66 millions de procureurs, 66 millions d’électeurs, 66
millions de sachants ...
Qui doit donner son avis ?
Comment décider ?
"That is the question" Monsieur le Président !
Mais laissons la boutade et cherchons à y voir plus clair.
Pour cela commençons par des questions qui s’imposent.
Qu’aurait été la gestion de la crise sanitaire en l’absence des réseaux sociaux et de notre accès généralisé à la globalité de l’information concernant le virus, son traitement, sa diffusion, ses dangers, et en l’absence de la tribune permanente qu’est devenue notre Nation ?
En quoi l’information dont nous disposons peut-elle, doit-elle, changer quelque chose au traitement de l’épidémie et aux mesures à prendre dans notre intérêt individuel et collectif, aux décisions que commande le bien commun ?
En clair, à quoi nous sert-il de débattre en soi-disant sachants, collectivement comme individuellement ? Si ce n’est, à compliquer la tâche de nos gouvernants…
Nous sommes naturellement curieux. Nous voulons savoir. Nous avons le droit d’accéder à l’information disponible sur ce qui nous arrive et ce que l’on décide dans notre intérêt.
Ce droit légitime d’être informés a néanmoins une limite: nous-mêmes ! Nos propres limites ! Car nous sommes en général incapables de traiter cette information, de savoir, faute de connaître. Informés mais pour quoi faire, dans quel but ?
Le problème est bien celui de la perversion de la connaissance à l’ère du Web et des data. Car nous sommes très souvent incapables de comprendre, d’appréhender, d’apprécier les informations données, les débats entre spécialistes et le bienfondé des décisions politiques que les médias nous demandent de juger... et dont nous tensons en permanence les auteurs.
La réponse me semble évidente. Cela ne nous sert à rien.
Si ce n’est hélas, et le Président de la République a raison, à nous
transformer en dangereux procureurs. Sans doute a-t-il eu tort de l’exprimer ainsi, une
fois de plus. Ce n’était pas à lui de le dire. Mais il a dit vrai…. Cette mue
des français en autant de censeurs est le fruit de la perversion de la
connaissance. Et nous en subissons les conséquences…Le psychodrame social qui
se diffuse actuellement trouve là une partie de son explication. Nous serions
moins anxieux si nous ne cherchions pas en permanence à apprécier le bienfondé
des décisions prises à notre sujet. Non contents de devoir gérer nos vies, nos actions, nos affaires, nous nous chargeons du fardeau de l'appréciation de la justesse des décisions de ceux qui nous gouvernent!
Du coup, ceux qui doivent décider, en s’entourant des avis compétents, ne peuvent plus exercer leurs responsabilités normalement. Ils le font en fonction du jugement des 66 millions de procureurs et des médias qui les manipulent. Ils sont hantés par les risques réels auxquels ils sont exposés de se retrouver poursuivis en justice et du résultat du prochain sondage sur l’acceptation de leur décision.
Notre système d’un savoir généralisé, direct, sans filtres, incontrôlable est à l’origine de ce phénomène.
S’interrogeant sur le progrès humain Hannah Arendt a écrit avec justesse : « à la lumière d’une telle évolution l’oubli est devenu un devoir sacré, le manque d’expérience un privilège et l’ignorance une garantie de succès »[1]. A méditer.
La perversion provient du fait que l’information n’est plus distinguée de la connaissance. Il ne suffit pas de disposer de l’information pour connaître. On a le droit d’être ignorant. Ce n’est pas un crime ! On doit accepter de ne pas tout savoir ; c’est le début de la sagesse. On a le droit, et même le devoir, d’obéir à ceux qui dans la société ont le pouvoir et l’accès à la connaissance. A défaut la vie en société devient impossible.
La dénonciation de cette perversion ne signifie pas qu’il faille refuser l’accès à l’information. Mais il s’agit de restaurer, de relégitimer, celui qui dispose de la connaissance et du pouvoir. Celui qui connaît n’a pas à débattre de sa connaissance avec celui qui ne sait pas et ne peut pas connaître. Il est là pour décider parce qu’il sait ou a les moyens de savoir ; à charge pour lui de le faire en conscience et en responsabilité.
À quel titre pouvons-nous arbitrer les débats entre les scientifiques ?
En vertu de quoi pouvons-nous empiéter sur la prise des décisions politiques alors que nous ne disposons pas de la connaissance exhaustive nécessaire à ses prises de décision ?
