Il semble entendu que la crise sanitaire se gèrera d’autant mieux que les
citoyens auront confiance en leurs gouvernants. Que faut-il en penser?
Force est de constater que la brutale confrontation à une
crise aussi violente qu’inattendue se traduit par un impact direct sur la confiance
et ses ressorts. Confiance nécessaire ; Confiance ébranlée… Difficile
alchimie !
L’individualisme extrême de nos sociétés occidentales
nous a fait perdre le sens du « nous ». La question n’est pas ici de
débattre sur le plan philosophique mais de faire le constat de notre
distanciation avec l’intérêt général et ses exigences. Or nous avons brutalement
besoin du collectif, de faire société ce qui n’est au demeurant pas la
même chose que de « faire nation ». Paradoxe d’autant plus délicat à
gérer que le choc est brutal et inattendu.
Quelques remarques préalables s’imposent.
Nous redécouvrons que nous avons dévalorisé des métiers
essentiels comme ceux des infirmières et des aides-soignants. Sans doute devrons-nous
également nous interroger sur la valeur du PIB en tant que référence de la
valeur créée, tant il est vrai que nous mesurons la fragilité du tout
économique ou pour le dire autrement l’aberration du chiffre comme référence et
comme échelle de valeur de notre réussite collective…. Notre échelle des
valeurs est ébranlée. Il faut espérer que nous en tirerons les leçons en
profondeur en termes d’échelles des valeurs collectives et individuelles à
venir quand tout aura changé ….
Au-delà de ces remarques qui sont loin d’être exhaustives,
force est de constater que le pouvoir politique est confronté à une tâche que notre
particularisme social individualiste complique. L’exemple de la réaction des syndicats
à l’appel qui commence à se faire à une augmentation de la quantité de travail lors
du déconfinement est à cet égard tout à fait révélatrice.
Et puis, la démocratie n’arrange pas les affaires ! Comment
imaginer que les décisions du pouvoir actuel ne soient pas autant déterminées
par les exigences de la crise que par celles de sa réélection ? Constat
qui n’est pas neutre sur le terrain de la confiance…
Dans ces conditions la nécessité de la confiance est aussi
essentielle que délicate à obtenir et à maintenir ; elle est pourtant déterminante
en termes d’efficacité de l’action politique et de service effectif du bien
commun et de l’intérêt général.
Quelles en sont rapidement les caractéristiques ?
Fragile par définition la confiance peut se perdre très
vite. Elle est souvent plus difficile à reconquérir même si des circonstances exceptionnelles
peuvent la faire revenir ou naître brutalement. Elle privilégie la proximité ;
l’exemple des maires est significatif. Ce qui est certain c’est qu’elle est purement
humaine, irrationnelle ; insaisissable. Elle ne passe pas nécessairement par
les institutions sachant par ailleurs qu’elle n’est pas de même nature selon
qu’elle s’adresse aux hommes ou aux institutions. Elle est donc
fondamentalement très humaine ce qui explique sa fragilité naturelle et substantielle.
Reste à savoir qu’elles en sont les ressorts, pour ne pas
dire les recettes.
Notre Président de la République et son gouvernement sont
en train de les essayer les unes après les autres.
La transparence. Or celle-ci produit en réalité l’effet
inverse, la transparence entretient la défiance qui se nourrit des soupçons qu’elle
accrédite…
L’intervention des spécialistes. Leur utilisation est une
tentation évidente. Sauf que ces derniers ne sont jamais unanimes. Nous le
voyons avec les débats provoqués par les tests, les masques, les traitements…. Il
faut réfléchir à cette déclaration de Clémenceau qui a dit que « la guerre
était une affaire trop sérieuse pour la confier à des militaires ». Le
politique ne peut se retrancher derrière l’avis des spécialistes.
La défiance. Paradoxalement le philosophe Alain affirmait
que la confiance nécessite une dose de défiance afin de permettre un minimum de
jugement toujours nécessaire à l’être humain. C’est donc dire qu’une part de
critique est nécessaire sauf que l’on peut aussi tomber dans la société de
défiance qui est aujourd’hui l’un de nos travers notamment avec le rôle
attribué aux médias et aux réseaux sociaux.
L’autorité et la décision. Oui mais à la condition que la
décision soit la bonne et qu’on ne revienne pas dessus en permanence. A défaut
c’est le discrédit assuré. La décision est une arme à un seul coup.
On peut utilement lire ou relire le livre d’Alain
Peyrefitte La société de confiance.
Dans cette enquête au creuset de ce qui a fait le succès de l’Occident,
l’auteur découvre que « le ressort du développement réside en définitive dans la
confiance accordée à l’initiative personnelle, à la liberté exploratrice et
inventive – à une liberté qui connaît ses contreparties, ses devoirs, ses
limites, bref sa responsabilité, c’est-à-dire sa capacité à répondre
d’elle-même ». Délicate alchimie de l’intelligence collective d’une société dans
son ensemble…
Plus encore que cela la confiance n’est-elle pas avant
tout le moteur essentiel de l’aventure humaine, individuelle comme collective ?
Et n’est-elle pas un lien qui se construit sur une forme de foi, c’est à dire sur
la conviction, pour ne pas dire la certitude, que celui ou ceux qui nous
conduisent ont raison. Cette prescience qu’ils font les bons choix même si ce n’est
pas toujours le cas … Car si la confiance est nécessaire à la victoire elle n’en
est pas la garantie…
Nécessaire mais ambiguë confiance …
Pour conclure remarquons que les régimes autoritaires
comme celui de la Chine n’ont pas ce type de problèmes même si je ne nous
souhaite en aucun cas de vivre sous une dictature de ce type. La confiance
serait-elle au fond le prix à payer de nos sociétés libérales, démocratiques et
ouvertes ? Certains ne sont-ils pas d’ailleurs en train de nous préparer à
des mesures qui reposeraient plus sur le postulat de la défiance généralisée que la
confiance chère à nos démocraties avancées ?
A quoi sert la confiance dans notre système politique ? Et si elle n'était finalement que le baromètre de la popularité de nos gouvernants et de leur élection ?
Transparence, individualisme,confiance...
RépondreSupprimerLa transparence est sans doute nécessaire, mais à condition qu'elle s'établisse sur la vérité. Or, c'est dans le mensonge que la crise a commencé !
La confiance, quant à elle, ne peut se décréter, mais s'établit dans la durée, avec comme prémices l'adhésion à un projet commun dont on comprend la finalité et dont on accepte les modalités. Pour ce qui est de la "guerre" en cours, on n'y est pas !
Quant à la conduite de la "guerre", ce qui manque, à l'évidence, c'est la présence d'un vrai chef de guerre, pourvu d'un état-major restreint et faisant fi des procédures de temps de paix...
Hier, interviewé longuement sur une chaîne information continue, le précédent directeur général de la santé, très pessimiste au demeurant, appelait de ses vœux qu'un officier général ou un préfet prenne la main... C'est dire si la confiance dans le pouvoir politique est en piteux état !
Sans doute en saurons-nous davantage ce soir...
Quoi qu'il en soit, bon courage !
CR