dimanche 19 septembre 2021

FINKIELKRAUT ET SARKOZY MEME COMBAT ?

Alain Finkielkraut qui peut déplaire et dont je ne suis pas un admirateur inconditionnel publie un nouvel essai intitulé " L’APRÈS LITTÉRATURE " que je viens de lire. 


Ce livre contient de belles intuitions. L’une d’entre elles me retiendra ce soir. Voici comment il l’exprime :

« En temps ordinaire il y a deux antidotes à la disparition du particulier dans le général : La littérature et le droit. L’attention aux différences et le refus de penser par masses, qui caractérisent l'approche juridique et l'approche littéraire de l'existence, nous préservent de l'idéologie. En période révolutionnaire, cette humanité et cette perspicacité sont balayées par le déferlement d'une pitié impitoyable ».

Le parallèle entre la justice et la littérature est intéressant.

La justice est-elle vraiment victime d’une perte d’attention aux différences et d’une pensée de masse ? Elle l’est assurément en ce sens, comme je l’ai déjà exprimé souvent, qu’elle est l’objet du droit alors que celui-ci est devenu un univers de réglementations évoluant au gré des intérêts partisans et des revendications catégorielles sous la surveillance sentencieuse de juges sans légitimité. Dès lors, la justice fluctue au gré de la mise en œuvre de textes épars, désordonnés, adoptés au coup par coup et de jurisprudences catégorielles et subjectives. Elle ne rayonne plus. Elle ne stabilise plus la vie sociale. Elle ne rétablit plus l’équilibre de la balance entre les injustices réelles vécues au quotidien.

La réflexion sur l’approche littéraire, à laquelle notre auteur ajoute ensuite la disparition de la dimension poétique et de la recherche du beau, est tout aussi éclairante et significative.

Alain Finkielkraut écrit ailleurs dans son livre que « nous avons besoin des histoires que le roman nous raconte pour ne plus nous raconter d'histoires », et « de mots pour ne pas nous payer de mots ». Il cite ensuite Levinas : « l'action de la littérature sur les hommes, c'est peut-être l'ultime sagesse de l'Occident » et Marc Fumaroli : « la littérature est la jurisprudence de la vie humaine ».

Il évoque en réalité l’approche littéraire du monde. Reprenant les mots de Philippe Roth dont il est un fervent admirateur il répond dans une interview que « la littérature maintient le particulier dans un monde qui simplifie et qui généralise ».

Il affirme que la littérature ne cherche ni à faire le bien ni à le dire. Pour lui elle cherche la vérité et n’est au service d’aucune cause. Et ailleurs : « Quand on généralise la souffrance, on a le communisme, quand on particularise la souffrance on a la littérature ».

Et il conclue en citant Alexandre Soljenitsyne « dans le combat contre le mensonge, l’art a toujours gagné, et il gagnera toujours ouvertement irréfutablement, dans le monde entier ».

On retrouve cette référence au communisme à plusieurs reprises dans son livre. C’est une autre idée-force qui finalement est en lien avec la précédente : « le progressisme a pris le relais et perpétué l'idée d'un accomplissement du bien dans l'histoire. L'épreuve du stalinisme nous ayant été épargnée nous avons largué les amarres et nous prenons pour un gage d'ouverture une conquête de la Liberté, un déracinement salutaire, notre misérable condition d'apatrides spirituels. …L'état totalitaire est mort, l'esprit totalitaire demeure. »

Un peu plus tôt il avait écrit : « On n’est pas quitte avec le communisme quand on se contente de dénoncer l'horreur des camps staliniens. Il faut opposer l'élaboration en commun du sens à l'idée d'un sens de l'histoire ».

Non le communisme, et le marxisme qui en fut le lit, ne sont pas morts. Nous croyons les avoir tués. En réalité ils nous ont infestés, contaminés.

Cette crise de l’approche littéraire et artistique du monde se caractérise par notre inaptitude collective, sociale et culturelle, à ne pas nous laisser envahir par nos émotions, nos combats, nos idéologies.

Je crois que l’auteur met le doigt sur un point capital. Quand il écrit que l’État totalitaire est mort et que l’esprit totalitaire demeure il énonce une vérité fondamentale. Marcus n’avait-il pas affirmé que l’enjeu était culturel. Les victimes de l’exclusion communiste n’ont-elles pas résisté avec leur culture, leur langue et leur art ?

Or quant à nous, nous sombrons sans art, sans poésie, sans peinture, sans sculpture, sans théâtre, sans musique.

Alain Finkielkraut pense que la France patrie littéraire est en train de devenir pour son malheur une société littérale ; il met ainsi en exergue notre perte du sens commun des choses, notre incapacité à les dépasser et les sublimer ou les tourner en dérision, comme l’art sait et peut le faire.

L’art, la poésie, la littérature, la peinture, la sculpture, le théâtre, la musique sont imperméables à l’idéologie. C’est un combat à mort qui se livre entre celles-ci et celle-là. Si l’idéologie triomphe, l’art meurt.

Voilà pourquoi il faut effectivement arrêter de galvauder les mots pour ne pas se payer de mots, et avoir besoin d’histoires pour ne plus nous raconter des histoires.

Dans d’autres pages de son livre l’auteur se révolte contre le néo féminisme, l’antiracisme, l’écologisme qui sont des globalités revendicatrices, déstructurantes et sans intelligence.

Lorsqu’il affirme que la littérature cherche la vérité et n’est au service d’aucune cause il rejoint une autre affirmation de Soljenitsyne pour qui la seule véritable résistance au totalitarisme consiste dans le refus du mensonge.

Tous nos « ismes » ne sont pas fondés sur la recherche de la vérité, des vérités de ce qui est vécu autour de nous, mais sur des réactions, des combats, des engagements, des luttes réduisant le monde en une série de particularismes qui s’opposent idéologiquement et, sur le plan culturel, en un multiculturalisme qui progressivement nous détruit de l’intérieur.

D’autres que lui aujourd’hui comme par exemple Marion Maréchal développent cette thèse d’une persistance d’une nouvelle forme de totalitarisme dans nos démocraties idéologisées.

Alain Finkielkraut n’est pas spécialement un optimiste.

On me fait le reproche de ne pas l’être non plus…

Et dire que je m’étais promis en cette rentrée automnale de nourrir mes écrits d’espérance !

Aurais-je manqué à ma promesse ?

Alain Finkielkraut m’aurait-il influencé ?

À la réflexion, et bien que je n’ai pas encore eu le temps de méditer plus profondément et plus intensément ces idées que je viens d’évoquer, je crois que les intuitions contenues dans « L’APRES LITTERATURE » sont de nature à nourrir une véritable espérance tant il est vrai que je me refuse à céder à l’optimisme ou au pessimisme.

La France est un peuple politique et littéraire, poétique, artistique. Elle le demeurera.

Il existe autour de nous de vrais artistes animés par cette passion de la vie, des hommes et des femmes, de la vérité de l’humain sous toutes ses formes, individuelles comme collectives. Reste qu’aujourd’hui ce ne sont pas eux qui donnent le « la ». Il ne dépend que de nous d’aspirer à autre chose qu’aux refrains déshumanisants dont on nous abreuve et à une culture de France comme le prétend Emmanuel Macron !

Comme par hasard, en est-ce un ?, il se trouve que notre ancien président de la république Nicolas Sarkozy vient de prendre sa plume pour nous livrer un texte affirmant qu’il existe bien une culture française. Puis cette conversion sans doute tardive nous aidait dans notre prise de conscience et dans notre réveil !

Finkielkraut et Sarkozy, même combat ?

L’avenir le dira…

 

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