Cette perversion est celle de la démocratie qui s’installe de partout. Au prétexte que nous disposons de l’information nous devrions pouvoir décider de tout. Nous devrions décider de la bonne manière de traiter le virus. De la bonne manière de le combattre et d’en arrêter la diffusion. Il s’agit du même travers que celui du malade qui se fait juge de la prescription de son médecin ou du justiciable qui porte une appréciation critique sur la consultation de son avocat.
Ce qui ne veut pas dire non plus que les décideurs ne sont pas responsables… Il y a un temps pour la reddition de compte… Mais il ne saurait être préalable et paralyser la décision.
Voilà un vrai sujet de réflexion sur lequel j’avoue ne pas avoir la clé de la solution... Ce que je sais par contre c’est qu’il faut la trouver faute de quoi sera impossible la gestion des problèmes futurs, qu’ils soient sanitaires ou techniques, auxquels nous seront confrontés.
66 millions de procureurs, 66 millions de sachants sas savoir c'est la subversion de la démocratie!
Merci pour ce point de vue que je partage. Malheureusement l'ingérence des français dans la gestion de la crise n'est t elle pas due au manque de confiance envers ceux qui nous gouvernent, et pourquoi ce manque de confiance ? Vaste débat !!
RépondreSupprimerJe suis assez d’accord avec ton diagnostic Bernard.
RépondreSupprimerMais j’ajouterai que, pour reprendre l’image du chef de guerre dont se targue le président, le chef d’état-major prend des conseils, analyse le rapport des forces, jauge les risques au vu des moyens dont il dispose, et tranche pour le mode d’action qu’il considère le plus performant pour atteindre son objectif. Dès lors, son état-major n’a plus à prendre la parole de manière inconsidérée, car il sème le trouble et développe l’anxiété des troupes.
Mais il est vrai que les médias sollicitent tellement les « soi-disant sachants » qu’il est difficile pour eux de ne pas céder à la tentation d’une célébrité a bon marché. Je pense notamment au président du conseil scientifique... mais pas que !
Le quatrième pouvoir est apparemment une des clés du problème...
Bien à toi.
J'approuve la démarche intellectuelle, ainsi que des 2 commentateurs avant moi, mais j'aurais aimé également que soit mentionné le fait,indiscutable, que la méfiance globale des français s'enracine dans le doute fondamental qu'ils ont, que les motivations de leurs dirigeants ne sont pas forcément celles qui devraient être... doute introduit ou renforcé par la succession des affaires mises à jour, et souvent par d'autres dirigeants... qui y trouvent leur intérêt. La course au pouvoir n'est souvent qu'une course à la gamelle, très mal perçue par ""le peuple"".
RépondreSupprimerBien parlé! En amont de la perversion de la connaissance (et peut être même comme source de cette perversion), il y a la perversion du "politique". C'est à dire la perte de la foi dans le fait que nos dirigeants gèrent la cité pour le bien commun. Ce doute est effectivement corroboré par les affaires mises à jour et les différents éléments objectifs qui contredisent les versions officielles. Sans avoir de connaissances approfondies, n'importe quel "honnête homme" peut au moins mesurer la cohérence des informations par rapport à la réalité qu'il voit (c'est ce qui fait que sans être un doctorant, on peut trouver la vérité). Par ailleurs, pour rejoindre le propos de notre ami blogueur, la confusion entre information et connaissance me parait intimement liée à une conception erronée, généralisée aujourd'hui en démocratie, selon laquelle toutes les paroles d'experts se valent(le relativisme a tout envahi). Or certains experts sont plus crédibles que d'autres du fait de leur expérience de terrain. Ainsi qui est le plus crédible entre un Raoult, immunologiste et chercheur de renommé internationale depuis près de 30 ans avec des milliers de pages de publication, toujours en exercice (au contact de patients donc)et sans conflit d'intérêt avec aucun laboratoire pharmaceutique; et un Salomon, qui n'a exercé que 5 ans et ne gère que de la paperasse et des statistiques depuis la même période, avec des conflits d'intérêts monumentaux? Ce serait un peu comme comparer la crédibilité d'un juriste qui aurait travaillé 5 ans dans un cabinet d'avocat comme assistant et serait depuis 30 ans relecteur du code Civil pour les éditions Dalloz, avec celle de Me Hawadier...
Supprimer66 MILLIONS ?
RépondreSupprimerLes "pseudo-sachants" savent au moins qu'ils sont au minimum un million de plus (https://www.lesechos.fr/economie-france/social/la-france-compte-plus-de-67-millions-dhabitants-1162735).
Je plussoie l'Anonyme.