L’hécatombe continue !
Après Weinstein qui n’est
pas le modèle de l’idéal masculin que je prônerais, mais n’a toujours pas été
jugé, après Depardieu visé par une plainte qui semble avoir fait flop..., c’est
maintenant le tour de Brett Cavanaugh le juge conservateur, nommé par Donald
Trump à la Cour Suprême au grand damne de Madame Marlène Schiappa, et de Christiano
Ronaldo le célèbre footballeur … Tous sont soumis au même traitement ; accusés
de viol par une victime émouvante et semblant sincère. Mis au ban avant d’être
jugés. Visés par une accusation qui emporte tout sur le passage ouvert derrière
#MeToo et « Balancetonporc ». L’opprobre tombe avant le jugement. Le
mal est fait dans l’instant, de manière irréversible…. J’ignore si parmi les
mis en cause il y a des coupables ; il faut le souhaiter… Mais je ne
supporte pas que l’on crée un coupable avant de l’avoir jugé selon les lois et
les procédures de notre République. Même l’Eglise, tant stigmatisée pour son inquisition
se soumit à des règles de procédure avant de juger et de condamner !
Nous sommes confrontés à une instrumentalisation de la Justice à des fins politiques.
La providence voulut-elle tenter
de me réconforter alors que je broyais ainsi du noir ? Même si je ne suis
pas toujours d’accord avec lui, elle mit hier sous mes yeux au salon de Mouans
Sartoux le dernier livre d’Éric Dupond Moretti dans lequel il revendique le
droit d’être libre ; et je l’ai lu sans attendre.
La liberté fait partie de l’ADN
de l’avocat. Ce livre d’entretiens est une belle confidence d’un avocat qui
assume des défenses extrêmes depuis si longtemps, avec réussite et talent. Nouvelle
et belle ode à la défense. J’adhère à son appréhension de la pâte humaine dans ce
qu’elle peut avoir de contradictoire, d’excessif, de malin ou de pervers.
Toutefois, mon plaisir fut vite
mitigé car notre Démosthène du XXI° siècle, qui reconnait être un bobo de
gauche, continue de tenir un discours « libéralo-républicain engagé ».
Sa dialectique anti « fachiste » altère son message d’avocat, bien qu’il
sache reconnaître le talent de ceux qui l’ont précédé sous la robe tout en
étant dit-il des fachos. Il en cite au moins trois Jacques Isorni, Jean-Louis
Tixier-Vignancour et Henri René Garaud, tout en en oubliant certains, à
commencer par Jacques Trémolet de Villers qui défendit Touvier avec le talent
que l’on sait.
Je respecte la coexistence chez
le même homme, de l’avocat de talent et de l’homme de gauche, sachant que le
premier ne s’interdirait sans doute pas de défendre Brett Cavanaugh quelles que
soient les convictions conservatrices de ce dernier…
Mais je suis gêné par le
fait qu’au-delà de la revendication du droit d’être libre, Éric Dupont Moretti d’une
part fasse de la liberté l’alfa et l’oméga de toute politique et d’autre part lie
de manière sentencieuse la justice à la démocratie.
Son discours devient
inaudible lorsqu’il prend les habits du philosophe, du sage ou du politologue. Il
faut laisser de côté la mousse du plaideur de talent pour analyser la logorrhée
du citoyen engagé; ce dernier utilise l’autorité et la notoriété de l’avocat
pour légitimer ses digressions sur un autre terrain que le judiciaire….
Regrettable mélange des genres ! Justice et politique n’ont jamais fait
bon ménage.
Il n’y a rien de pire que
cette manie de certains avocats qui, cédant à la même mode que des chanteurs, des
comédiens ou des écrivains, jouent les donneurs de leçons, en grands témoins de
leur époque.
Autant ai-je apprécié la
pudeur avec laquelle Éric Dupond Moretti a su répondre à une question sur sa
foi religieuse, autant je ne peux pas me satisfaire d’une phrase comme celle-ci
: « la liberté n’est certainement pas d’interdire
au nom de sa propre morale, faute de quoi d’une part on s’étouffe autant qu’on
étouffe, d’autre part on stigmatise grossièrement des groupes entiers dans la
négation de l’individualité » ; phrase qui embrouille tout, mélange
tout et ne veut strictement rien dire si l’on veut bien se donner la peine de
la lire et d’y réfléchir… mais qui de façon sentencieuse pourfend la morale, glorifie
la liberté, et dénonce la stigmatisation… !
Quant à la démocratie, laissant
de côté le gargarisme intellectuel répétitif auquel se livre notre auteur, au-delà
des mots, je voudrais qu’il m’explique en quoi, pourquoi et comment la justice dépend de la démocratie !
Pour nous instruire et nous
édifier sur ce qu'il maîtrise en vérité, il aurait suffi à Éric Dupond Moretti, de parler de la défense, comme il
le fait si bien… Tout le monde n’est pas Cicéron !
Car malgré son énergie et
son talent, qui sont immenses, je crains que mon confrère ne soit victime de ses
aventureuses et incertaines digressions politiques et philosophiques. Elles
faussent son témoignage et son jugement qui pourraient être précieux alors que
nous perdons collectivement le fil de la justice et du droit …
Le respect de la présomption
d’innocence et des règles du procès par le reste de la société, à commencer par
les médias, ne reviendront que si nous serons capables de faire admettre les
conditions de l’application du droit en tant qu’il est l’inlassable recherche des
conditions d’avènement du juste dans la cité.
Il faut lire et méditer les philosophes,
en particulier du droit. Cela permet de prendre conscience du rôle du droit et
de la responsabilité des acteurs du monde judiciaire, sans commettre de
contre-sens, en pensant droitement.
Il faut lire et écouter les
praticiens qui vivent le procès de manière engagée et tirer profit des leçons
de leur témoignage comme de leurs critiques.
Chacun doit apporter sa
pierre en restant modestement et humblement à sa place.
Alors peut-être serons-nous
capables de juger sans faire de politique et inversement.
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