dimanche 13 novembre 2022

A PROPOS DE LA "COM"

La communication est au cœur de la vie moderne. Tout le monde communique. C'est devenu un art. Il y a des spécialistes. À l'ère du désordre absolu, la communication est un nouvel art du lien, un lien de substitution. Nécessaire pour ouvrir la porte de l’acceptation, de la compréhension, du dialogue... Car on ne se parle plus, on communique.



On ne communique pas au sens classique du terme. On ne parlait pas de communication dans l’Athènes démocratique, car la communication était au principe même de la société. On se parlait…. Qu’est-ce que ce changement ?

« On ne parle jamais autant de communication que dans une société qui ne sait plus communiquer avec elle-même, dont la cohésion est contestée, dont les valeurs se délitent, que des symboles trop usés ne parviennent plus à unifier. Société centrifuge, sans régulateur. »[1]

Exemple. Notre chef de l'État a inscrit sa présidence de la République dans une logique de communication. Il ne s'agit plus que de faire passer des messages. La priorité n'est pas de rechercher la bonne action, la meilleure décision, la solution adaptée à un problème posé, pas plus que le dialogue ou sens dialectique, mais d'expliquer et de convaincre les français que la décision prise est la bonne. Ainsi le débat en cours autour de l’euthanasie alors que le président de la République a d'ores et déjà annoncé à Line Renaud que sa décision était prise. L’Etat communique pour faire accepter… Il prépare les esprits. Il veut convaincre du bienfondé de sa décision, comme il l’avait fait avec le grand débat dont l’objet fur de convaincre que son action était la bonne.

De même les femmes et hommes politiques soignent leurs images. Qu’a fait Marine Le Pen pour « dédiaboliser » son parti politique ? Lucien SFEZ poursuit :

« On le remarquera, toutes les technologies d’avant-garde, je dis toutes, des biotechnologies à l’intelligence artificielle, de l’audiovisuel au marketing et à la publicité s’enracinent en un principe unique : la communication. Communication entre l’homme et la nature (biotechnologie), entre les hommes en société (audiovisuel et publicité), entre l’homme et son double (l’intelligence artificielle) ; communication qui prône la convivialité, la proximité ou même la relation d’amitié (friendship) avec l’ordinateur. On pourrait supposer qu’il s’agit là d’arguments de vente. Mais il y a plus : la communication devient la Voix unique, qui seule peut unifier un univers ayant perdu en route tout autre référent. Communiquons. Communiquons par les instruments qui ont, précisément, affaibli la communication. Voilà le paradoxe où nous sommes jetés. »

D'une certaine manière cette nouvelle communication est un substitut. Elle comble un vide. Elle remplace quelque chose qui manque. Quoi ?

« On se parle de plus en plus, mais on se comprend de moins en moins. » poursuit encore Lucien SFEZ.

De fait les discussions, les échanges sont de plus en plus difficiles. Pour quelle raison ? En général parce que nous sommes devenus incapables d'échanger en vue de la recherche intellectuelle d'une réponse à un problème posé. Chacun a son avis, son idéologie, sa chapelle, sa communauté. Il est acté que les points de vue sont divergents, irréconciliables ; aucun pont intellectuel ne peut être construit ni découvert. La tentative de convaincre l'autre est reçue comme une forme d'intolérance. Le commun n'existe plus en tant que bien commun. Il n'est que transaction, concessions réciproques, accords, arrangements ; pis-aller. Il faut trouver les moyens d’y parvenir ; ils sont artificiels. Ils résultent du choix des mots et des images et de l'usage des techniques. De la « com » ! Emplâtre sur une jambe de bois…

« Dans un univers où tout communique, sans qu’on sache l’origine de l’émission, sans qu’on puisse déterminer qui parle, le monde technicien où nous-mêmes, dans cet univers sans hiérarchies, sinon enchevêtrées, où la base est le sommet, la communication meurt par excès de communication et s’achève en une interminable agonie de spirales. C’est cela que je nomme « tautisme », néologisme qui contracte autisme et tautologie, tout en évoquant la totalité, le totalitarisme. » écrit encore Lucien SFEZ.

Tautisme ! Autisme (Trouble du développement qui se manifeste par une altération de la communication et des interactions sociales). Tautologie (Proposition vraie quelle que soit la valeur de vérité de ses composants). Sous la plume de celui qui passe pour le spécialiste de l’analyse de ce phénomène contemporain que constitue la communication !

Le vide auquel pallient la communication et ses techniques résulte d’un manque d’être et d’agir. Un déficit d’être. Un déficit d’action. L’être est à la base de l’échange qu’est la relation entre deux êtres ou au sein d’une communauté.

La communication s'oppose à la parole. « Dans la parole il y a le temps, l'attention à l'autre, le bonheur de l'échange, la patience de l'écoute. Celle-ci est réciprocité. Celle-là se veut utilitaire, efficace, urgente, saturante. » [2]

Cet auteur explique que la communication est de l'ordre de l'interactif là où la parole est de l'ordre du dialogue. La parole n’est plus la communication.

Dans le livre que je viens de citer - qui est un dialogue avec Philippe BRETON - ce dernier lui répond, prolongeant son propos : « aujourd'hui le terme de communication est disqualifié comme valeur, il ne vaut plus que comme technique instrumentalisant le langage pour une autre fin. Et cette communication-là, justement, est assimilable à une forme assourdissante de silence ; elle ne cesse de ne rien dire et elle le dit éternellement. La parole, elle, fait sens ; plutôt que de s'opposer au silence elle est cheminement du cens ; elle se bat contre le mutisme du monde en nous procurant des lignes d'orientation ; elle est le fil d'Ariane tendu sur le bruissement du monde afin que nous puissions vivre ensemble et comprendre où nous allons. »

La communication devenue idéologie se substitue à la parole alors qu’elle n’aurait pas dû cesser d’en être l’expression. Ce renversement est essentiel à relever.

Voilà comment la communication véritable outil idéologique anesthésie tout dialogue authentique. Quoi de plus logique dès lors que la parole n’est plus le vecteur de l’échange entre les êtres qui n’existe plus ?

On plaque une réalité virtuelle sur une vie sociale dont les êtres ont été évacués.

Mais qu’est-ce que l’être ?

Une notion philosophique abstraite, oubliée qui a disparu de notre univers… A la suite de mon dernier billet un ami médecin, intelligent, me disait ne pas arriver à comprendre ce que recouvrait cette notion !

CQFD !

 



[1] https://www.cairn.info/la-communication--9782130795124-page-3.htm

[2] David LE BRETON in le silence et la parole (contre les excès de la communication)

1 commentaire:

  1. La "com' macroniste" n'est qu'une logorrhée indigeste,qui cache son incapacité à prendre des décisions, et ses mensonges permanents.

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