Pierre Manent
publie un nouveau livre que nous devons lire.
En voici une
partie du résumé. La doctrine des droits de l’homme est devenue l’unique
référence légitime pour ordonner le monde humain et orienter la vie sociale et
individuelle. Dès lors, la loi politique n’a plus d’autre raison d’être que de
garantir les droits humains, toujours plus étendus. La loi ne commande plus, ne
dirige plus, n’oriente plus : elle autorise. Elle ne protège plus la vie des
institutions – qu’il s’agisse de la nation, de la famille, de l’université –,
mais donne à tout individu l’autorisation inconditionnelle d’y accéder.
L’institution n’est donc plus protégée ni réglée par une loi opposable à
l’individu ; celui-ci jouit en revanche d’un droit inconditionnellement
opposable à l’institution.
Il a donné samedi
matin une interview passionnante à Alain Finkielkraut dans son émission
Répliques.
On y commence
en fanfare avec Alain Finkielkraut avec une citation décapante de Kundera :
«Je ne connais pas un homme politique qui
n’invoque dix fois par jour les «droits de l’homme» ou les droits de l’homme
qu’on a bafoués. Mais comme en Occident, on ne vit pas sous la menace des camps
de concentration, comme on peut dire ou écrire n’importe quoi, à mesure que la
lutte pour les droits de l’homme gagnait en popularité elle perdait tout en
contenu concret, pour devenir finalement l’attitude commune de tous à l’égard
de tout, une sorte d’énergie transformant tous les désirs en droits. Le monde
est devenue un droit de l’homme et tout s’est mué en droit : le désir d’amour
en droit à l’amour, le désir de repos en droit au repos, le désir d’amitié en
droit à l’amitié, le désir de rouler trop vite en droit à rouler trop vite, le
désir de bonheur en droit au bonheur, le désir de publier un livre en droit de
publier un livre, le désir de crier la nuit dans les rues en droit de crier la
nuit dans les rues. Les chômeurs ont le droit d’occuper l’épicerie de luxe, les
dames en fourrure on le droit d’acheter du caviar, Brigitte a le droit de garer
sa voiture sur le trottoir et tous, chômeurs, dames en fourrure, Brigitte,
appartiennent à la même armée de combattants des droits de l’homme (Kundera
in L’Immortalité, Gallimard/Folio, 1993, p.206-207).
Puis Pierre
Manent rebondit et expose que dans le système actuel dénoncé
par Kundera, les droits sont réduits à eux-mêmes. Le désir devient la source de
la loi. On donne droit au désir. La loi organise les droits du désir. La
question est dès lors posée de savoir si une société peut être organisée sur cette
base c’est-à-dire sur le droit au désir, si elle peut être livrée aux désirs de
tous et de chacun. Le principe des droits actuels est selon lui devenu indéterminant
et indéfinissant de la vie humaine. Ces « droits-désirs » vident la
société de son caractère déterminant au lieu de la nourrir par la participation de
chaque personne à son bien. Ces droits ainsi conçus, sans fondements
autres que l’individu qui les revendique, ne sont pas structurants ; c’est
tout l’inverse.
Voilà qui est
à mettre en parallèle avec une rengaine qui renvient si souvent dans mes
billets, comme un disque rayé..., à savoir: le caractère nécessairement structurant
du droit ; ce qui lui est impossible lorsqu’il devient l’organisation
législative de tous ces droits individuels, de ces « droits-désirs »,
avec comme seul garde-fou le fameux « ma liberté s’arrête là où commence
la liberté des autres », qui ne fait qu’entretenir la surenchère, le
conflit et la déliquescence du lien social.
Semper idem !
En lisant ton billet, cher Bernard, je ne peux m'empêcher de penser aux états-généraux de la Bioéthique qui viennent de s'achever, et dont les conclusions que l'on peut craindre vont sans doute malheureusement se traduire notamment par une "mise en musique" législative du droit A l'enfant qui fera peu de cas du droit DE l'enfant...
RépondreSupprimerQue faire ?
Bien à toi.
CR
Notre action doit se situer dans le temps long. Il y aura sans doute à court terme des évolutions pernicieuses. Par contre il nous revient de réaliser les conditions d'un retour à une saine mise en perspective et à un accès retrouvé à de vraies valeurs civilisationnelles
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