Les
avocats de France manifestent toute cette semaine. Ils s’opposent à M. Macron dont
le projet de libéralisation de l'activité économique les touche au même titre
que l'ensemble des professions réglementées.
Si
les raisons de la mobilisation de notre profession n’étaient que d'ordre
économique notre combat serait perdu d'avance car nous ne pèserions pas lourd
dans la balance des conflits sociaux et des exigences d'une société qui se
cherche des boucs émissaires et des faux-fuyants.
Ce
texte pose le problème de la survivance de l’AVOCAT et d'une défense libre et
indépendante dont notre société malade de ses lois et de ses règlements a
pourtant de plus en plus besoin. En 1972, à l'initiative du Barreau de
Draguignan, la révolte fut décidée à l'hôtel continental de Saint-Raphaël...,
le Barreau de Draguignan s'était élevé avec les autres barreaux de France
contre une réforme qui faillit déjà nous entraîner vers la perte de notre
indépendance.
En
ce qu'elle tend à libérer l'exercice de notre activité professionnelle en
supprimant la territorialité de la postulation cette réforme est inacceptable
parce qu'elle prive le justiciable de garanties essentielles, indissolublement
liées à la proximité de la justice et à son humanisme.
En
ce qu'il tend à ouvrir la porte à la libre installation sans rattachement à des
Barreaux locaux enracinant et incarnant l’avocat dans nos territoires, ce
projet aurait pour conséquence de libérer les avocats de la tutelle de leurs
Ordres pour les soumettre à une autre autorité de régulation qui ne pourrait
être que celle de l’Etat.
En
ce qu'elle remet en cause les Ordres locaux en les entraînant insidieusement
d’abord vers une régionalisation par Cour d'Appel, puis une nationalisation,
cette réforme doit être rejetée. Les Ordres d'avocats doivent demeurer le cadre
naturel et exclusif de leur contrôle. Ils sont la nécessaire garantie de notre
indépendance. Sans Ordres locaux il n'y aura plus de garantie du bon
fonctionnement de l'institution judiciaire à travers l'exercice d'une défense
libre, indépendante et de qualité.
En
ce qu'elle tend à créer un statut de l'avocat en entreprise elle est
inacceptable parce que ce défenseur soumis, mercenaire et faussaire de la
défense sera dépendant de son employeur. La défense ne peut être soumise à
personne ! Notre indépendance est le gage de notre liberté et de la
confiance que les justiciables peuvent faire dans la défense que nous leur
proposons, au même titre que notre aptitude à les conseiller et à leur proposer
les fruits de notre science et de notre imagination juridique.
En
ce qu’elle tend à ouvrir les capitaux de nos sociétés d’exercice à des
investisseurs étrangers à notre profession, cette immixtion du capitalisme
financier dans nos structures d’exercice sera aussi le cercueil de notre
indépendance et des garanties que nous proposons.
En
ce qu'elle tend à libérer les conditions d'accès à la profession d'avocat dans
des conditions indéterminées et sur lesquelles nous n'aurons aucune garantie,
cette réforme doit être écartée par ce que nous voulons que la qualité de la
formation des avocats demeure le gage de leur compétence et de la pertinence de
leur activité, ce dont nous sommes les garants naturels, incontournables.
La
volonté de nous soumettre au contrôle de l'État qui se cachait déjà derrière la
réforme de 1971, avance à visage à peine masqué derrière celle-ci. La nouveauté,
car il y en a une, étant qu’on veut en même temps nous soumettre aux exigences
de la finance ! Deux servitudes pour le prix d’une ! Deux servitudes
qui ne sont en réalité que les deux faces de la même fausse pièce d’un social
libéralisme qui croit que tout s’achète. C’est cela que nous refusons !
Nous ne sommes pas plus à vendre que nous ne sommes des marchands !
La
perversité profonde de ce texte se trouve dans notre double assimilation aux autres
professions juridiques réglementées et aux entreprises. Les avocats ne sont pas
que des « acteurs économiques ». Notre activité ne peut pas être
réduite à un service purement économique. De même ne pouvons-nous pas être
assimilés aux autres professions juridiques réglementées, au demeurant
respectables et nécessaires, qui sont par essence soumises au contrôle de
l'État parce que dépositaires de la puissance publique ; ce que nous ne
sommes pas, que nous ne devons pas être, que nous ne pouvons pas être, que nous
ne voulons surtout pas être. Double piège ! Nous ramener au rang de
simples acteurs de la vie économique, et nous fondre dans cette grande
profession du droit qui sera trop vaste et trop soumise pour réserver à la
défense et à l’avocat l’espace dont ils ont besoin.
L'avocat
doit rester la sentinelle de la liberté envers et contre tous, face à l'État et
à une finance. Il en va de la défense, de toutes les défenses qu'elles soient
pénales, civiles, sociales, commerciales, fiscales. Les exigences de la DEFENSE
sont aussi éternelles qu’immuables, aussi contraignantes que libératrices.
Ce
texte doit donc être rejeté tel quel, dans son principe.
Pour
autant notre combat ne peut se limiter à un conservatisme aussi passéiste
qu’aveugle. Le monde change. L’avocat ne peut rester conforme à une imagerie
dépassée. Si la perte de son indépendance et de sa liberté sont incompatibles
avec sa mission de défense et de conseil, il doit savoir s’adapter. La France
et l’Europe ont besoin d’avocats qui ne doivent pas, dans un enfermement suicidaire,
être cantonnés au rôle des plaideurs d’antan. Les exigences d’une défense
indépendante conditionnent de la même manière l’avenir de l’avocat conseil,
mettant sa réflexion et ses compétences au service des créateurs. Ce
« fantassin du droit », souvent « génie d’un droit »
toujours plus complexe et indéchiffrable, capable d’inventer des cadres
imaginatifs, protecteurs et prospères ne survivrait pas plus à cette réforme
que le plaideur traditionnel ! A
nous d’imaginer l’avocat de demain et d’en dresser le portrait futuriste !
Qui peut le faire mieux que nous ? Cessons d’être à la remorque des
locomotives du progrès !
Force
est de constater que notre vision collective est stérile. Nous sommes victimes
d’une représentation nationale manipulée par des minorités. Celles-ci jouent en
partie contre notre camp en faveur d’intérêts catégoriels soutenus par des
lobbies efficaces, tandis que d’autres donnent trop souvent le sentiment de
mener un combat d’arrière-garde.
Ce
qui pose le problème du simulacre de concertation en cours ; ce jeu de
rôle, véritable bal des trompeurs et des trompés, n’est que sables mouvants
dans lesquels nous allons nous étouffer. Tel était déjà le cas en 1972. C'est
vrai comme la politique. On vous concerte pour mieux vous abuser.
Calonne
utilisa du même procédé devant les Etats Généraux.
« À quelle sauce voulez-vous être mangés ?
» lui fait dire une caricature de l'époque.
« Nous ne voulons pas être mangés ».
«
La question n'est pas là » répliquait-il » !
Malheureusement pour nous aussi
aujourd'hui la question n'est plus là… Il en irait soi-disant de la sauvegarde
de l'activité économique et de l’intérêt supérieur de la justice. C'est faux !
Nous n'avons rien à voir avec tout cela. Nous sommes les premiers défenseurs de
la justice. Ce n'est pas à nous qu'il faut la faire ! Nous devons refuser notre
holocauste qui sera en même temps celui du justiciable.
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