dimanche 3 octobre 2021

QUE FAIRE DU PROCES DES ATTENTATS DU 13 NOVEMBRE 2015?

Le procès des attentats du 13 novembre 2015 se poursuit. Lent. Inexorable. Douloureux. Dramatique.


Je suis de ceux qui se sont posés la question de son utilité. Mais il faut se rendre à l’évidence. Il est nécessaire. Indispensable. Comment faire autrement ?

Ne nous voilons toutefois pas la face : pour certains notre capacité à opposer l'état de droit à la barbarie ferait notre grandeur, sauf que nos règles de droit sont à ce point absconses et procédurières que, pour reprendre la formule du droit romain, la justice n’est plus l’objet du droit contemporain de telle sorte que notre état de droit pourrait devenir le lit de notre affaiblissement.

Alors un procès oui avec prudence, mais un procès pour quoi?

Un procès pour les victimes? Certes mais qu'en attendent-elles et que peut-il leur apporter?

Il se trouve qu’une cousine de mon épouse a perdu sa fille au Bataclan.

Elle a traversé cette épreuve épouvantable à l’aide de l’écriture et a publié récemment un livre émouvant, profond, authentique à la lecture duquel je vous invite[1]. De manière à vous faire une idée de son état d’esprit écoutez cette vidéo :



J’en retire deux enseignements par rapport à l'attente des victimes.

Florence n’a pas compris pourquoi l’assassin de sa fille ne serait pas jugé du fait qu’il était mort. Pour elle, il fallait qu’il le soit. Revendication de justice d’une victime. Elle transgresse nos règles de droit habituelles. En effet, selon les termes de l'article 6 du code de procédure pénale : "L'action publique pour l'application de la peine s'éteint par la mort du prévenu, la prescription, l'amnistie, l'abrogation de la loi pénale et la chose jugée."  Cette règle faisait l’objet d’exceptions en droit romain et dans notre ancien droit, mais elle fut érigée en disposition absolue lors de la révolution française. Il est vrai que le jugement d’un mort pose la question de la défense ; un mort ne peut pas se défendre ! De plus la peine pénale n’a pas de sens à son encontre.[2] L’incompréhension de Florence, dans un cas aussi exceptionnel et exemplaire pose la question de savoir si les victimes n’ont pas précisément droit à un jugement, à leur jugement, car celui qui va avoir lieu sera partiel et incomplet. Mais comment ? Difficile. À réfléchir. À méditer.

Mais surtout, et c’est le deuxième enseignement, j’avoue avoir été profondément marqué par ses mots lorsqu’elle a répondu à son interviewer de LA CROIX qu’il lui était impossible d’avoir de la haine compte tenu de la douleur qu’elle avait affrontée. Ainsi donc sa souffrance lui interdit de haïr ! Elle ne le peut pas... Je suis muet, touché, frappé, interloqué par la puissance de cette douleur et la dignité qui l’anime. D’ailleurs, lorsque vous lirez son livre vous ne relèverez à aucun moment la moindre parcelle d’expression d’un sentiment de haine à l’égard de ceux qui ont perpétré l’horreur insoutenable dont sa fille a été l’une des victimes.

Si ce procès a un mérite c’est celui de fournir aux victimes l'occasion unique de faire leur deuil ou de les aider à le faire; mais aussi de nous donner l’occasion d'essayer de nous hisser à la hauteur de leur souffrance et de nous associer par la pensée, par la prière pour ceux qui le peuvent et le veulent, au drame qu'elles ont été vécu dans leur chair ou dans leur cœur. 

Si nous voulons que les grands mots qui ont été formulés à l’occasion de ces attentats deviennent une réalité vraie, vécue dans la sincérité et la proximité, il faut nous mettre à leur hauteur. Si nous voulons que notre solidarité ait un sens ...

Ces victimes, ces parents de victimes, ont besoin de notre aide. Cette aide ne peut se manifester que spirituellement, par cette présence invisible dont les humains sont capables. Seul le soutien des âmes apporte le secours attendu, nécessaire, indispensable, vital, sauveur. Preuve transcendante autant qu'immanente de la dimension spirituelle de la vie!

Seule la voie de la solidarité des âmes peut permettre de dépasser sans les annihiler les effets de la violence aveugle dont nos frères ont été les victimes le 13 novembre 2015.

Nul doute que cette douleur partagée en vérité puisse signifier quelque chose qui nous dépasse et qui ne saurait être indifférent à Celui qui règne de toute éternité, non pas pour amoindrir la douleur des vivants – elle ne peut l’être - mais pour des raisons qui nous échappent et que seuls ceux qui sont entrés dans le mystère insondable comprennent et vivent.

C’est en ces moments tragiques, grâce à la puissance de l’esprit et du cœur, que peut se faire la difficile unité des vivants en intersession avec les morts. La justice qui participe de la transcendance est aussi là pour ça!

[1] https://livre.fnac.com/a15006412/Florence-Ancellin-CaroAnge

[2] https://ledroitcriminel.fr/la_science_criminelle/penalistes/les_poursuites_penales/action_publique/helie_deces.htm

2 commentaires:

  1. La dignité exprimée par ta cousine Florence est admirable, c’est vrai Bernard, et je m’incline respectueusement devant elle.
    La réponse spirituelle est sans doute le moyen le plus approprié de contenir la douleur des familles à un niveau humainement supportable.
    A l’évidence, les victimes de cet épisode atroce de notre Histoire ont besoin de faire leur deuil et ont droit à un procès ; ils ont aussi droit à la compassion de leurs compatriotes… pour autant que « la patrie » ait encore quelque signification chez les Français.
    J’espère cependant que le procès ne constituera pas une sorte de tribune pour les barbares islamistes.

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