La CGT veut mettre la France
à genou. Nul ne sait ce qui résultera de ses actions. Une issue sera sans doute
trouvée. Même si nombres d'ingrédients sont réunis pour provoquer une explosion
sociale, il y a tout lieu de penser que la France cherchera à préserver son
confort et ses certitudes plutôt que de
sombrer dans l'aléa, l’incertitude et l'inconnu. Mais, le phénomène est
suffisamment important et inquiétant pour qu'on essaie de le comprendre. Et
force est de reconnaître que les analyses qui nous sont livrées par le monde
politique comme par les médias ne nous fournissent pas de véritables clés de
compréhension. Que se passe-t-il ? Je voudrais vous livrer des pistes de
réflexion sans prétendre à l’exhaustivité de mon analyse, tant la situation est
complexe.
Celle-ci a été parfaitement décrite
par José Ortéga y Grasset, en 1930 !, dans « La révolte des masses »
: « nous assistons au triomphe d'une
hyper démocratie dans laquelle la masse agit directement, sans loi, imposant
ses aspirations et ses goûts au moyen de pressions matérielles ». Il
synthétise ce phénomène comme étant celui de la montée et de l'éclosion de «
l'homme masse ». La nouveauté de l'époque moderne est d'en finir avec la
discussion afin d'imposer ce que l'on désire. Et l’auteur affirme plus loin « sous les espèces du syndicalisme (et du
fascisme !!!) apparaît pour la première fois en Europe un type d'homme qui
ne veut ni donner des raisons ni même avoir raison mais qui simplement se
montre résolu à imposer ses opinions ». Par quels moyens ? Ceux de l'action
directe, violente par définition. Souvenez-vous d’Action Directe... 86 ans plus tard, il n'y a pas une virgule à changer....
L’entreprise « cgtiste »
trouve sa caution dans une profonde remise en cause du travail, de sa
conception, de sa finalité, de son sens, et du droit qui doit le régenter. Nous
sommes sur le terrain d'élection de la révolution et plus particulièrement du
marxisme. Depuis que l'empire soviétique s'est effondré nous avons trop
tendance à oublier que la révolution a été systématisée par Marx et que le
marxisme qui en constituait la philosophie fondatrice et inspiratrice n'est pas
mort. Le travail est au cœur du phénomène révolutionnaire. Le marxisme est
caractérisé par son matérialisme à caractère dialectique, par le caractère
permanent de la révolution qu'il tend à instaurer et par son lien foncier avec
la civilisation du travail. Pour le marxiste l'homme est travail et il n'existe
qu'en modifiant le monde par son travail. Pour le marxisme il n'y a dans
l'homme que le travailleur. Le marxisme est un humanisme de l'action, du
devenir, du mouvement pur. Pour lui rien n'existe que par l'action. Et surtout,
sur ce terreau profondément matérialiste et réducteur de la nature humaine à
son travail, il développe et systématise une dialectique sans fin, la
dialectique révolutionnaire. Lénine affirme pour le révolutionnaire la
révolution est tout, l’alpha et l’omega. Voilà qui explique pourquoi nos
syndicalistes de la CGT formés à l'école du marxisme révolutionnaire
développent aujourd'hui une stratégie qui n'est pas compréhensible autrement.
Ils font la révolution ! Un point c’est tout... Et avec la loi travail ils sont sur leur terrain. À cet égard, je vous
renvoie à ce qui s'est dit et ce qui s'est fait place de la République pendant
de longues nuits. Les slogans, les réflexions et les débordements sont
révolutionnaires...
Voilà qui éclaire et fournit
deux premières clés de compréhension susceptibles d'inspirer les actions à entreprendre
afin de combattre ce phénomène et ce qui le sous-tend. Nous sommes très
loin du contenu de la loi travail. Ce texte est un véritable fourre-tout sans
queue ni tête et sans logique, de dispositions technocratiques inspirées de la
social-démocratie à la sauce bruxelloise. Sa récusation n'est que prétexte, dans
un cadre politique et social bouleversé. Ce qu'il ne faut pas sous-estimer. Et
ce sera ma troisième observation.
De très nombreux indicateurs
nous montrent que le système dans lequel nous évoluons va devoir se
transformer, muter. Le cadre institutionnel, politique et juridique dans lequel
nous évoluons ne résistera pas aux coups de boutoir de l'histoire. Le confort
dans lequel nous nous sommes installés, notre croyance en ce pouvoir que la
technique nous a conféré sur nos vies, sur notre mode de vie, sur nos moyens de
vie, sont remis en cause. Toutes nos certitudes vacillent. Une grande majorité
de nos concitoyens en subissent déjà les conséquences. Ils se sentent
fragilisés dans ce confort dont on les a persuadés de la soi-disant pérennité.
Ils s'aperçoivent et réalisent que toutes ces certitudes en un avenir et un
monde toujours meilleur ne sont peut-être que billevesées. En un mot, en un
seul, ils ont peur. Nous avons peur de l'avenir.
La CGT elle n'a pas peur
parce qu'elle vit de cette remise en cause permanente et continue. Elle vit de
cette dialectique révolutionnaire et elle utilise à dessein la fragilité du
statut de l’homme-masse parfaitement décrit par José Ortega y Grasset. Elle
sait où elle va. Quant à nous, nous avons endossé le statut de l’homme-masse. Nous
avons renoncé à croire qu’il puisse y avoir encore des révolutionnaires dans ce
monde idéal que nous avons construit du haut de nos certitudes modernes. Nous
avons renoncé à croire en Dieu qui est le seul ennemi de la révolution. Nous
avons abandonné la nécessaire recherche des principes et des éléments de vérité,
historiques, culturelles constitutifs de toute civilisation, seule alternative
à la barbarie. Nous avons opté pour la voie de la facilité montrée par la masse
instrumentalisée par la Révolution. Nous avons rejeté tout ordre stigmatisé
comme ancien, aliénant et d’un autre temps.
Goethe a décrit le drame de
la modernité qui nous déchire : « Vivre
à son gré est plébéien, le noble aspire à l’ordre et à la loi ». Qui seront
les nobles de demain ?
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