Le
pouvoir
politique et l’administration en France en 2020. Deux frères ennemis ?
Deux complices ?
Ou deux confusions modernes provenant d’une erreur intellectuelle et
politique ? En tous les cas il s'agit d'un imbroglio explosif qui fait le lit du
populisme...
Isabelle SAPORTA journaliste de gauche, membre de E.E.L.V., qui partage la vie de Yannick JADOT, vient de publier un livre d’investigation « rendez-nous la France »[1] que j’ai voulu parcourir. Elle y dénonce à l’aide de beaucoup d’exemples « la cohabitation malheureuse entre des politiques piégés et une administration qui e croit capable de voir à long terme mais qui ne le fait pas ».
Ces illustrations d'un mal bien français sont les spasmes d'une crise profonde. Que ce soit à brève ou moyenne échéance, le gouvernement et l'administration de nos sociétés occidentales seront profondément modifiés. Le livre d’Isabelle SAPORTA a au moins le mérite de mettre en évidence des aberrations qui à court ou moyen terme les condamnent dans leur forme actuelle. Certains parlent de révolution. D'autres attendent un sursaut. Les derniers prient pour que surgisse l'homme ou la femme providentiel. Ce dont on peut être certain c’est qu’il se passera quelque chose. L’un des intérêts du conte politique au demeurant mineur de Franck FERRAND « l’année de Jeanne »[2] est de mettre ceci en scène au moyen d'un scénario fiction synthétisant bien des impasses de « notre système actuel ».
Le problème demeure de savoir comment et dans quelle mesure nous aurons la capacité collective de survivre, d’agir, de nous transformer collectivement et de renaître.
Le
défi
relève in fine de l’ordre de la civilisation dans la mesure où il
détermine la survie de l'homme et de la femme en tant que citoyens. Paul
VALERY a écrit « Nous autres civilisations, nous savons maintenant que
nous sommes mortelles ». Samuel HUTINGTON a théorisé le choc
des civilisations. Francis FUKUYAMA a repris à son compte le concept de fin de
l’histoire. Beaucoup d'intellectuels tentent d’imaginer " le monde
d'après", chacun y allant de sa vision à l’aide de sa boule de cristal ou
de ses certitudes personnelles.Mais l'après COVID n'est certainement pas la fin dernière de notre mode actuel de vie en société... Reste qu'il faut malgré cela penser à l'issue!
La nécessité de trouver une réponse à la double question de savoir, comment on a pu en arriver là et où cela peut-il nous conduire, m’a fait me remémorer des pages essentielles de la réforme politique[3] d’Henri CHARLIER que nombre d’entre vous ne connaissent sans doute pas…. Elles sont d'une incroyable actualité !
Il rappelle que l'empire romain s'effondra car selon lui une administration toute puissante avait supprimé le citoyen ; « il n’y avait plus que des contribuables et des assurés-sociaux, panem et circenses ». De telle sorte qu'il n'en existait plus un pour défendre l'empire quand les mercenaires qui remplaçaient les citoyens s’aperçurent qu'ils avaient plus de gains à piller l'empire qu’à le défendre. Malgré la diffusion en son sein du christianisme l’empire n’était en effet pas revenu à un ordre social naturel.
Puis il évoque CHARLEMAGNE qui conseillé par le moine ALCUIN a entrepris une œuvre colossale au sein de la barbarie mérovingienne créant notamment l'école du palais, mais œuvre politique qui ne lui survécut pas précisément en l'absence d'un lien naturel des institutions et d'un équilibre qui leur soit propre.
Et il conclue qu'en réalité la cause est à chaque fois une erreur consistant en la confusion entre l'administration et le gouvernement.
Ce diagnostic, que je résume trop au risque d'en altérer la pertinence…, lui permit de se projeter dans l’avenir avec grande justesse - nous étions après la 2e guerre mondiale il y a plus de 70 ans...- et d’affirmer que c'était le sort qui attendait la république française et que c’était la maladie dont périrait tout seul l'empire des soviets - Staline était tout-puissant et pas un intellectuel n’osait prédire la chute de 1991... L’histoire lui a donné raison… Pareille justesse dans la prévision donne du poids à l’analyse !
