Avant-hier soir j’entendais encore
un éditorialiste dénoncer la « fachosphère ». Nous vivons sous
l’emprise d'une chasse aux sorcières. Je me sens concerné comme nombre
d’entre nous, renvoyé dans le camp des accusés, complice du diable,
de ce monstre phobique qui bouge toujours.
On a beaucoup écrit sur
l’utilisation idéologique de ce procédé. Je voudrais revenir
sur un aspect moins courant qui interroge sur le totalitarisme, ses ressorts et
les moyens de le combattre. Or au fond c’est « le point important »,
le seul qui devrait nous intéresser.
Je suis allé puiser chez
Alain Supiot, agrégé de droit et auteur entre autres d’un essai sur « la
fonction anthropologique du droit ». (Homo juridiques, collection Point).
Cette fonction anthropologique
est déniée chez beaucoup de juristes ainsi que chez nos politiques ; au nom du libéralisme le
droit est devenu une technique neutre, susceptible de tous les usages.
Nous ne cessons par contre d’en
appeler à l’éthique, alors que nous réfutons toute morale …
Droit et éthique....
Or A. Supiot observe que ce
faisant nous obéissons singulièrement à la consigne donnée par Hitler aux
juristes allemands en 1933 : « l’Etat totalitaire doit ignorer toute
différence entre loi et éthique » !....Redoutable confusion.
Ainsi, sans doute de manière sincère …., sans
en être conscients, nous conduisons-nous selon les schémas que nous
dénonçons et prétendons combattre ; comme si nous jouions avec le feu !
Conscient de ce piège Emmanuel
Lévinas a par exemple voulu inventer une morale politique pour notre
temps, partagé entre la tentation totalitaire du « tout politique », et la
tentation contemporaine du « tout éthique » ; sans y parvenir.
Et A. Supiot insiste en écrivant
« que penser que les nazis (ou leurs épigones actuels) ne sont pas des
hommes comme les autres, c’est déjà penser comme eux » !!!
Conclusions :
- Le mal est le fait de l’homme ; personne n’en est affranchi, nulle part, à aucun moment. Attention aux donneurs de leçons !
- Les
idéologies sont l’expression intellectuelle de ce qui couve au cœur de
chacun de nous; la conception, la formulation, la systématisation,
l’intellectualisation peuvent nous être extérieures, mais nous y cédons individuellement de manière active ou passive ….
- Les
comités d’éthique ne sont que de la mise en scène de nos bonnes
consciences et de nos intentions ; ils sont animés par cette croyance
qu’il y aurait un camp du bien affranchi d’un mal idéologique, et un camp du mal, par exemple la "fachosphère"….
- La
diabolisation de certains d’entre nous, au nom de ce manichéisme social ou
sociologique, nourrit une forme de totalitarisme, même si l’on prétend le
combattre…
- Le
droit n’est pas une technique comme les autres, il n’est pas neutre ;
il a pour objet de structurer la vie sociale ; il a en particulier
une fonction anthropologique consistant à aider les hommes à s’affranchir
de leurs errements et de leur aptitude au mal ou à y céder par lâcheté, y
compris le pire. Il a une fonction politique.
Tout se joue donc:
au niveau de
chacun, individuellement, sur un plan moral
et
au niveau collectif grâce à la
mise en œuvre de bonnes lois ayant pour objet d’empêcher les hommes du mal ou à
tout le moins de les en dissuader.
Il y a un art de gouverner….
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