dimanche 4 novembre 2018

LES NATIONS SONT-ELLES MALADES DE LA LEPRE?


Après la lèpre populiste notre Président de la République s’attaque à la lèpre nationaliste. Le sujet est sensible, délicat. Pour preuve ce récent échange avec un ami sur un réseau social. Alors que j’ai partagé un article sur le contenu des discours du président ORBAN il m’interpelle ainsi : « Par pitié gardez-vous de ce romantisme noir ! Revenez au message de l’Évangile et méfiez-vous de ceux qui s’en réclament trop bruyamment ».






Nous ne pourrons pas éluder ce débat essentiel. Mais, comme trop souvent, il est piégé et dénaturé par des abus de langage et des contresens historiques.

De quoi parlons-nous ?

L’Europe est blessée et meurtrie par l’usage abusif et meurtrier que certains ont fait de l’idéal national au cours du XX° siècle. Prudence donc ; nécessité d’analyses rigoureuses, affranchies de toute idéologie et de tous a priori, et impératif rejet de l’utilisation des peurs.

Le nationalisme est un concept récent. Il remonte au début du XXe siècle, avec un enracinement dans la période révolutionnaire et les événements qui ont marqué le XIXe siècle.

Qu’est-ce que le nationalisme ? Cette question renvoie immédiatement à une autre : qu’est-ce que la Nation ?

La Nation sert les biens naturels et surnaturels qu’elle a le devoir de rendre plus facilement accessibles à ses membres. Alors que la patrie réside dans ce que nous avons reçu du passé la Nation est la communauté vivante des héritiers de ce passé et des générations qui se transmettent et gèrent l’héritage commun. Les Nations sont multiples, concrètes. Elles correspondent à des réalités vivantes construites avec le temps à base d’histoire, de culture et de politique. À ce titre, si elles ont été amenées à se combattre, voir à s’entre-tuer et donc à causer du malheur, leur absence, leur inexistence serait encore un mal bien pire parce qu’il signifierait l’impossibilité pour les humains qu’elles réunissent au sein d’un même peuple, de se transmettre paisiblement ce qui les fait eux-mêmes. Rappelons à ce titre encore une fois la formule de sa sainteté le Pape Jean-Paul II : « la Nation est ce qui fait en l’homme l’humain ». Jaurès a pu dire que les Nations sont des faits. Maurras lui répondit qu’elles sont des bienfaits. Ce dernier affirma même que les Nations sont des amitiés.

À la suite de l’affirmation moderne, posée par Jean-Jacques Rousseau, des concepts absolus de bonté de l’être humain et d’égalité entre tous les êtres humains, au-delà de leurs évidentes inégalités naturelles, le concept de Nation a lui-même évolué. Celle-ci est elle aussi devenue absolue et égale entre toutes.

Passant ainsi d’un concept concret, relatif, à un principe érigé en absolu, sa réalité en fut dénaturée. De quelle manière ? Les Nations peuvent être égales entre elles dans la gestion des rapports internationaux ; ce qui ne signifie pas pour autant que pour leurs peuples elles soient toutes égales ou équivalentes. Tout dépend du niveau auquel on se place dans l’analyse. Je peux reconnaître l’égalité entre la France et l’Italie en tant que Nations sur un plan international, pour autant la France est meilleure pour les Français que l’Italie et inversement ; sans pour autant faire éclater la guerre entre ces deux Nations.

C’est ainsi qu’est apparue une forme de nationalisme idéologique et dérégulé. Les conséquences ont été rapides. Après les folies napoléoniennes, il n’aura pas fallu un demi-siècle pour que nous tombions dans un processus conflictuel d’une nature totalement nouvelle entre les nations européennes. Tout démarra avec la guerre de 1870. Celle de 14 - 18 n’a fait qu’empirer les choses avec son désastreux traité de Versailles. Dès cette époque sont survenues deux idéologies dévastatrices qui ont aggravé le phénomène ; à savoir la volonté hégémonique du communisme soviétique et l’érection du nationalisme nazi qui plus qu’un nationalisme était un racisme en ce qu’il procédait de l’affirmation de la supériorité de la race allemande. Nous savons ce que cela a donné.

L’honnêteté commande de reconnaître qu’au préalable, malgré des conflits liés à la constitution des Nations, nous n’avions pas connu dans l’histoire de montée en puissance d’idéologies hégémoniques de la Nation.

Et alors que l’internationalisme avait manifesté ses limites comme ses carences avant 1914, la seule solution que nous ayons été capables d’imaginer après 1945 a été de soutenir, à travers l’ONU, mais surtout la construction européenne, la constitution d’entités supranationales destinées à se substituer aux Nations considérées comme des dangers, les « machins » du Général de Gaulle.

Voilà comment une réalité bienfaisante pour l’homme est devenue la lèpre nationaliste.

Quelles leçons faut-il tirer ?

Tout d’abord qu’il ne saurait être question de sous-estimer le danger nationaliste. Bien au contraire. Loin de moi l’idée de soutenir que les mouvements qui se dessinent aujourd’hui en Europe ne puissent pas comporter des risques d’explosions violentes et dangereuses. Vigilance donc.

Mais d’un autre côté comment pouvons-nous continuer de vouloir préparer l’avenir en niant la nécessité des Nations, sauf précisément à entretenir la constitution de mouvements nationalistes de nature idéologique ?

