La communication est au cœur de la vie moderne. Tout le monde communique. C'est devenu un art. Il y a des spécialistes. À l'ère du désordre absolu, la communication est un nouvel art du lien, un lien de substitution. Nécessaire pour ouvrir la porte de l’acceptation, de la compréhension, du dialogue... Car on ne se parle plus, on communique.
On ne communique pas au sens classique du terme. On ne
parlait pas de communication dans l’Athènes démocratique, car la communication
était au principe même de la société. On se parlait…. Qu’est-ce que ce
changement ?
« On ne parle jamais autant de
communication que dans une société qui ne sait plus communiquer avec elle-même,
dont la cohésion est contestée, dont les valeurs se délitent, que des symboles
trop usés ne parviennent plus à unifier. Société centrifuge, sans régulateur. »[1]
Exemple. Notre chef de l'État a inscrit sa présidence de
la République dans une logique de communication. Il ne s'agit plus que de faire
passer des messages. La priorité n'est pas de rechercher la bonne action, la
meilleure décision, la solution adaptée à un problème posé, pas plus que le
dialogue ou sens dialectique, mais d'expliquer et de convaincre les français
que la décision prise est la bonne. Ainsi le débat en cours autour de l’euthanasie
alors que le président de la République a d'ores et déjà annoncé à Line Renaud
que sa décision était prise. L’Etat communique pour faire accepter… Il
prépare les esprits. Il veut convaincre du bienfondé de sa décision, comme il l’avait
fait avec le grand débat dont l’objet fur de convaincre que son action était la
bonne.
De même les femmes et hommes politiques soignent leurs
images. Qu’a fait Marine Le Pen pour « dédiaboliser » son parti
politique ? Lucien SFEZ poursuit :
« On le remarquera, toutes les
technologies d’avant-garde, je dis toutes, des biotechnologies à l’intelligence
artificielle, de l’audiovisuel au marketing et à la publicité s’enracinent en
un principe unique : la communication. Communication entre l’homme et la nature
(biotechnologie), entre les hommes en société (audiovisuel et publicité), entre
l’homme et son double (l’intelligence artificielle) ; communication qui prône
la convivialité, la proximité ou même la relation d’amitié (friendship) avec
l’ordinateur. On pourrait supposer qu’il s’agit là d’arguments de vente. Mais
il y a plus : la communication devient la Voix unique, qui seule peut unifier
un univers ayant perdu en route tout autre référent. Communiquons. Communiquons
par les instruments qui ont, précisément, affaibli la communication. Voilà le
paradoxe où nous sommes jetés. »
D'une certaine manière cette nouvelle communication est
un substitut. Elle comble un vide. Elle remplace quelque chose qui manque. Quoi
?
« On se parle de plus en plus, mais on se
comprend de moins en moins. » poursuit encore Lucien SFEZ.
De fait les discussions, les échanges sont de plus en
plus difficiles. Pour quelle raison ? En général parce que nous sommes devenus incapables
d'échanger en vue de la recherche intellectuelle d'une réponse à un problème
posé. Chacun a son avis, son idéologie, sa chapelle, sa communauté. Il est acté
que les points de vue sont divergents, irréconciliables ; aucun pont
intellectuel ne peut être construit ni découvert. La tentative de convaincre
l'autre est reçue comme une forme d'intolérance. Le commun n'existe plus en
tant que bien commun. Il n'est que transaction, concessions réciproques, accords,
arrangements ; pis-aller. Il faut trouver les moyens d’y parvenir ; ils
sont artificiels. Ils résultent du choix des mots et des images et de l'usage
des techniques. De la « com » ! Emplâtre sur une jambe de bois…
« Dans un univers où tout communique,
sans qu’on sache l’origine de l’émission, sans qu’on puisse déterminer qui
parle, le monde technicien où nous-mêmes, dans cet univers sans hiérarchies,
sinon enchevêtrées, où la base est le sommet, la communication meurt par excès
de communication et s’achève en une interminable agonie de spirales. C’est cela
que je nomme « tautisme », néologisme qui contracte autisme et tautologie, tout
en évoquant la totalité, le totalitarisme. » écrit
encore Lucien SFEZ.
Tautisme ! Autisme (Trouble du développement qui se
manifeste par une altération de la communication et des interactions sociales).
Tautologie (Proposition vraie quelle que soit la valeur de vérité de ses
composants). Sous la plume de celui qui passe pour le spécialiste de l’analyse
de ce phénomène contemporain que constitue la communication !
Le vide auquel pallient la communication et ses
techniques résulte d’un manque d’être et d’agir. Un déficit d’être. Un déficit
d’action. L’être est à la base de l’échange qu’est la relation entre deux êtres
ou au sein d’une communauté.
La communication s'oppose à la parole. « Dans la
parole il y a le temps, l'attention à l'autre, le bonheur de l'échange, la
patience de l'écoute. Celle-ci est réciprocité. Celle-là se veut utilitaire,
efficace, urgente, saturante. » [2]
Cet auteur explique que la communication est de l'ordre
de l'interactif là où la parole est de l'ordre du dialogue. La parole n’est plus
la communication.
Dans le livre que je viens de citer - qui est un dialogue
avec Philippe BRETON - ce dernier lui répond, prolongeant son propos : « aujourd'hui
le terme de communication est disqualifié comme valeur, il ne vaut plus que
comme technique instrumentalisant le langage pour une autre fin. Et cette
communication-là, justement, est assimilable à une forme assourdissante de
silence ; elle ne cesse de ne rien dire et elle le dit éternellement. La
parole, elle, fait sens ; plutôt que de s'opposer au silence elle est
cheminement du cens ; elle se bat contre le mutisme du monde en nous procurant
des lignes d'orientation ; elle est le fil d'Ariane tendu sur le bruissement du
monde afin que nous puissions vivre ensemble et comprendre où nous allons. »
La communication devenue idéologie se substitue à la parole
alors qu’elle n’aurait pas dû cesser d’en être l’expression. Ce renversement
est essentiel à relever.
Voilà comment la communication véritable outil
idéologique anesthésie tout dialogue authentique. Quoi de plus logique dès lors
que la parole n’est plus le vecteur de l’échange entre les êtres qui n’existe
plus ?
On plaque une réalité virtuelle sur une vie sociale dont
les êtres ont été évacués.
Mais qu’est-ce que l’être ?
Une notion philosophique abstraite, oubliée qui a disparu
de notre univers… A la suite de mon dernier billet un ami médecin,
intelligent, me disait ne pas arriver à comprendre ce que recouvrait cette
notion !
CQFD !
La "com' macroniste" n'est qu'une logorrhée indigeste,qui cache son incapacité à prendre des décisions, et ses mensonges permanents.
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