Dans la France républicaine chacun fête Noël à sa manière, religieuse ou païenne, mais aussi de plus en plus souvent « neutre » afin de lutter contre les stéréotypes religieux soi-disant ancrés dans les comportements individuels et collectifs.
La déconstruction suit son cours, lentement mais sûrement… tel est le sens de la provocation de la commissaire européenne à l’égalité Helena Dalli[1] qui a provoqué à juste titre la belle réaction de François-Xavier Bellamy[2].
Que cachent ces déconstructions ? Comment ont-elles
été rendues possibles ?
Derrière la réduction du sens religieux de la fête de
Noël se cache une dévitalisation de celle qui fut une sacralité partagée. Quel est
le sens de Noël ? La naissance du sauveur. Mais plus encore la naissance de
Dieu fait homme ; le verbe fait chaire. Sa naissance réelle. Sa venue sur
terre. Historique. Ceci se forgea dans une société qui n’était pas soumise à un
pouvoir religieux mais qui savait que son origine et sa destinée l’étaient.
Indépendamment de tous les phénomènes laïcistes l’un des
tours de force de l’entreprise en cours a été de faire sortir des esprits cette
réalité que le Christ a bel et bien existé.
S’il ne vient à l’esprit de personne de contester l’existence
d’Aristote, de Platon, d’Alexandre, de Cicéron de Néron, de Vercingétorix, de
Clovis, de Jeanne d’Arc, de Louis XIV, de Robespierre, de Napoléon, de
Clémenceau ou de De Gaulle, un statut spécifique, à part, a été réservé à Jésus
dans l’histoire de l’humanité. Alors que sa date de naissance est devenue l’instant
zéro du calendrier que nous utilisons encore, pour nombre d’entre nous Jésus-Christ
n’est plus un personnage historique. Il est devenu un mythe, l’image inspirée d’un
phénomène religieux, une option à la carte dans la république laïque. Sa vie historique
a en quelque sorte été gommée au profit de son message spirituel et religieux
qui du même coup s’est désincarné.
Le décrochage spirituel et religieux contemporain plonge
ses racines dans cette déshistorisation.
Car celui qui s’est dit fils de Dieu, qui s’est proclamé
le verbe incarné, qui a osé dire « je suis celui qui suis » est effectivement né
en Galilée il y a un peu plus de 2 000 ans. Nul historien ne le conteste
sérieusement. À la suite de sa résurrection proclamée par tous et de son
ascension au ciel sous des yeux ébahis, ses 12 apôtres, quelle armée!, ont créé
son Eglise qui rassemble aujourd’hui des milliards d’êtres humains tous
convaincus des vérités qu’il avait proclamées et que l’Eglise a précieusement
gardé à travers ses dogmes.
Malgré cela, pour nous autres modernes, scientistes
avancés, douteurs invétérés, Jésus n’est plus qu’une créature spirituelle, un
être éthéré, impalpable, lointain, désincarné. Une sorte d’ange parmi les anges
planant dans les cieux. Un être inconsistant. Un phénomène religieux parmi d’autres.
Cette réduction de la nature du Christ né à Bethléem il y
a plus de 2000 ans a pour effet de dissoudre la foi telle qu’il l’enseigna.
Le temps écoulé et l’oubli ont permis que grâce à la
négation pratique de cette réalité historique s’installent toujours mieux les
doutes, le rejet de la religion, le refus de la foi, et tous les négationnismes
religieux, a été marqué par. J’évoquais des personnages dont il ne vient à l’esprit
de personne de contester ou d’oublier les faits glorieux. Pour le Christ il en
est tout autrement. Et pourtant…
Oublierions-nous que ses disciples sont allés jusqu’à
tout abandonner, sacrifier leurs vies pour lui rester fidèles alors qu’ils l’avaient
lamentablement trahi avant qu’il ne les dote de cette force inouïe de l’Esprit
Saint ? L’auraient-ils fait avec leurs mains nues, simplement avec leur cœur et
leur parole, avec autant de succès, en simple mémoire d’un phénomène irréel ?
Seraient-ils allés ainsi jusqu’au bout d’eux-mêmes s’ils n’avaient pas vécu
avec cet être autant divin qu’humain ?
