En ce mois d’octobre 2017, je suis interpelé
par la conjonction de trois actualités.
L’Europe s’engage dans un processus de
libéralisation économique dont la France est l’éclatant exemple ; nos systèmes
sociaux-démocrates font le lit du libéralisme économique. Le socialisme met en œuvre
les principes d’une doctrine dont il est le pur produit. Emmanuel Macron qui, qu’on
le veuille ou non, demeure une émanation de la gauche, nous en donne l’illustration
avec la mise en œuvre de sa politique.
Nous célébrons, avec des pincettes, et
beaucoup de distances, le centenaire de la révolution d’octobre 1917. Le
communisme nous gêne. Il nous embarrasse. Il est vrai que nos élites ont fricoté
avec lui pendant toute leur jeunesse… Comme si nous étions incapables de dire
la vérité à son sujet. Les millions de morts. La dialectique marxiste. Une conception
de la politique qui est celle de la violence institutionnalisée dans un climat
de guerre civile. La volonté d’éliminer une partie de la population dans le
cadre de plans organisés que nous nous refusons à qualifier de la même manière
que le nazisme, mais dont la nature lui est fondamentalement commune. Nous
sommes incapables de tirer les leçons de l’histoire. Nous refusons ainsi
de voir que « le système soviétique se définissait lui-même, bien avant la
communauté européenne, en termes de construction du communisme et non de
régimes politiques ou constitutionnels »[1].
Le congrès du parti communiste chinois enfin,
qui proclame à la face du monde entier, comme un défi, le fonctionnement
totalitaire de sa démocratie populaire, comme aux plus sombres jours du
communisme soviétique ou maoïste. Là-bas, rien
n’a changé. Et nous regardons l’empire du Levant avec les yeux de
Chimène, pour faire notre marché, nous enrichir, faire de la réalpolitique…
Nous refusons d’ouvrir les yeux sur les horreurs de ce régime ; incapables
de les dénoncer; si ce n’est pour la galerie, entre nous, tout en allant lui
faire des courbettes. Le plus inquiétant est que nous ne nous rendons pas
compte de l’existence d’un « processus historique de fusion de ces deux
entreprises d’occidentalisation du monde qu’ont été le capitalisme et le communisme
»[2].
Cette conjonction me remet en mémoire l’une
des conclusions d’Alain Supiot dans son livre l’esprit de Philadelphie
sous-titré « la justice sociale face au marché total » dans laquelle
il s’interroge sur la notion d’interdits. Voici ce qu’il écrit : « l’interdit c’est ce qui permet aux hommes de
se parler plutôt que de s’entre-tuer. Liquider toute espèce d’interdits au nom
de la liberté économique ne peut engendrer que l’écrasement du faible par le
fort et ouvrir les mannes de la violence ».
Cela me rappelle également cette phrase d’Ernst
Junger qui pour désigner un mode d’organisation fondé sur la mobilisation de
toutes les ressources humaines, techniques et naturelles –celui de la guerre de
1914-1918- dénonçait le fait « d’être en
mesure, 24 heures sur 24, d’envoyer les hommes au front où un processus sanglant
de consommation jouait le rôle du marché ».
Voilà qui peut nous faire penser au
fonctionnement de la république populaire de Chine…. Du coup, notre attitude
vis-à-vis de ce régime, notre trahison par rapport à nos grands principes universaux,
nos lâches abandons sous prétexte de réalisme politique et économique, me
convainquent que la conclusion d’Alain Supiot est malheureusement d’une très
grande justesse et actualité. Nous sommes en train d’organiser un monde sans droit
ni justice ; un monde de normes destinées à permettre à notre économie de
fonctionner de la manière la plus performante possible. Un monde performant,
efficace, compétitif, réaliste. Un monde de robots. Comme les Chinois.
La Chine s’est éveillée au libéralisme
économique sans rien perdre de son communisme. De notre côté, nous nous ouvrons
au même libéralisme économique, en développant
nos règles et nos normes destinées à en imposer le bon fonctionnement, tout en
nous gargarisant de notre logorrhée démocratique et de notre libéralisme
sociétal.
Qui a une stratégie ? La Chine ou l’Europe
?
Drôle de conjonction !
Pendant ce temps, l’Europe se fissure, comme
le démontrent les événements catalans, après bien d’autres comme le bréxit ou
nos désaccords avec les nations d’Europe centrale, et avant de nouvelles
secousses qui ne manqueront pas de survenir, tant nos peuples sont conscients
des risques auxquels nos gouvernants nous exposent sans être en parallèle
capables de nous protéger par rapport aux menaces identitaires et religieuses
qui frappent à nos portes…
Nous avons besoin d’une politique qui se
nourrisse des leçons de l’histoire et ne se contente pas de surfer sur la vague
de la conjoncture !
Je trouve cette réflexion tellement juste que je l ai publiée sur ma page Facebook. J'y retrouve une grande partie de ce que j 'ai toujours éprouvé, avec une certaine expérience de la vie internationale.
RépondreSupprimerMerci! N'hésitez pas à diffuser....
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