C'est encore une histoire de grain de sable [1]!…
Le changement est en marche, une fois de plus.… Et pourtant les marges de manœuvre du pouvoir politique ne cessent de se réduire, notamment en matière économique. J'ai déjà évoqué la confiscation du pouvoir. La société est anesthésiée, elle n'attend plus son salut que d'un sauveur, d'un homme providentiel. Pour les uns ce fut Nicolas Sarkozy. Pour les autres c'est François Hollande. Qui demain ? Sauf que ni les uns ni les autres n'ont les clés de ce paradis tant de fois annoncé, pas plus que de la transformation d'un monde qui s'écroule.
ÀFace à cette crise multiforme, que plus personne ne sait qualifier, dont nul ne peut décrire les conséquences, et dont les solutions semblent nous dépasser il m'est apparu nécessaire- c'est la raison de ce blog- non pas de proposer une réflexion de plus-il y en a déjà trop-mais des repères, des références, des balises, particulièrement pour les plus jeunes.
En voici de nouveaux, à travers la lecture d'un livre que je vous conseille « chemins de traverse » d’Emmanuel Faber[2]. Numéro 2 du groupe Danone, bras droit de Frank Riboud il est confronté, du matin au soir, d'un point à l'autre de la terre, au règne de cette finance que tout le monde montre du doigt sans savoir la combattre ; celle qui est l'ennemi déclaré de notre nouveau Président de la République mais avec laquelle il est déjà contraint de négocier et à laquelle il doit faire ses premières concessions. Une finance si puissante que toutes ses spéculations ne font que croître et embellir malgré la curée annoncée depuis des mois !
Emmanuel Faber montre qu'il est possible de renverser les postulats imposés par la chape de plomb de la résignation et du conformisme, d'aller au-delà des blocages, des paradoxes et des contradictions de notre époque. Un exemple, lorsqu'il raconte sa participation au forum social mondial pendant que Frank Riboud se trouve au forum de Davos ; double participation apparemment contradictoire… il ne s'agit pas de figurer pour paraître dans les revues people, mais de travailler, concrètement, pour avancer, pour atteindre un objectif mûrement réfléchi…
L'une des idées de ce livre, un des chemins de traverse de l'auteur est de redonner son fondement social à l'économie, en sortant celle-ci de sa réduction financière. Je le cite : « une décision économique qui ne prendrait pas en compte sa dimension sociale serait une barbarie. Une action sociale qui ne prendrait pas en compte la dimension économique serait une utopie. Choisir et accepter la seule dimension financière, c'est renoncer au sens que peut avoir l'économie ».
Emmanuel Faber démontre qu'il est possible d'instaurer d'autres pratiques, notamment d'imposer sa responsabilité sociale à l'investisseur. Il explique par ailleurs comment son groupe est parvenu à mettre en place un système différent de fixation des rémunérations de ses cadres et cadres supérieurs à travers l’application des « trois tiers : économique, social et managérial » pour sortir du « tout financier »; là où tant d'autres ne proposent que des stock-options.
Le premier grand intérêt de ce livre est qu'il s'agit du récit d'une pratique. Ce qui est écrit a été vécu. Emmanuel Faber raconte comment il est passé à l'acte, comment il a réalisé ses rêves les plus fous à partir de ses réflexions philosophiques et spirituelles d’adolescent. Preuve que contre vents et marées, au-delà des débats politiciens et de spécialistes, des analyses économiques dont on nous rebat les oreilles, des spéculations d'experts, il y un monde qui agit ; il y a une vérité de la réalité. Oui la société est vivante ; il s'agit d'un corps capable d'agir, de réagir, d'imposer ce dont il a besoin ou ce en quoi il croit. Et tout cela, sans attendre les décrets ou les lois de la République, sans toutefois perdre de vue que ces derniers peuvent aussi bien l'étouffer que la soutenir.
Il y a deuxième interêt majeur dans ce récit, lorsque l'auteur explique que ce passage à l'acte résulte d'une simple prise de conscience. Je suis, nous sommes, la cause de nos problèmes. C'est ainsi qu'Emmanuel Faber prend l'exemple d'une journée d'embouteillages à Paris et de sa propre prise de conscience : « je suis moi-même l'embouteillage »... Nos choix impactent la réalité sociale, économique et politique, dont ils déterminent le cours.
Ceci m'a rappelé nombre de mes « blogs »[3] que vous avez sans doute considéré comme irréalistes, dans lesquels je faisais référence soit à l'autolimitation d'Alexandre Soljenitsyne, soit au fait que tout acte est moral ou encore au rôle de la conscience. Souvenez-vous, les grains de sable…. Et bien, chef d'entreprise, Emmanuel Faber qui négocie, travaille et agit avec les plus grands de ce monde, affirme que la frontière entre l'économique et le social, qui ont trop souvent été opposés, passe par nos consciences ! Quel étonnant recoupement !
La problématique est la même pour le salarié, le cadre, le chef d'entreprise, l'homme politique. Elle consiste à ne pas laisser ses convictions au vestiaire, à l'entrée du bureau ou à la porte de la maison. Les convictions profondes, philosophiques, morales et spirituelles, qui identifient l'homme dans son humanité, qui en font une personne. Emmanuel Faber est très clair. La frontière entre le social et le financier, entre la gratuité-qui a un rôle essentiel à jouer en matière économique !- et l'intérêt, ne passe pas à l'entrée du bureau mais au cœur même de nos consciences. Que cela est décapant, désaltérant, vivifiant, réconfortant, fort, oui très fort, sous la plume d'un dirigeant d'un grand groupe international !
J'ai retiré beaucoup de raisons d’espérer de la lecture de ce livre. Oui tout est possible à la condition de changer d'état d'esprit, de ne pas baisser les bras, de ne pas abandonner notre destin aux autres, de ne pas attendre le miracle des politiques dont la toute-puissance est le résultat de nos multiples abandons. Il suffit parfois d'un homme ou d'une femme qui refuse ou qui veut, qui dit oui ou non avec fermeté et détermination pour que le monde change. Pourquoi ? Parce que la conscience est plus forte et plus puissante que tous les systèmes et que toutes les oppressions.
[1] Je renvois ceux à qui « le grain de sable » ne rappelle rien à d’anciens articles de ce blog comme « agir en conscience ».
[2] http://www.amazon.fr/Chemins-traverse-Vivre-l%C3%A9conomie-autrement
[3] Voir par exemple « Que Faire ? »
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