QUELLE MOUCHE A PIQUE CHANTAL DELSOL?

Mais quelle mouche a piqué Chantal Delsol ?

Dans son dernier livre « la fin de la chrétienté » Chantal Delsol nous invite à un christianisme des catacombes. Opposant l’Eglise institution et l’Eglise sacramentelle dont elle convient qu’elle est immuable, elle développe une analyse profondément négative de la situation de l’Occident. Il en serait fini de notre civilisation.

Elle n’adhère pourtant pas au thème de la mort de celle-ci pour cause de grand remplacement et prône un discours qui pourrait être tenu par le pape François sur la question de l’immigration et de l’accueil des immigrés. Même si le thème de la « fin » leur semble commun, Chantal Delsol ne vient donc pas à la rescousse du candidat putatif à l’élection présidentielle … Pour elle, et de ce point de vue elle a raison, les causes du risque d’effondrement nous sont d’abord propres. Il ne faut pas les chercher chez nos envahisseurs. 

Cependant pour elle la bataille est définitivement perdue…

Si son analyse procède de remarques acérées et justes sur la renonciation des cadres de la civilisation chrétienne et le piétinement de toutes ses valeurs par la vie moderne, dont celles du Syllabus, pour elle le rationalisme des Lumières efface simultanément les traditions et la foi. Il ne laisse qu'un terrain sec et vierge ou l'herbe ne repousse plus ; dès lors se développent différents courants irréversiblement destructeurs de la Chrétienté.

Ses conclusions ne m’en semblent pas moins contestables parce que vidées de foi et d’espérance, parce que fondées sur une distinction qui ne tient pas entre l’Eglise institution et l’Eglise corps mystique du Christ, celle contre qui ne prévaudront pas les portes de l’enfer, nous dit l’Ecriture…

G. K. Chesterton qu’elle cite, quant à lui résolument nourri d’espérance, nous a fourni une clé de compréhension positive de nos temps modernes « Le monde moderne est plein d'anciennes vertus chrétiennes devenues folles. Elles sont devenues folles, parce qu'isolées l'une de l'autre et parce qu'elles vagabondent toutes seules ».

Comme le développe Michel Michel dans son livre « le recours à la tradition » la modernité sécularisante est un phénomène post-moderne. Elle est le cancer de toutes les valeurs du monde actuel qui ne sont au fond que des hérésies chrétiennes, souvent issues de gnoses. Précisément, pour reprendre la formule de Chesterton, parce qu’elles ont été isolées, coupées de leurs liens, de leurs justifications, de la structure sociale qui leur donnait vitalité et fertilité.

Comme l’actualité le démontre avec tous les thèmes qui font rage aujourd’hui la réponse aux maux de nos sociétés se trouve dans une réadaptation et une renaissance des principes fondamentaux et évangéliques de la doctrine sociale chrétienne. Il faut sortir des hérésies…ce qui ne veut pas dire sortir de la Chrétienté; faire revivre ces idées chrétiennes en forme de vertus sociales. 

Chantal Delsol estime qu’il ne faut rien imposer, qu’on ne le peut plus ; et elle s'interroge sur le fait de savoir s'il n'y a pas d'autres héros que ceux de la force ; par exemple ceux de la patience, de l'attention, de l'amour, de l'indulgence. Et pour conclure elle pose cette question : Ne devrions-nous pas devenir des agents secrets de Dieu ? Faut-il baisser les bras ? Devons-nous abandonner les bienfaits sociaux du Christianisme ?

S’il ne s’agit pas d'imposer, bien sûr, ni d’entraîner nos concitoyens de force à la pratique religieuse et à l’adhésion aux prescriptions de l’Eglise – ce qui serait voué à l’échec et contre-productif - il revient aux chrétiens de proposer les clés de la renaissance avec intelligence, astuce, savoir-faire et esprit d’adaptation. Comme l’histoire en a d’ailleurs fait la démonstration sur ce beau sol chrétien de France. La Foi qui n’a pas à être l’œuvre du politique, viendra ensuite comme par surcroit.

Pour les incroyants, asphyxiés par l’athéisme contemporain, il s’agit de leur rouvrir les yeux sur le trésor de la civilisation chrétienne qu’il serait déraisonnable voire inhumain d’abandonner par pertes et profits. Car je crois que c’est ce qu’ils attendent dans leur inconscient individuel comme collectif…

Il n’y a pas non plus de raisons de désespérer les croyants. La France est née d’un baptême, celui de Clovis. Elle a bénéficié d’une attention toute particulière de la part de Dieu ainsi qu’en font foi et l’illustrent durant ces dernières décennies les multiples et si précieuses apparitions de Notre-Dame. Elle reste et restera la fille ainée de l’Eglise n’en déplaise à notre auteur. Elle le sera toujours…. La France est la Nation du lien entre civilisation et religion chrétiennes.

Et si je voulais trouver un exemple de cette persistance inexprimée mais réelle des attentes que le monde moderne a vis-à-vis de l’Eglise du Christ ne les trouve-t-on pas dans cet acharnement qui est mis aujourd’hui à discréditer ses clercs en raison des crimes commis en son sein. N’est-il pas le signe de ce que le monde attend encore beaucoup des valeurs du christianisme et de sa civilisation ?