dimanche 16 novembre 2014

LA DEFENSE ET LES AVOCATS MENACES PAR M.MACRON!

Les avocats de France manifestent toute cette semaine. Ils s’opposent à M. Macron dont le projet de libéralisation de l'activité économique les touche au même titre que l'ensemble des professions réglementées.

Si les raisons de la mobilisation de notre profession n’étaient que d'ordre économique notre combat serait perdu d'avance car nous ne pèserions pas lourd dans la balance des conflits sociaux et des exigences d'une société qui se cherche des boucs émissaires et des faux-fuyants.

Ce texte pose le problème de la survivance de l’AVOCAT et d'une défense libre et indépendante dont notre société malade de ses lois et de ses règlements a pourtant de plus en plus besoin. En 1972, à l'initiative du Barreau de Draguignan, la révolte fut décidée à l'hôtel continental de Saint-Raphaël..., le Barreau de Draguignan s'était élevé avec les autres barreaux de France contre une réforme qui faillit déjà nous entraîner vers la perte de notre indépendance.

En ce qu'elle tend à libérer l'exercice de notre activité professionnelle en supprimant la territorialité de la postulation cette réforme est inacceptable parce qu'elle prive le justiciable de garanties essentielles, indissolublement liées à la proximité de la justice et à son humanisme.

En ce qu'il tend à ouvrir la porte à la libre installation sans rattachement à des Barreaux locaux enracinant et incarnant l’avocat dans nos territoires, ce projet aurait pour conséquence de libérer les avocats de la tutelle de leurs Ordres pour les soumettre à une autre autorité de régulation qui ne pourrait être que celle de l’Etat.

En ce qu'elle remet en cause les Ordres locaux en les entraînant insidieusement d’abord vers une régionalisation par Cour d'Appel, puis une nationalisation, cette réforme doit être rejetée. Les Ordres d'avocats doivent demeurer le cadre naturel et exclusif de leur contrôle. Ils sont la nécessaire garantie de notre indépendance. Sans Ordres locaux il n'y aura plus de garantie du bon fonctionnement de l'institution judiciaire à travers l'exercice d'une défense libre, indépendante et de qualité.

En ce qu'elle tend à créer un statut de l'avocat en entreprise elle est inacceptable parce que ce défenseur soumis, mercenaire et faussaire de la défense sera dépendant de son employeur. La défense ne peut être soumise à personne ! Notre indépendance est le gage de notre liberté et de la confiance que les justiciables peuvent faire dans la défense que nous leur proposons, au même titre que notre aptitude à les conseiller et à leur proposer les fruits de notre science et de notre imagination juridique.

En ce qu’elle tend à ouvrir les capitaux de nos sociétés d’exercice à des investisseurs étrangers à notre profession, cette immixtion du capitalisme financier dans nos structures d’exercice sera aussi le cercueil de notre indépendance et des garanties que nous proposons.

En ce qu'elle tend à libérer les conditions d'accès à la profession d'avocat dans des conditions indéterminées et sur lesquelles nous n'aurons aucune garantie, cette réforme doit être écartée par ce que nous voulons que la qualité de la formation des avocats demeure le gage de leur compétence et de la pertinence de leur activité, ce dont nous sommes les garants naturels, incontournables.

La volonté de nous soumettre au contrôle de l'État qui se cachait déjà derrière la réforme de 1971, avance à visage à peine masqué derrière celle-ci. La nouveauté, car il y en a une, étant qu’on veut en même temps nous soumettre aux exigences de la finance ! Deux servitudes pour le prix d’une ! Deux servitudes qui ne sont en réalité que les deux faces de la même fausse pièce d’un social libéralisme qui croit que tout s’achète. C’est cela que nous refusons ! Nous ne sommes pas plus à vendre que nous ne sommes des marchands !

La perversité profonde de ce texte se trouve dans notre double assimilation aux autres professions juridiques réglementées et aux entreprises. Les avocats ne sont pas que des « acteurs économiques ». Notre activité ne peut pas être réduite à un service purement économique. De même ne pouvons-nous pas être assimilés aux autres professions juridiques réglementées, au demeurant respectables et nécessaires, qui sont par essence soumises au contrôle de l'État parce que dépositaires de la puissance publique ; ce que nous ne sommes pas, que nous ne devons pas être, que nous ne pouvons pas être, que nous ne voulons surtout pas être. Double piège ! Nous ramener au rang de simples acteurs de la vie économique, et nous fondre dans cette grande profession du droit qui sera trop vaste et trop soumise pour réserver à la défense et à l’avocat l’espace dont ils ont besoin.

L'avocat doit rester la sentinelle de la liberté envers et contre tous, face à l'État et à une finance. Il en va de la défense, de toutes les défenses qu'elles soient pénales, civiles, sociales, commerciales, fiscales. Les exigences de la DEFENSE sont aussi éternelles qu’immuables, aussi contraignantes que libératrices.

Ce texte doit donc être rejeté tel quel, dans son principe.

Pour autant notre combat ne peut se limiter à un conservatisme aussi passéiste qu’aveugle. Le monde change. L’avocat ne peut rester conforme à une imagerie dépassée. Si la perte de son indépendance et de sa liberté sont incompatibles avec sa mission de défense et de conseil, il doit savoir s’adapter. La France et l’Europe ont besoin d’avocats qui ne doivent pas, dans un enfermement suicidaire, être cantonnés au rôle des plaideurs d’antan. Les exigences d’une défense indépendante conditionnent de la même manière l’avenir de l’avocat conseil, mettant sa réflexion et ses compétences au service des créateurs. Ce « fantassin du droit », souvent « génie d’un droit » toujours plus complexe et indéchiffrable, capable d’inventer des cadres imaginatifs, protecteurs et prospères ne survivrait pas plus à cette réforme que le plaideur traditionnel ! A nous d’imaginer l’avocat de demain et d’en dresser le portrait futuriste ! Qui peut le faire mieux que nous ? Cessons d’être à la remorque des locomotives du progrès !

Force est de constater que notre vision collective est stérile. Nous sommes victimes d’une représentation nationale manipulée par des minorités. Celles-ci jouent en partie contre notre camp en faveur d’intérêts catégoriels soutenus par des lobbies efficaces, tandis que d’autres donnent trop souvent le sentiment de mener un combat d’arrière-garde.

Ce qui pose le problème du simulacre de concertation en cours ; ce jeu de rôle, véritable bal des trompeurs et des trompés, n’est que sables mouvants dans lesquels nous allons nous étouffer. Tel était déjà le cas en 1972. C'est vrai comme la politique. On vous concerte pour mieux vous abuser.

Calonne utilisa du même procédé devant les Etats Généraux.

« À quelle sauce voulez-vous être mangés ? » lui fait dire une caricature de l'époque.
« Nous ne voulons pas être mangés ».
« La question n'est pas là » répliquait-il » !

Malheureusement pour nous aussi aujourd'hui la question n'est plus là… Il en irait soi-disant de la sauvegarde de l'activité économique et de l’intérêt supérieur de la justice. C'est faux ! Nous n'avons rien à voir avec tout cela. Nous sommes les premiers défenseurs de la justice. Ce n'est pas à nous qu'il faut la faire ! Nous devons refuser notre holocauste qui sera en même temps celui du justiciable.

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