Un ami m’a invité à prolonger mon précédent billet à propos de l’homme éternel en évoquant deux thèmes développés par Gilbert K. CHESTERTON que j'avais passé sous silence :
-
l’homme a toujours été un être spirituel et artistique
- les cinq morts du christianisme…
Je répare cette erreur...
Les cinq morts du christianisme.
Question d’une particulière actualité à l’époque d’une
nouvelle agonie de la foi chrétienne ; la sixième ?
Gilbert K. CHESTERTON prend le soin de rappeler cette
évidence qu’après chacune de ses morts elle renaquit de ses cendres…
« En cinq occasions au moins — l'arianisme, les
Albigeois, l'humanisme sceptique, l’après-Voltaire et l’après-Darwin — la foi
parut condamnée. Et cinq fois, elle a enterré ses vainqueurs. Dans le cas le
plus proche de nous, il est possible de considérer en détail la gravité de
l'effondrement et l'étrangeté du redressement. »
Comment Gilbert K.
CHESTERTON qui croit à l’éternité du message du Christ, à la vie éternelle
ainsi qu’au fait que l’Eglise triomphera à la fin des temps peut-il évoquer les
morts du christianisme ? Au-delà du
paradoxe la réponse est simple : « mort plusieurs fois, le christianisme est
chaque fois ressuscité car son Dieu sait comment l’on sort du tombeau
» !
Et d’ailleurs, nous dit-il « la brusque et renversante
réapparition du Christianisme fut presque aussi inattendue que la résurrection
du Christ ».
Pour Gilbert K. CHESTERTON le Christianisme n’est pas
mort de lui-même mais des attaques dont il fut l’objet en particulier du
rationalisme et des diverses hérésies qu’il eut à combattre, en même temps que
de son affaiblissement.
Attention !... Outre qu’il soit paradoxal,
Chesterton est également d’une très grande subtilité. « Elle n’est pas
seulement morte parce qu’on l’a tué, mais parce qu’elle devait mourir ; en ce
sens qu’il était naturel et nécessaire qu’elle mourût. Il est évident qu’elle a
survécu aux persécutions les plus sanglantes et les plus universelles, du
déchaînement de la violence de Dioclétien au déchaînement de la révolution
française. Mais elle est douée d’une autre résistance, plus étrange et presque
fatale ; car elle survit à la paix aussi bien qu’à la guerre. Elle est morte
plus d’une fois, c’est vrai, mais plus d’une fois aussi elle a dégénéré et même
capitulé ; elle a survécu à ses faiblesses et même à ses capitulations. »
Mais si cinq morts il y eut, c’est qu’il y eut
résurrection... « il est maintenant clair, mais ne cesse de devenir plus
clair encore, que l’épanouissement fatal ne suit jamais l’affaiblissement de la
foi ; ce qui suit, c’est la renaissance de ce que l’affaiblissement avait fait
disparaître. »
Il insiste par ailleurs sur un point fondamental à savoir
« qu’il n’y a pas renaissance d’une théologie simplifiée au sens que le
monde entendrait, ni d’une théologie purifiée, mais tout simplement de la
théologie » ; voilà pour ceux qui veulent résoudre la crise actuelle par
une refondation des dogmes en par les révisant, les assouplissant, les affadissant,
les dénaturant…
Le mot de la fin est bien sûr celui de notre seigneur
Jésus-Christ : « le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne
passeront pas ».
Au fond, l’histoire du monde chrétien ressemble à ce que
l’on appelle communément les montagnes russes. Monter, descendre. Remonter,
redescendre… à l’image de la vie personnelle du chrétien pêcheur, sauvé,
repêcheur, sauvé à nouveau… - « c’est le fait que ses enfants soient
pêcheurs qui justifie l’Eglise, non qu’ils soient sans pêchés » - Pourquoi
désespérer ? Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que Chesterton stigmatise les
pessimistes…
l’homme être spirituel et artistique.
Un rapide retour en arrière sur la critique des thèses
évolutionnistes nous permettra de retrouver le point de départ de la
démonstration que l’homme est un être à la fois spirituel et artistique ou
plutôt spirituel parce qu’artistique.
« Le sage ne dessine pas mal ce que l’homme dessine
bien. Le singe n’essaie pas de représenter maladroitement ce que l’homme
réussit à représenter parfaitement. Le sage ne dessine pas ; il n’essaie pas de
dessiner ; il n’essaie même pas d’essayer de dessiner. Un trait est tiré avant
que l’art du trait commence ».
Ainsi, l’homme est-il le seul à dessiner sur la terre.
Plus généralement à peindre, à chanter, à composer, à imaginer. « L’art
est la signature de l’homme ». Et je, sans trahir la pensée de l’auteur,
que le surnaturel est sa destinée.
« Tout artiste sent, consciemment ou inconsciemment,
qu’il est aux prises avec des questions métaphysiques ; que ces inspirations
sont les reflets de vérités voilées. Autrement dit, celui qui a d’instinct le
sens du mystère c’est qu’il y a quelque chose à trouver derrière les nuages, au
cœur de l’arbre ; il croit que pour pénétrer le secret, il faut chercher le beau
et faire appel au pouvoir d’incantation de l’imagination ».
Je n’ai personnellement jamais lu d’aussi belle
définition de ce que peut être l’art.
L’art indissociable du réel, des formes, des cadres hors
desquels la liberté de l’artiste sombre dans le néant.
Un art qui dès lors ouvre au surnaturel.
La profondeur de l’analyse de Chester tonne a précisément
pour intérêt de souligner un gros trait, de manière spirituelle, de manière
paradoxale, de manière transcendantale que dans la nature l’homme se
caractérise par son aspiration à une dimension spirituelle et que la voie qu’il
emprunte pour cela est celle de l’art. Mais de l’art non dévoyé. Il n’a pas de
mots assez durs pour signifier et souligner que l’art qui s’éloigne du réel, du
cadre – « l’essence de toute peinture c’est le cadre » - pour
ne plus le transcender et le magnifier tombe dans la barbarie.
Car pour lui l’erreur initiale et que « l’on croit à
la généralité de la fiction plutôt qu’à la précision de la réalité ». Dans le retour de Don Quichotte il explique pourquoi
son personnage central porte un capuchon sur son cou : « N’avez-vous jamais
regardé sous une arche et remarqué que le paysage de l’autre côté est aussi
lumineux qu’un paradis perdu ? C’est parce que le tableau est un cadre… on est coupé
de quelque chose, mais en même temps peut le regarder. Quand les gens
comprendront-ils que le monde est une fenêtre, et non un infini vide ? Une
fenêtre dans un mur de néant infini ? Lorsque je porte ce capuchon je
transporte ma fenêtre avec moi. Je me dis : voici ce monde que François d’Assise
Boyer voyait et aimait parce qu’il était limité. Le capuchon à la forme exacte
de la fenêtre gothique ».
Oui l’art est une sorte de Voie lactée qui nous conduit
de la terre ferme jusque dans les cieux ! Et Gilbert K. CHESTERTON nous
aide à la voir et à nous laisser transporter grâce à son imagination et son
talent...
Comment fait-on pour ouvrir une fenêtre dans le néant? Si le néant est un mur, peut-on encore parler de néant? La Voie lactée n’est pas un chemin, c’est notre galaxie vue par la tranche.
RépondreSupprimerVotre commentaire est enfermé dans la matière, dans le rationnel. Le matérialisme est une prison dont CHESTERTON nous invite à nous évader comme tous les poètes
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