La conséquence, car rien n’est anodin, est qu’il est
beaucoup plus facile de ne pas croire au cœur d’un monde dans lequel Dieu ne s’est
pas incarné et pour qui il est une simple option. Ce n’est d’ailleurs pas pour
rien que Dieu a eu cette idée ahurissante, mais géniale…, grâce à sa
toute-puissance de s’incarner et de révéler au monde son existence comme la
nécessité de croire en lui pour pouvoir un jour gagner le paradis et ne pas périr
éternellement dans les enfers. Cette existence réelle, physique, palpable que
le Christ a voulu prolonger dans ses sacrements et particulièrement dans l’eucharistie
n’est pas neutre. C’est une présence. Une présence pour chacun, croyant ou
incroyant, à portée de bonne volonté et de foi. Le positionnement de celui qui
s’interroge sur la foi en un Dieu qui est effectivement venu sur terre et s’y
est incarné, n’est pas le même que le positionnement de celui qui se cherche par
rapport à la croyance en un Dieu qu’il n’appréhende que par ses sentiments et
de manière éthérée, évasive.
Alors qu’il était vrai Dieu et vrai homme et que
précisément sa force fut de s’incarner pour confirmer la révélation de l’Ancien
Testament, les hommes n’ont gardé qu’un message spirituel, subjectif se
traduisant par l’inévitable « chacun sa foi … chacun son Dieu ».
L’entreprise perverse qui a labouré le terrain pendant
des siècles a eu ceci de pernicieux qu’elle a progressivement fait disparaître
le personnage historique au profit du seul sentiment religieux avec en apogée l’hérésie
protestante et les modernes adhésions à toutes sortes de substituts à la religion
révélée. Et ce faisant elle l’a dissous. Elle a dissous Jésus ! Elle l’a
rendu facultatif, possible parmi d’autres options… ; elle a fait en sorte
qu’il ne soit plus le personnage central de l’histoire de l’humanité,
incontournable. On a ainsi dépossédé Jésus-Christ de sa présence historique
centrale et incontournable en fonction de laquelle chacun devait adhérer ou
rester à la porte de l’église parce que la foi ne ce commande pas toujours et qu’elle
est fragile…
La place fut ainsi préparée pour la religion de l’homme
croyant ou ne croyant pas à un « grand architecte de l’univers », et
bâtissant son univers spirituel à partir de lui-même. Facile et non
contraignant dès lors qu’il n’est plus tenu par cette.
J’ai lu l’excellent livre de Roland Hureaux Jésus de Nazareth[3].
Il a l’immense mérite de se fonder sur des travaux historiques comme l’avait
déjà fait Jean Christian Petitfils[4], Louis Veuillot[5],
Daniel Rops[6]
et bien d’autres encore. Oui il y a une histoire officielle de Jésus qu’on
appelait le Christ !
On ne peut pas écarter d’un revers de manche l’existence
réelle de celui qui a réalisé les prédictions de l’ancien testament, qui a fait
des miracles, qui s’est dit fils de Dieu, qui est mort sur la croix, qui est
ressuscité et qui a fondé une Eglise répandue à travers le monde et à laquelle 2 000
ans plus tard des milliards d’êtres humains adhèrent et dont ils se
reconnaissent les enfants.
Ne proclamons-nous pas d’ailleurs dans le CREDO qu’il est
« vrai Dieu et vrai homme » ?
Voilà pourquoi contre les stéréotypes, les idéologues de
la laïcité, et toute la machinerie moderne du, doute, convient-il de rappeler
cette réalité historique, telle la pierre de l’angle (Psaume 118,22) impossible à déterrer autour
de laquelle doivent s’orienter et s’organiser nos vies individuelles comme
collectives, non pas dans un esprit servile ou de contrainte mais avec cette
ouverture évangélique qui fut précisément celle qui anima notre seigneur
Jésus-Christ dont nous allons en cette fin de semaine revivre la naissance.
Semper idem !
[1] https://www.lefigaro.fr/actualite-france/wokisme-noel-maria-ces-mots-que-deconseille-la-commission-europeenne-20211130
[2] https://fr.aleteia.org/2021/12/17/faut-il-sauver-noel-la-video-de-francois-xavier-bellamy-devient-virale/
[3] https://www.decitre.fr/livres/jesus-de-nazareth-roi-des-juifs-9782220092034.html
[4] https://www.babelio.com/livres/Petitfils-Jesus/305634
[5] https://www.livresenfamille.fr/saints-temoins-biographies/19241-louis-veuillot-jesus-christ.html
[6] https://www.babelio.com/livres/Daniel-Rops-Jesus-en-son-temps/70804
Cher Bernard,
RépondreSupprimerQuand on ajoute à cette évidente entreprise de déconstruction, celle de substitution culturelle (je pense notamment à l’inacceptable campagne de promotion du hijab par le conseil de l’Europe), on comprend aisément qu’il’ s’agit d’une opération de destruction de tout ce qui fonde notre civilisation..