Les événements, les informations, les propositions se télescopent en ces
périodes troublées et électorales. Véritable choc des mots et des
événements. L'actualité récente m'inspire plusieurs réflexions.
Le drame de Toulouse bien sûr, en trois temps. Celui de l'émotion et de la
révolte tout d’abord, celui de la crainte de la récupération qui
commençait de poindre son nez et que l'actualité a réduite à néant
ensuite, celui enfin du questionnement. Nous sommes horrifiés, hébétés
et sonnés face à l’insoutenable dont nous sentons qu’il trahit nos
faiblesses et notre vulnérabilité en même temps que nos contradictions
et nos ambiguïtés.
L'émission
« ce soir ou jamais » du mardi 13 mars au cours de laquelle on a
assisté à un débat impossible entre Elizabeth Levy, Patrick Chamoiseau
et Lilian Thuram sur l'exclusion et le racisme ; la première ne
parvenant pas à se faire entendre alors qu’elle se contentait de
demander avec bon sens que l’on cesse de qualifier de racisme et de
xénophobie toute affirmation de différences, de singularité ou de
gestion politique de ces dernières.
Un
point du programme de celui que l’on nous annonce comme devant être le
futur Président de la République proposant la suppression de toute
référence à la race, après qu’il ait annoncé l’insertion de la laïcité
dans la constitution.
Les
nouvelles déclarations qui affluent de toutes parts sur la nécessaire
distinction entre les musulmans majoritaires et le fondamentalisme
musulman.
Notre
croisade contre la race et le racisme procède d’un refus des
différences et consiste en une confusion entre la gestion de la
diversité et sa stigmatisation ; ce dont Elizabeth Levy n’a pas pu
convaincre ses interlocuteurs et sans doute les auditeurs…Confusion qui
conduit à exclure ou à rejeter ceux qui ne rentrent pas dans le moule du
« tout racisme » et du « tout sauf raciste ».
Si
la guerre des mots s’intensifie à l’encontre de tous ceux qui
transgressent l’interdit et commettent le sacrilège, force est de
constater que la violence continue de se déchainer en provenance des
milieux que nous voulons préserver de la stigmatisation.
Car
ce sont les différences qui viennent d’être réaffirmées avec violence
par un terroriste isolé ou téléguidé, en tous les cas manipulé au moins
indirectement et à distance. Issu de l’une de nos banlieues où
l’assimilation et l’intégration ne sont pas au rendez-vous de la
diversité, il a tué aveuglément pour revendiquer et défendre une cause
qui se nourrit d’exclusion, d’intolérance, de radicalisme au nom d’une
race et d’une religion, contre d’autres races et d’autres religions !
Un
islamisme radical dont il serait idiot et criminel de prétendre qu’il
soit partagé par tous les musulmans ; de la même manière qu’il est
irresponsable de prétendre que tous ceux qui tiennent compte des
différences sont racistes. Mais un islamisme fondamentaliste qui fait
son lit dans les mosquées ou dans certaines d’entre elles…Vrai problème
qu’il faut savoir poser avec lucidité et courage, sans se laisser piéger
par la dialectique de l’exclusion !
Nous
sommes bien embarrassés, incapables de faire autre chose que d’opposer
notre indignation et notre dénégation comme s'il suffisait de parler, de
proclamer ou d'interdire. Les différences, les religions, les
fondamentalismes et l'importation sur notre territoire des conflits
extérieurs dans lesquels nous sommes impliqués, nous brûlent les doigts.
Nos mots sont impuissants. Nous sommes en déni de réalité, enfermés
dans des schémas idéologiques qui plongent leurs racines dans notre
inconscient collectif et dans nos rêves.
Qui
ne rêve pas d'une vie d'entente harmonieuse, sans partage ni exclusive ?
Qui ne déteste sincèrement le racisme et ses excès ? Qui n'a pas
horreur de l'insupportable extermination du peuple juif par le nazisme ?
Qui ne rejette pas tout principe d'élimination au nom d'une différence ?
A l’inverse qui se voile la face ? Cacher ce raciste que je ne saurais voir….
Nous
commettons un péché collectif. Nous voulons réaliser sur terre le rêve
d'un au-delà idéal et mythique qui ne peut pas être de ce monde. Nous
rêvons un monde dont nous voudrions fabriquer les bons et les méchants.
Ce n'est pas avec des rêves que l'on gère la cité des hommes car
contrairement à ce que certains essaient de nous faire croire ce n'est
pas avec des rêves que l'on fait de la politique …
Sans
angélisme, car il ne s'agit pas de se livrer aux excès dont nous avons
trop souffert, la seule vraie réponse au racisme et au fondamentalisme
religieux, c’est l’acceptation de l’autre dans sa différence et la
capacité à s’identifier à lui tel qu’il est et non pas tel que nous
voudrions qu’il soit. Cela n'est possible qu'à la condition d'assurer la
paix civile et la liberté religieuse dans toute sa plénitude, et de
faire renaître la sérénité chez celui qui doit précisément pouvoir
accueillir l'autre et s'identifier à lui. Rien ne peut se bâtir sur les
ambiguïtés, les contradictions ou les rêveries mêmes les plus généreuses
!
Le
peuple a les pieds sur terre lui ; il sait où est la vérité. Il sait
que pour être généreux il a besoin d'être respecté dans son identité,
sécurisé et en paix avec lui-même. Il n'accepte pas longtemps qu'on lui
fasse injustement violence en le divisant artificiellement contre
lui-même. Par contre, à l’inverse, il ne fait aucun doute qu’à force de
le contraindre, de le corseter dans des modèles idéologiques artificiels
on finit par le faire réagir ; et à ce moment-là ce ne sont pas des
mots ni des rêves qui l’arrêteront. Puissions-nous ne pas l’oublier et
arrêter de nous gargariser de mots…
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