L'avocat de Depardieu a causé le scandale. On lui reproche son sexisme…. Intéressant!
Un procès emblématique.
Le procès de Gérard Depardieu a mis en lumière la virulence du débat français sur les revendications féministes et la théorie du genre qui sont exacerbées par le révélateur qu'est le procès pénal. Innocent ou coupable c'est cette polémique qui arrête mon attention.
Depuis #MeToo, un mouvement profond a bouleversé l’ordre établi. Il a libéré la parole des femmes, exposé des comportements longtemps impunis. Il faut en reconnaître la relative légitimité. Mais on ne peut ignorer non plus ses dérives : les procès médiatiques, les croisades idéologiques, la confusion entre justice et militantisme. Les associations féministes sont engagées dans une croisade.
Les infractions dénoncées visent des comportements masculins envers des femmes, alors que la théorie du genre tend à gommer la dimension sexuée de l'identité. Il y a là un paradoxe. Car les
infractions ne sont reprochées qu’à des hommes qui ne s'intéressent qu’à des
femmes comme le dirait Monsieur de la Palice.
Les hommes accusés ne sont pas recevables à mettre en cause l'instrumentalisation
des plaignantes et a minima le soutien dont elles bénéficient de la part d’associations
engagées dans un combat politique; celles-là brandissant l'interdit avec efficacité
au nom de leur statut de victime et de l'obligation en forme de nécessité dans
laquelle elles affirment se trouver de se coaliser pour sortir de l'anonymat et
de la victimisation.
Le procès de Gérard Depardieu fut emblématique, pour ne pas dire caricatural. Il mit en opposition un homme, clamant son innocence et assumant pleinement sa virilité comme son goût pour la gaudriole, défendu par un homme, et des femmes engagées dans une croisade contre le machisme, défendues par des femmes. Explosif! Personne ne fit dans la dentelle. Chacun joua sa partition.
La stratégie de défense de Gérard Depardieu et de son avocat consista à refuser de nier son statut de mâle blanc et hétérosexuel et à souligner la féminité des plaignantes ainsi que l'inscription de cette affaire dans un calendrier médiatique et féministe. Sans doute déstabilisées par cette défense marquée du sceau de l’arrogance et de la provocation les avocates des parties civiles et le public les soutenant l’ont dénoncée avec véhémence. Cela leur était insupportable!
Selon les plaignantes et leurs avocates relayées par la presse les incidents se seraient multipliés. Pour autant les limites du débat judiciaire ne furent pas franchies puisque la police de l’audience n’a pas été actionnée par un Président qui ne s'en serait pas privé si l'occasion s'était présentée et que le Bâtonnier de l’Ordre dont un délégataire était présent aux audiences - ce qui témoigne de la vigilance voulue par la profession face à cette situation explosive - n’a pas été saisi et ne s'est pas saisi saisi d'office. Autant dire que ce qui scandalisa les parties civiles et la presse n'a pas alerté ceux qui avaient pour fonction d'intervenir au cas où l'un des avocats aurait manqué à ses devoirs.
Une défense attaquée au nom de la moraline sexiste.
Néanmoins les avocates de la partie civile ont obtenu le
soutien de deux cents avocats qui pour leur part ne semblent pas avoir été présents aux audiences, mais qui ont signé une
tribune dans le Monde pour dénoncer cette stratégie de défense : « Le
sexisme contre les avocates ne doit plus avoir sa place en audience ».
« Porter atteinte au respect de la robe qui leur est dû en attaquant leur
sexe et/ou leur genre, ne doit plus avoir sa place, jamais, dans une enceinte
judiciaire française », poursuivent-ils. « La justice ne peut ignorer le
monde dans lequel elle vit. C’est un monde où le masculinisme a le vent en
poupe et où le combat contre les inégalités femmes-hommes doit être l’objet
d’une vigilance redoublée », concluent-ils.
Cette prise de position, inédite dans l’histoire du barreau, illustre la montée en puissance de la politisation du prétoire et de son invasion par la moraline sexiste et la doxa féministe. Elle questionne directement les fondements de la liberté de la défense qui n'a pas de sexe.
Voilà qui démontre la puissance du mouvement féministe comme de #Metoo dans leur dénonciation des infractions sexuelles.
La stratégie de défense relève du libre choix du prévenu ou de l'accusé et de son avocat. Cette liberté est absolue. Personne dans la profession d'avocat et plus généralement dans le monde judiciaire n'a jusqu'à ce jour pensé à la contester. Même Jacques Vergès a pu défendre Klaus Barbie comme il le voulut et comme il le fit. Cette attaque est une première. Elle lève un lièvre qui n'a pas fini de courir…
Le fait de se défendre peut-il être considéré comme une agression injustifiable? Y a-t-il des accusations dont on ne peut pas se défendre? Ou dont on ne pourrait se défendre que dans le cadre d'une défense dite de connivence et non de rupture ?
Doit-on bâillonner les avocats face aux avocates?
Le reproche va plus loin. Le sexisme ne devrait pas avoir sa place en audience contre les avocates. L'accusation indirecte est tendancieuse et perverse. C'était encore ce soir le sens des questions de Benjamin Duhamel - manifestement outré - à Me Jeremy Assous. Pouvait-il dire ce qu'il a dit à des "femmes"!
La défense pénale s'exerce à l'encontre des plaignantes et de l'accusation soutenue par le Procureur de la République, et pas de leurs avocats même si ces derniers en sont les voix.
