dimanche 26 février 2017

LEÇON CHINOISE

Pour quelle raison la Chine s’est-elle aussi facilement adaptée à l’ultra capitalisme occidental ? Comment imaginer qu’un régime marxiste puisse être si capitalo-compatible ? Pourquoi ? Quelles leçons en tirer ?

HAYEK, l’un des grands théoriciens de l’ultra-libéralisme préférait une dictature libérale à un gouvernement démocratique …, tandis que LENINE voyait dans le taylorisme un immense progrès de la science. Le régime chinois a réalisé la synthèse des deux depuis DEN XIAOPING.

Leurs doctrines ont la même vision scientiste du monde purgée du politique au profit de la technique. La planification soviétique et l’ultra-libéralisme se rejoignent pour asservir le droit à des calculs d’utilité.

Le marxisme a par ailleurs apporté au libéralisme cette idée selon laquelle l’État n’est rien d’autre qu’un instrument entre les mains de la classe dominante. Une conception qui se prête beaucoup mieux à l’exercice de la dictature des marchés que la notion précédente d’État de droit que la tradition libérale classique - antérieure à sa dérive ultra-libérale - avait fait sienne. 

Voilà comment on en arrive non pas à la disparition de l’État mais à sa privatisation. Le Droit qui classiquement structurait la société  a éclaté sous les coups de boutoir des exigences du marché total. Eclatement de notre système juridique souligné par Jean CARBONNIER évoquant « la pulvérisation du Droit en droits subjectifs ».Le grand marché est dès lors devenu aussi un marché des droits et « des produits législatifs » selon Alain SUPIOT.

Les forces du marché soi-disant capables selon les ultra-libéraux d’engendrer un ordre spontané ont ouvert le champ à la loi du plus fort ou du plus rusé, nous entrainant dans un système arbitraire et violent.

Il y a une filiation commune indéniable entre des idéologies qui ont mené le monde durant le siècle qui vient de s’écouler. Les principes ultra-libéraux triomphent de toutes parts dans le monde et en Europe ainsi que la Jurisprudence de la CJCE en est l’illustration, avec les effets que l’on sait.

Dans ses deux livres remarquables auxquels je me réfère Alain SUPIOT[1] identifie à titre principal la cause de cet échec dans la perte de toute hétéronomie. Nous avons perdu « la troisième dimension ». Nous avons oublié que c’est le Droit qui donne à la libre recherche scientifique ses bases normatives et non l’inverse !

Et les nouveaux moyens offerts par les progrès de l’intelligence artificielle ne font qu’accélérer le mouvement en programmant nos vies, nos êtres, notre activité, avec comme seul critère celui de la performance et de l’efficacité. Ce que SUPIOT appelle « la gouvernance par les nombres » : « Nous vivons actuellement le rêve éveillé d’une gouvernance par les nombres, qui nous dispenserait de la compréhension et de la confrontation des expériences, nous épargnerait ainsi de la peine de juger et donc de penser ».

Face à cela il y a lieu d’en revenir à une forme de réflexivité qui selon Pierre ROSANVALLON[2] « ne vise pas à dégager des majorités, mais plutôt des consensus sur ce qui est le plus juste ou le moins injuste possible à un moment et dans des circonstances données ».

Cette évolution de notre système social et politique est le fruit d’idéologies apparemment contraires mais complices, devenues dominantes. Nous ne pouvons les combattre qu’à la seule et unique condition de retrouver les fondements mêmes de la vie sociale et de la justice sociale. Pour cela il faut conduire une réflexion qui rejette les postulats faux et trompeurs sur lesquels se sont fondées ces idéologies. Il faut un retour au réel. Il s’agit de remettre le monde à l’endroit, à commencer par celui des idées puis celui de nos pratiques. 

Et pour cela, nous ne pouvons plus nous contenter des programmes politiques proposés dans nos démocraties qui consistent à accompagner le mouvement afin d’essayer de le rendre moins insupportable sans chercher à en remettre en question les postulats ; et avec des résultats à l’opposé des annonces en vertu du fameux « effet Mathieu » [3]auquel Alain SUPIOT fait si justement référence. L’aggravation des inégalités et la précarisation des conditions de travail le démontrent de manière flagrante !

Voilà des lectures et des enseignements qui nous apprennent donc ce que nous ressentons mais que nous nous refusons à nous avouer, espérant encore que des urnes sortira la potion magique….

C’est impossible ! Arrêtons de rêver ! Il s’agit de revoir les fondements, de penser autrement, d’en revenir aux leçons du réel en renonçant au fait que nous pourrions imposer nos visions scientistes à la réalité sans nous soumettre à une métaphysique et un droit faisant référence, et limitant nos prétentions.

Ce n’est pas demain la veille me direz-vous ; sauf que tout s’accélère et que notre responsabilité est justement de préparer le terrain ainsi que les hommes et d’imposer une autre manière de voir les choses en cessant de nous illusionner sur la toute-puissance d’une politique qui n’en est plus une !
                          

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Commentez cet article et choisissez "Nom/URL" ou Anonyme selon que vous souhaitez signer ou non votre commentaire.
Si vous choisissez de signer votre commentaire, choisissez Nom/URL. Seul le nom est un champ obligatoire.

Retrouvez mes anciens articles sur mon ancien blog