mardi 6 septembre 2022

MON ETE AVEC CHESTERTON (11) : L'ART ET LES MORTS DE LA FOI

Un ami m’a invité à prolonger mon précédent billet à propos de l’homme éternel en évoquant deux thèmes développés par Gilbert K. CHESTERTON  que j'avais passé sous silence :

- l’homme a toujours été un être spirituel et artistique
- les cinq morts du christianisme…



Je répare cette erreur...

 

Les cinq morts du christianisme.

Question d’une particulière actualité à l’époque d’une nouvelle agonie de la foi chrétienne ; la sixième ?

Gilbert K. CHESTERTON prend le soin de rappeler cette évidence qu’après chacune de ses morts elle renaquit de ses cendres…

« En cinq occasions au moins — l'arianisme, les Albigeois, l'humanisme sceptique, l’après-Voltaire et l’après-Darwin — la foi parut condamnée. Et cinq fois, elle a enterré ses vainqueurs. Dans le cas le plus proche de nous, il est possible de considérer en détail la gravité de l'effondrement et l'étrangeté du redressement. »

Comment Gilbert K. CHESTERTON qui croit à l’éternité du message du Christ, à la vie éternelle ainsi qu’au fait que l’Eglise triomphera à la fin des temps peut-il évoquer les morts du christianisme ?  Au-delà du paradoxe la réponse est simple : « mort plusieurs fois, le christianisme est chaque fois ressuscité car son Dieu sait comment l’on sort du tombeau » !

Et d’ailleurs, nous dit-il « la brusque et renversante réapparition du Christianisme fut presque aussi inattendue que la résurrection du Christ ».

Pour Gilbert K. CHESTERTON le Christianisme n’est pas mort de lui-même mais des attaques dont il fut l’objet en particulier du rationalisme et des diverses hérésies qu’il eut à combattre, en même temps que de son affaiblissement.

Attention !... Outre qu’il soit paradoxal, Chesterton est également d’une très grande subtilité. « Elle n’est pas seulement morte parce qu’on l’a tué, mais parce qu’elle devait mourir ; en ce sens qu’il était naturel et nécessaire qu’elle mourût. Il est évident qu’elle a survécu aux persécutions les plus sanglantes et les plus universelles, du déchaînement de la violence de Dioclétien au déchaînement de la révolution française. Mais elle est douée d’une autre résistance, plus étrange et presque fatale ; car elle survit à la paix aussi bien qu’à la guerre. Elle est morte plus d’une fois, c’est vrai, mais plus d’une fois aussi elle a dégénéré et même capitulé ; elle a survécu à ses faiblesses et même à ses capitulations. »

Mais si cinq morts il y eut, c’est qu’il y eut résurrection... « il est maintenant clair, mais ne cesse de devenir plus clair encore, que l’épanouissement fatal ne suit jamais l’affaiblissement de la foi ; ce qui suit, c’est la renaissance de ce que l’affaiblissement avait fait disparaître. »

Il insiste par ailleurs sur un point fondamental à savoir « qu’il n’y a pas renaissance d’une théologie simplifiée au sens que le monde entendrait, ni d’une théologie purifiée, mais tout simplement de la théologie » ; voilà pour ceux qui veulent résoudre la crise actuelle par une refondation des dogmes en par les révisant, les assouplissant, les affadissant, les dénaturant…

Le mot de la fin est bien sûr celui de notre seigneur Jésus-Christ : « le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront pas ».

Au fond, l’histoire du monde chrétien ressemble à ce que l’on appelle communément les montagnes russes. Monter, descendre. Remonter, redescendre… à l’image de la vie personnelle du chrétien pêcheur, sauvé, repêcheur, sauvé à nouveau… - « c’est le fait que ses enfants soient pêcheurs qui justifie l’Eglise, non qu’ils soient sans pêchés » - Pourquoi désespérer ? Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que Chesterton stigmatise les pessimistes…

 

l’homme être spirituel et artistique.

