dimanche 14 août 2022

MON ETE AVEC CHESTERTON (6): DE LA CAPACITE D'EMERVEILLEMENT

Je vous propose ce soir de vous plonger avec moi dans l’univers de Gilbert K. Chesterton. 



À la base de sa réflexion et de sa spiritualité, il y a ce paradoxe qui revient chez lui comme une constante et qu’il a notamment exprimé ainsi :

« Quand j’étais enfant, on parlait beaucoup d’hommes de génie à l’étroit ruiné financièrement il était courant de dire que plus d’un était un grand-aurait-pu-être. Pour moi, il est beaucoup plus important et surprenant de constater que n’importe quel homme dans la rue est un aurait-pu-ne-pas-être ».

Toute l’humilité de notre journaliste, poète, romancier et essayiste s’exprime là, dans ce constat que ce qui est aurait pu ne pas être.

De là tout se déroule….

C’est la racine de sa capacité d’émerveillement devant l’univers, devant la vie, devant sa vie. D’où son humour permanent, sa joie, sa capacité à rire de tout. Tout est lié.

Il pourra ainsi écrire « vrai ou faux, le monde est magie ». Accepter qu’il soit magie plutôt que de couper les cheveux en quatre afin d’essayer de toujours tout comprendre et tout expliquer… souvent en vain ou de manière futile.

Ce dont il déduit bien sur la nécessité d’un magicien et cette conclusion : « tout bien terrestre est un vestige qu’il faut entreposer et conserver, comme une chose sacrée, contre une ruine primordiale ».

Telle fut la voie qui le conduisit à la conversion au catholicisme. Celui-ci s’est imposé à lui comme une évidence. Tellement évident qu’il affirmait « je suis l’homme qui a eu la suprême audace de découvrir ce qui avait déjà été découvert ».

Selon lui la doctrine chrétienne a décelé et dépassé les singularités de la vie. Elle n’a pas seulement découvert la règle, elle a prévu les exceptions. La grande affaire de la morale chrétienne a selon lui été la découverte du nouvel équilibre « les irrégularités exorbitantes s’y équilibrent parfaitement ». Les accidents apparents s’équilibrent… et voilà qu’il lance : « Becket portait un cilice sous sa chasuble d’or et de pourpre, il y aurait beaucoup à dire sur cette association, car Becket bénéficiait du cilice alors que le peuple bénéficiait de la chasuble d’or et de pourpre. Cette conduite vaut mieux du moins que celle du millionnaire moderne qui arbore des habits noirs et ternes pour autrui et garde l’or près de son cœur » …

Face à la cohérence de cet équilibre entre les « irrégularités exorbitantes » de la vie Gilbert K. Chesterton constate qu’il est plus facile d’être un hérétique que de rester catholique. « Il est toujours facile de laisser une époque n’en faire qu’à sa tête... Il est toujours facile d’être moderniste de même qu’il est facile d’être noble... Il eût été simple en effet de tomber dans n’importe lequel de ces pièges béants d’erreur et d’exagération qui, d’une mode à l’autre, et d’une secte à l’autre, ont jalonné le chemin historique de la chrétienté ». Voilà qui explique bien des excès de notre époque.

« Le christianisme est un paradoxe surhumain par lequel deux passions contraires peuvent s’enflammer l’une à côté de l’autre ».

Dans l’homme à la clé d’or son autobiographie Gilbert K. Chesterton nous fait une confidence magnifique :

« L’idée maîtresse de ma vie je ne dirais pas que c’est la doctrine que j’ai toujours renseignée, mais que c’est la doctrine que j’aurais toujours aimé enseigner. Cette idée, c’est d’accepter toute chose avec gratitude, et non de les tenir pur dues. Ainsi, le sacrement de pénitence donne une vie nouvelle et réconcilie l’homme avec tout ce qui vit ; mais il ne le fait pas comme font les optimistes, les hédonistes et les païens qui prêchent le bonheur. Le don est fait moyennant un certain prix ; il est conditionné par une confession. En d’autres termes, le nom de ce prix et vérité, qui peut être appelé aussi réalité ».