Qu’avec l’évolution du monde et son rétrécissement il ne soit plus possible de concevoir la cohabitation des Nations de la même manière qu’il y a 50 ans, un siècle ou deux siècles, c’est une évidence. Pour autant nous ne pouvons pas faire comme si les Nations n’étaient pas nécessaires aux humains et à l’humanité. C’est ainsi qu’il n’est pas concevable que l’on puisse continuer de construire l’Europe contre les Nations et contre la volonté des peuples ; affirmation dont il est insupportable de continuer d’entendre qu’elle serait un refus de principe de toute construction européenne.

Nécessité donc d’une part de ne pas faire des Nations un absolu, une idéologie mais de les reconnaître en tant que besoins de l’homme, et d’autre part d’avoir la capacité de les faire évoluer avec le monde et dans l’histoire, de manière pragmatique.

Défendre la Nation, être nationaliste, en ayant à l’esprit que cette défense n’est pas contradictoire avec le postulat que je viens de poser, n’est donc pas en soi contraire à l’intérêt de l’humanité et au bien commun. Et j’accorde à ce titre à nombre de ceux qui aujourd’hui dénoncent les montées d’un certain nationalisme, le crédit qu’ils ne pensent pas le contraire de cela. Mais pour autant faut-il qu’ils aient eux-mêmes l’honnêteté de reconnaître que la défense de la Nation ainsi conçue et définie peut ne pas être un danger en soi, et qu’elle constitue même une nécessité politique, sauf à jouer avec le feu et à ce que nos responsables deviennent des apprentis sorciers.

La question étant ainsi posée il faut analyser la situation actuelle et la problématique posée par ceux qui entendent nous mettre en garde face aux replis nationalistes.
Quelle est la cause du réveil nationaliste auquel nous assistons en Europe ? Il s’agit d’un sentiment d’insécurité face à l’immigration et au danger que fait peser sur l’Europe le terrorisme islamiste, en même temps que l’échec évident à la fois de l’ONU et surtout de la construction européenne.

Ce serait une erreur politique majeure que de ne pas admettre le caractère naturel de cette réaction quelque puisse être par ailleurs l’utilisation qui en est faite par certains leaders politiques. En clair, les peuples réagissent face à un phénomène en faisant appel au cadre sécurisant le plus proche et le plus pertinent pour eux à savoir leur Nation. Il s’agit pour eux de se défendre face à ce qu’ils considèrent comme une menace extérieure. Nous n’entrerons pas ici dans le débat de savoir si la menace est réelle, mais il est légitime que des individus souhaitent être protégés au sein de l’entité politique dans laquelle ils ont reçu ce qui constitue leur identité et envisagent de transmettre leur héritage aux générations futures. Et à cet égard le fait de reconnaître l’existence des frontières d’une Nation n’est pas en soi un péché, ni une grossièreté historique ou politique. Ne vivons-nous pas dans des maisons qui nous protègent sans pour autant qu’elles nous isolent ? François-Xavier Bellamy le développe remarquablement dans son dernier livre "Demeure".

Nos peuples demandent la protection de leur Nation. Leurs leaders politiques répondent à cette sollicitation. L’instrumentalisation par ces derniers n’est pas exclue. Mais celle-ci ne serait qu’une conséquence de la demande légitime et de la nécessité impérieuse d’y apporter une réponse. Ne pas y répondre ne ferait qu’aggraver la situation d’insécurité actuelle et ouvrir la voie à des périls encore plus graves.

Ce phénomène est d’une nature totalement différente de ce qui se produisit à partir de 1870 comme de la crise de 1929. L’Europe n’est pas soumise à la double volonté hégémonique de deux puissances militaires importantes comme cela était le cas à l’époque. La montée des nationalismes fut le résultat à la fois de l’insécurité résultant du traité de Versailles, des bruits de bottes idéologiques en URSS et en Allemagne. 

Notre problème lié à l’immigration procède d’approches différenciées par rapport à l’immigration, à un défaut d’adhésion de certains peuples à la politique voulue par d’autres et d’un divorce entre les peuples et leurs dirigeants face aux conséquences de ce phénomène qu’ils lient à leur insécurité. Si le mot de « grand remplacement » est chargé d’arrières pensées et d’incompréhension, il souligne une réalité de plus en plus mal vécue à la base.

Le seul point commun entre notre époque et celle de l’entre-deux guerres mondiales est que l’insécurité de notre monde se stigmatise de manière naturelle dans les rapports entre les Nations. L’internationalisme a dans le passé fait la démonstration de son incapacité à éteindre les foyers bellicistes dans un contexte de tension historique. L’action politique doit consister à retrouver la voie de l’amitié entre les Nations. Ce n’est pas en les niant qu’on y parviendra. Ce n’est pas en les considérant comme une maladie que l’on soignera les peuples alors qu’ils sont malades d’autres maux que de leur attachement à leur Nation !





5 commentaires:

  1. Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.

    RépondreSupprimer
  2. Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.

    RépondreSupprimer
  3. Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.

    RépondreSupprimer
  4. Et pourquoi donc ? Il n'avait rien d'insultant, ni d'incorrect, et l'absentéisme des députés est un fait

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Cher Monsieur,
      il ne répondait simplement pas au thème du blog et n'apportait rien à la discussion abordée; c'est en tous les cas ainsi que je l'ai perçu et compris. Bien à vous

      Supprimer

Commentez cet article et choisissez "Nom/URL" ou Anonyme selon que vous souhaitez signer ou non votre commentaire.
Si vous choisissez de signer votre commentaire, choisissez Nom/URL. Seul le nom est un champ obligatoire.

Retrouvez mes anciens articles sur mon ancien blog