Nous savons tous par ailleurs qu'à l'audience, en raison de la personnalisation et du rôle majeur des avocats comme du Procureur de la République, il y a un processus d'identification entre les parties et leurs avocats ; ici il fut aggravé par la polarisation masculin-féminin précédemment soulignée. Mais ce ne sont pas les personnes des avocates qui étaient visées par notre confrère. Il combattait les intérêts qu'elles incarnaient et indirectement les associations présentes à l'audience ainsi que d'autres victimes ou prétendues victimes d'autres affaires dont les médias se faisaient les porte-voix, phénomène polarisant encore plus le débat.
Il n'échappera à personne que cette polarisation n’est pas conforme à la théorie du genre…
Au-delà de ce paradoxe les reproches faits à l'avocat de Gérard Depardieu perdent aussi de vue la violence du débat
judiciaire. Les avocates des parties civiles et leurs clientes s’en sont
plaintes. Comme si parce qu’elles sont femmes il faudrait prendre des gants
avec elles que l’on ne prendrait pas avec un homme ! L’audience pénale est
une tragédie et parfois un ring de boxe. Tous les coups sont possibles. Telle
est la réalité. Tout avocat pénaliste le sait et doit s'y préparer. Qui a assisté à un contre-interrogatoire mené par exemple par Eric
Dupont-Moretti en sait quelque chose.
Poursuivons.
La défense n'est pas genrée!
Pour quelle raison devrait-on par ailleurs s'adresser à des avocats féminins différemment qu'à des avocats masculins, alors qu'on nous rebat les oreilles avec l'égalité "homme-femme" et la théorie du genre?
Dès lors que des femmes veulent exercer la défense pourquoi faudrait-il au nom de leur féminité s’interdire quoi que ce soit que l’on ne s’interdirait pas avec un homme ? Sous couvert de rappel aux principes de dignité ou de morales voudrait-on instaurer une forme de discrimination positive ?
Paradoxe toujours.
Les accusation faites à l'avocat de Gérard Depardieu sont d'autant plus choquantes qu'elles reviennent à nier la spécificité de la présence à l'audience d'une avocate femme par rapport à un avocat homme. J'aborde un point sensible et délicat… Car il faut le dire : les avocates, comme les avocats, jouent de leurs caractéristiques personnelles – voix, posture, autorité, féminité, séduction – dans l’exercice de leur art. C’est la réalité du prétoire, que personne ne songe à condamner, ni dans un sens ni dans l'autre et sans que les uns soient supérieurs aux autres. Ils sont différents bien qu'égaux.
La défense est multiple et libre. Elle est la quintessence de l’expression de la liberté. Elle n’a de comptes à rendre à personne et notamment pas au féminisme. Pour le coup, la défense n’est pas genrée ; elle transcende les sexes. Chaque avocat doit assumer sa masculinité comme sa féminité, sa taille, sa voix forte ou faible, sa culture classique ou moderne, sa beauté ou sa laideur, sa distinction ou sa vulgarité, ses compétences juridiques plus ou moins affutées … Chaque avocat, homme ou femme, défend avec ses talents et sa personnalité: il exerce une défense, non genrée, qui n'est ni masculine, ni féminine.
Le procès Depardieu restera un cas d’école. Il révèle une ligne de fracture grandissante entre une vision militante de la justice et la tradition de liberté du barreau. Cette voie semée d'interdits et de retenue serait celle de la servitude. Qu’on rende donc hommage à Me Jérémy Assous, qui a tenu son cap, contre vents et marées. Défendre un homme honni, dans un climat hostile, n’est pas le plus confortable des rôles. Mais c’est le plus nécessaire.
Le caractère paradoxal de cette disposition débouche sur
des résultats catastrophiques. Preuve en sont les interprétations auxquelles ont
donné lieu les prises de parole du Procureur de la République. Plutôt que de calmer les ardeurs des médias elles n'ont cessé de les
alimenter et de leur donner encore plus de grain à moudre. Et cela continue
puisque nous venons d'apprendre que de nouvelles fuites ont eu lieu relative
cette fois-ci à des enregistrements de conversation entre membres de la famille
attestant du caractère violent du grand-père que l'on venait pourtant de
remettre en liberté à la suite de sa garde à vue...
Sur le fond tout cela pose la question de l'intérêt de ce travail journalistique et de cette organisation implicite d'une violation du secret de l'instruction que le législateur affirme pourtant vouloir protéger; car les informations propagées par la presse ne se limitent pas à celles fournies par le Procureur de la République!
Certes les affaires criminelles atypiques ont toujours
défrayé la chronique et passionné les foules. Il n'y a rien de nouveau sous le
soleil. Rien n'empêchera donc jamais un journaliste d'alimenter cette soif
d'information qui n'est en réalité qu'une curiosité malsaine. Mais il est
évident que les évolutions actuelles n'ont pas pour effet d'apporter de la sérénité. Elles ne font que rendre encore plus délirante et insupportable
la pression médiatique et populaire exercée sur les parties, leurs conseils,
les fonctionnaires chargés de l'enquête et les magistrats; au détriment de la
bonne administration de la justice.
Les procès contre Nicolas Sarkozy.
Comment enfin ne pas penser aux procès à répétition contre Nicolas Sarkozy dans lesquels le débat judiciaire se réduit à un règlement de compte digne des pires procès révolutionnaires? Car après la condamnation sur la base d'écoutes de ses conversations avec son avocat on s'apprête apparemment à la condamner pour des détournements de fonds supposés et dont personne n'a la trace; le tout dans une ambiance qui surprend tous ceux qui assistent aux audiences.
Conclusion.
Politisation de la Justice et judiciarisation de la Politique : les deux biais qui pourrissent aujourd’hui notre société.
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