 

Un rapide retour en arrière sur la critique des thèses évolutionnistes nous permettra de retrouver le point de départ de la démonstration que l’homme est un être à la fois spirituel et artistique ou plutôt spirituel parce qu’artistique.

« Le sage ne dessine pas mal ce que l’homme dessine bien. Le singe n’essaie pas de représenter maladroitement ce que l’homme réussit à représenter parfaitement. Le sage ne dessine pas ; il n’essaie pas de dessiner ; il n’essaie même pas d’essayer de dessiner. Un trait est tiré avant que l’art du trait commence ».

Ainsi, l’homme est-il le seul à dessiner sur la terre. Plus généralement à peindre, à chanter, à composer, à imaginer. « L’art est la signature de l’homme ». Et je, sans trahir la pensée de l’auteur, que le surnaturel est sa destinée.

« Tout artiste sent, consciemment ou inconsciemment, qu’il est aux prises avec des questions métaphysiques ; que ces inspirations sont les reflets de vérités voilées. Autrement dit, celui qui a d’instinct le sens du mystère c’est qu’il y a quelque chose à trouver derrière les nuages, au cœur de l’arbre ; il croit que pour pénétrer le secret, il faut chercher le beau et faire appel au pouvoir d’incantation de l’imagination ».

Je n’ai personnellement jamais lu d’aussi belle définition de ce que peut être l’art.

L’art indissociable du réel, des formes, des cadres hors desquels la liberté de l’artiste sombre dans le néant.

Un art qui dès lors ouvre au surnaturel.

La profondeur de l’analyse de Chester tonne a précisément pour intérêt de souligner un gros trait, de manière spirituelle, de manière paradoxale, de manière transcendantale que dans la nature l’homme se caractérise par son aspiration à une dimension spirituelle et que la voie qu’il emprunte pour cela est celle de l’art. Mais de l’art non dévoyé. Il n’a pas de mots assez durs pour signifier et souligner que l’art qui s’éloigne du réel, du cadre – « l’essence de toute peinture c’est le cadre » - pour ne plus le transcender et le magnifier tombe dans la barbarie.

Car pour lui l’erreur initiale et que « l’on croit à la généralité de la fiction plutôt qu’à la précision de la réalité ». Dans le retour de Don Quichotte il explique pourquoi son personnage central porte un capuchon sur son cou : « N’avez-vous jamais regardé sous une arche et remarqué que le paysage de l’autre côté est aussi lumineux qu’un paradis perdu ? C’est parce que le tableau est un cadre… on est coupé de quelque chose, mais en même temps peut le regarder. Quand les gens comprendront-ils que le monde est une fenêtre, et non un infini vide ? Une fenêtre dans un mur de néant infini ? Lorsque je porte ce capuchon je transporte ma fenêtre avec moi. Je me dis : voici ce monde que François d’Assise Boyer voyait et aimait parce qu’il était limité. Le capuchon à la forme exacte de la fenêtre gothique ».

Oui l’art est une sorte de Voie lactée qui nous conduit de la terre ferme jusque dans les cieux ! Et Gilbert K. CHESTERTON nous aide à la voir et à nous laisser transporter grâce à son imagination et son talent...

 

 

 

2 commentaires:

  1. Comment fait-on pour ouvrir une fenêtre dans le néant? Si le néant est un mur, peut-on encore parler de néant? La Voie lactée n’est pas un chemin, c’est notre galaxie vue par la tranche.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Votre commentaire est enfermé dans la matière, dans le rationnel. Le matérialisme est une prison dont CHESTERTON nous invite à nous évader comme tous les poètes

      Supprimer

Commentez cet article et choisissez "Nom/URL" ou Anonyme selon que vous souhaitez signer ou non votre commentaire.
Si vous choisissez de signer votre commentaire, choisissez Nom/URL. Seul le nom est un champ obligatoire.

Retrouvez mes anciens articles sur mon ancien blog