LE CAREME ET LE RAMADAN MEME COMBAT?

Hasard du calendrier 2025 le carême et le ramadan ont commencé pratiquement à la même date. Si l'on a plus parlé du second que du premier dans les médias, il semble acquis dans nos esprits que le carême soit le ramadan des catholiques et le ramadan le carême des musulmans. Que faut-il en penser?

Chacun son Dieu; chacun sa religion … Si la religion se réduit au sentiment religieux la parallèle peut être fait entre le carême et le ramadan sans que l'on ait à faire de distinction. Un sondage sur les différences entre les deux confirmerait certainement de constat. Ils subsistent pourtant et n'ont pas le même sens pour ceux qui en respectent les prescriptions qu'ils soient musulmans ou catholiques. Approfondissons. J'emprunterai à "La petite feuille verte" d'Annie Laurent l'essentiel de ce billet.https://associationclarifier.fr/nos-actions/les-petites-feuilles-vertes/

Le Ramadan.

Le ramadan est le 4ième pilier de l'Islam. Le Dieu du Coran précise les modalités de ce jeûne : « Mangez et buvez jusqu’à ce que se distingue pour vous le fil blanc du fil noir, à l’aube. Ensuite, faites jeûne complet jusqu’à la nuit » (Coran 2, 187). Il s’agit, du lever au coucher du soleil, de s’abstenir de toute consommation de nourriture et de boisson, y compris de la moindre goutte d’eau, de tabac et de relations sexuelles, sous peine de « rupture illicite du jeûne ». Même le fait d’avaler la salive est interdit. Même des musulmans non croyants jeûnent sous la pression sociale de leur entourage [voire de la police]. Cette surveillance s’exerce aussi dans les quartiers de villes françaises à forte concentration islamique. Un sondage effectué en 2001 révélait que 70 % des musulmans de France observaient les règles du Ramadan. Dans certains pays musulmans, la loi sanctionne la non observance du jeûne en public. Ainsi, au Maroc, l’article 222 du Code pénal en vigueur prévoit de un à six mois de prison, plus une amende, applicable à tout musulman manquant à l’obligation du jeûne. La tradition et la pratique atténuent cependant la sècheresse de la prescription pour lui conférer une signification spirituelle qui se base sur deux propos attribués à Mahomet :

– « Le mois de Ramadan est venu à vous ; c’est un mois de bénédictions en lequel Dieu vous enveloppe de sa miséricorde. Il pardonne les fautes et exauce les demandes ». De là découle l’instauration de certains rites : récitation intégrale du Coran pendant le Ramadan, prières nocturnes à la mosquée.

– « La meilleure des aumônes est celle qui est faite au mois de Ramadan ». Cette remarque a pour but d’inciter les musulmans à une plus grande attention à leurs frères en religion démunis, d’où l’instauration des repas populaires et gratuits servis après l’heure de la rupture du jeûne.

Force est de constater le caractère formaliste et contraignant dont nous allons voir qu'il est aux antipodes de la démarche proposée par l'Eglise dans le Carême.

Le Carême.

Les chrétiens sont, eux aussi, invités à jeûner durant le Carême, mais ce jeûne est une loi de liberté. Pas de contrainte ni de dénonciation. La seule prescription formelle concerne le Mercredi des cendres et le Vendredi saint au cours desquels le jeûne est prescrit, ainsi que l’abstinence de viande tous les vendredis de Carême. Pour le reste, les chrétiens sont appelés à toutes les privations que leur conscience leur indique devant Dieu : l’alimentation et le tabac bien sûr, mais aussi toute autre privation (sorties, télévision, cinéma, lectures, etc.) afin de « s’établir avec foi dans une attitude d’humilité pour accueillir l’action de Dieu et se mettre en sa présence » (Vocabulaire de théologie biblique de X.L. Léon-Dufour p. 609) et de laisser plus de place à la prière et à l’attention aux autres. En outre, la sobriété est requise et il n’est pas question de compenser le soir ce dont on s’est privé durant la journée.  Le chrétien est appelé à jeûner dans le secret et à se comporter aux yeux du monde comme s’il ne jeûnait pas « pour que ton jeûne soit connu, non des hommes, mais de ton Père qui est là dans le secret ; et ton Père, qui voit dans le secret te le rendra » (Mt 6, 16-18). Il s'agit d'un temps de conversion spirituelle de l'âme et de la personne sur le chemin de la sainteté à laquelle tout chrétien est appelé. Il n’est en rien un exercice ascétique ou méritoire, mais un acte d’humilité de l’âme, un acte d’abandon confiant en l’amour de Dieu et en sa Parole. A Satan venu le tenter après un jeûne de 40 jours, le Christ répond : « Ce n’est pas de pain seul que vivra l’homme, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » (Dt 8, 3 et Mat 4, 4). Autrement dit, le Carême est entièrement tourné vers la Semaine sainte et Pâques, le mystère de Dieu fait homme, « mort pour nos péchés et ressuscité pour notre justification » (Rm 4, 25).

Conclusion.

Dans le cadre d'une saine laïcité il est important de rappeler ces différences.  Elles sont essentielles. Savoir en quoi et pourquoi il y a une différence entre le Ramadan et le Carême permettrait aux non-pratiquants de ne pas se tromper d'adversaire et aux musulmans de France de prendre conscience de ce qu'est la civilisation du pays qui les abrite. 

On ne comprend rien à la civilisation chrétienne et française si on ignore la substance du carême et réciproquement. C'est le seul chemin de la cohabitation, puisqu'on en est arrivé là. A l'inverse il est certain d'une part que leur méconnaissance alimente l'incompréhension mutuelle et ne permet pas le respect réciproque, et d'autre part qu'elle ne donne pas les moyens à l'Etat d'assurer la paix civile faute de reconnaître la nature profonde des pratiques religieuses des français et des étrangers sur son sol. 

La laïcité passe par la connaissance des religions.