Et quand on lui demanda pourquoi il s’était rallié à l’Eglise de Rome il répondit « pour me débarrasser de mes péchés ».

On comprend mieux l’allusion précédente à la « ruine primordiale » ...

Revenons à notre point de départ. Chesterton le décline et le prolonge de différentes manières.

Dans hérétiques au chapitre consacré à l’institution de la famille et à la conception qu’en ont certains modernes il souligne le fait que l’on ne choisit pas son prochain. « Nous faisons nos amis, nous faisons nos ennemis ; mais Dieu fait notre voisin ». Après avoir écrit « les misanthropes font semblant de mépriser l’humanité pour sa faiblesse, en réalité ils la haïssent à cause de sa force » !

Et il affirme que nous pouvons choisir de manière rationnelle d’aimer telles catégories d’êtres humains et que ce choix détermine notre amour alors qu’à l’inverse « il nous faut aimer notre voisin parce qu’il est là ». Accepter. Prendre la vie telle qu’elle nous est donnée. Humilité. S’émerveiller...

« Quand vous avez des groupes d’hommes constitués par choix rationnel, vous avez une atmosphère spéciale, une atmosphère de secte. C’est quand vous avez des groupes d’hommes constitués sans choix rationnel que vous avez des hommes ». Voilà comment pour lui l’aventure suprême n’est pas de tomber amoureux mais de venir au monde !

Hasard de la naissance… « le meilleur moyen pour un homme d’éprouver sa faculté de s’accommoder à la diversité commune des humains serait de descendre par la cheminée dans une maison choisie au hasard et de s’arranger de son mieux avec les habitants. C’est là essentiellement ce que chacun de nous a fait le jour de sa naissance » !

Comme je l’ai déjà évoqué dans un précédent billet Chesterton aime le monde des fées. Celui de la magie ; la magie du monde. Il explique que cet amour a enraciné chez lui deux convictions. La première est que notre monde est un lieu sauvage et surprenant qui aurait pu être différent mais qui, tel qu’il est, s’avère être tout à fait délicieux. La seconde est que devant cette étrangeté et ses délices on peut rester modeste et se plier aux limitations d’une bonté aussi bizarre. Et il poursuit « Or j’ai constaté que le monde moderne tout entier, telle la marée montante, se ruer à l’assaut de mes deux amours ».

De fait, la modernité n’est pas compatible avec le monde de Gilbert K. Chesterton, avec sa vision, sa spiritualité, sa philosophie, sa politique. Il est en réaction à cette modernité naissante qui depuis a envahi le monde. Comme l’explique Philippe Maxence « pour Chesterton, l’Eglise ne prône pas et n’a jamais prôné un équilibre pour modérer la vie humaine. Elle a encouragé au contraire la passion. Et de là est venu l’équilibre. Elle a encouragé la passion de vivre et la passion de mourir en proclamant qui veut sauver sa vie la perdra ».

Gilbert K. Chesterton détient une clé en or. À nous de la saisir, de la comprendre et de nous en pénétrer.

Humilité, émerveillement et passion.

La passion permet de trouver l’équilibre entre les irrégularités exorbitantes, rationnellement insupportables… Elle donne du sens. Chesterton peut alors écrire « la foi mua en modération ce choc continu de deux émotions impétueuses ».

La pensée de Gilbert K. Chesterton, ses paradoxes, ses aphorismes, ses allitérations, ses boutades, ses pamphlets, ses poèmes, ses romans, ses essais sont un marchepied qui nous est offert pour essayer d'atteindre l’éternel.

 

 

 

1 commentaire:

  1. Merci Mr HAWADIER de nous avoir fait découvrir Chesterton.. Quels beaux textes soumis à notre méditation.
    Amicalement.

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