moins indirectement et à distance. Issu de l’une de nos banlieues où l’assimilation et l’intégration ne sont pas au rendez-vous de la diversité, il a tué aveuglément pour revendiquer et défendre une cause qui se nourrit d’exclusion, d’intolérance, de radicalisme au nom d’une race et d’une religion, contre d’autres races et d’autres religions !
Un islamisme radical dont il serait idiot et criminel de prétendre qu’il soit partagé par tous les musulmans ; de la même manière qu’il est irresponsable de prétendre que tous ceux qui tiennent compte des différences sont racistes. Mais un islamisme fondamentaliste qui fait son lit dans les mosquées ou dans certaines d’entre elles…Vrai problème qu’il faut savoir poser avec lucidité et courage, sans se laisser piéger par la dialectique de l’exclusion !
Nous sommes bien embarrassés, incapables de faire autre chose que d’opposer notre indignation et notre dénégation comme s'il suffisait de parler, de proclamer ou d'interdire. Les différences, les religions, les fondamentalismes et l'importation sur notre territoire des conflits extérieurs dans lesquels nous sommes impliqués, nous brûlent les doigts. Nos mots sont impuissants. Nous sommes en déni de réalité, enfermés dans des schémas idéologiques qui plongent leurs racines dans notre inconscient collectif et dans nos rêves.
Qui ne rêve pas d'une vie d'entente harmonieuse, sans partage ni exclusive ? Qui ne déteste sincèrement le racisme et ses excès ? Qui n'a pas horreur de l'insupportable extermination du peuple juif par le nazisme ? Qui ne rejette pas tout principe d'élimination au nom d'une différence ?
A l’inverse qui se voile la face ? Cacher ce raciste que je ne saurais voir….
Nous commettons un péché collectif. Nous voulons réaliser sur terre le rêve d'un au-delà idéal et mythique qui ne peut pas être de ce monde. Nous rêvons un monde dont nous voudrions fabriquer les bons et les méchants. Ce n'est pas avec des rêves que l'on gère la cité des hommes car contrairement à ce que certains essaient de nous faire croire ce n'est pas avec des rêves que l'on fait de la politique …
Sans angélisme, car il ne s'agit pas de se livrer aux excès dont nous avons trop souffert, la seule vraie réponse au racisme et au fondamentalisme religieux, c’est l’acceptation de l’autre dans sa différence et la capacité à s’identifier à lui tel qu’il est et non pas tel que nous voudrions qu’il soit. Cela n'est possible qu'à la condition d'assurer la paix civile et la liberté religieuse dans toute sa plénitude, et de faire renaître la sérénité chez celui qui doit précisément pouvoir accueillir l'autre et s'identifier à lui. Rien ne peut se bâtir sur les ambiguïtés, les contradictions ou les rêveries mêmes les plus généreuses !
Le peuple a les pieds sur terre lui ; il sait où est la vérité. Il sait que pour être généreux il a besoin d'être respecté dans son identité, sécurisé et en paix avec lui-même. Il n'accepte pas longtemps qu'on lui fasse injustement violence en le divisant artificiellement contre lui-même. Par contre, à l’inverse, il ne fait aucun doute qu’à force de le contraindre, de le corseter dans des modèles idéologiques artificiels on finit par le faire réagir ; et à ce moment-là ce ne sont pas des mots ni des rêves qui l’arrêteront. Puissions-nous ne pas l’oublier et arrêter de nous gargariser de mots…

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