Il insistait sur le fait que cette erreur touche à une idée politique fondamentale ignorée hier, et encore plus aujourd'hui. Les partisans des régimes politiques divers et variés ne peuvent la prendre en considération, aveuglés qu'ils sont soit par leurs intérêts immédiats (lire Isabelle SAPORTA…) soit par des idéologies sans fondement dans la nature des choses que nos écoles transmettent à toute la nation. Il cite notre cher CHESTERTON : " ce monde croyait se moderniser et élargir ses horizons, mais Cobbet[4] est le seul à voir que ce monde devenait monomane et mesquin".
Pour Henri CHARLIER tout procède d'une confusion intellectuelle : nous perdons de vue les conditions normales et fondamentales de la vie en société qui sont beaucoup plus importantes que les changements d’appareils ; conditions qui forment les vraies idées politiques. Et pour lui la plus importante est de respecter les sociétés élémentaires qui se forment naturellement et les aider à se créer quand les changements socio-économiques sont propices pour le faire. Il en va ainsi de la famille, des associations de métier ou de régions des communes, pour ne citer qu’elles. Ce qui rejoint la doctrine catholique sur les corps intermédiaires[5]. La cité est un corps. Elle a des membres, une tête, un cœur, ne âme…. Elle est soumise à des lois psychologiques et naturelles. D’où la notion de citoyen, membre vivant de ce corps agissant à travers ses organes, et la distinction entre l’administration et le gouvernement. Le citoyen est « un homme dont l’autonomie est la contrepartie des risques qu’il prend pour faire un métier, s’établir et fonder une famille ; c’est un homme entreprenant ».
La confusion entre le gouvernement et l'administration n'est-elle pas éclatante aujourd'hui ? Elle s'est installée progressivement. Elle est parvenue à son paroxysme d’aberration (lire toujours Isabelle SAPORTA à titre d’illustration). Nos gouvernants ne savent plus qu’administrer. Ils utilisent les moyens de l'administration : légiférer, réglementer, organiser. Il s’est formé une caste de dirigeants qui tient en mains la politique et l’administration. Résultat: plus personne n’est responsable, ni les politiques qui se succèdent au pouvoir sans rendre de comptes, ni l’administration qui détient la réalité du pouvoir et agit de manière anonyme sans rendre de comptes non plus…. Cette mainmise de l’administration, et à travers elle du politique qui a renoncé à gouverner, sur la vie économique et sociale qu’elle maîtrise en dévitalisant les vrais corps intermédiaires a un nom : le socialisme.
Nous devons libérer la cité de cette emprise. Redonner leur vitalité et leur autonomie à tous les corps intermédiaires. Remettre l’administration a sa place. De la sorte le gouvernement retrouvera son sens naturel et légitime. Il exercera l’autorité. Il décidera dans l’intérêt commun au lieu d’administrer cette énorme machine incontrôlée qui étouffe les hommes et les femmes et les empêche d’être des citoyens au plein sens du terme.
Pouvoir et administration: le grand défi du citoyen !
[1] https://www.fayard.fr/documents-temoignages/rendez-nous-la-france-9782213717630
[2] https://www.babelio.com/livres/Ferrand-Lannee-de-Jeanne/1258468
[3] http://www.chire.fr/A-106843-la-reforme-politique.aspx
[4] https://fr.wikipedia.org/wiki/William_Cobbett
[5] https://www.ichtus.fr/l-enseignement-des-papes-sur-les-corps-intermediaires-et-les-associations/- Il doit ici être souligné que l’enseignement de l’Eglise a une portée universelle et intéresse tous les hommes et les femmes sans distinction, croyants ou non. Elle a construit une doctrine sociale qui ne cherche pas à imposer sa foi mais à exercer son magistère de mère des Nations et des hommes afin de leur montrer la voie des lois naturelles de la vie de la cité en vue de l’épanouissement de chacun. C’est toute sa richesse. Son ambition est sociale-
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