On me fait souvent le
reproche d’être pessimiste. Je m'en défends bien que m'attachant à décrire et analyser ce qui va mal plutôt que ce qui va bien; et il faut avouer que 'actualité me donne du grain à moudre!...
J’ai envie de répondre avec
Georges Bernanos que « le pessimisme
et l’optimisme ne sont que les deux aspects, l’envers et l’endroit, d’un même
mensonge » ou encore que « le
pessimiste et l’optimiste s’accordent à ne pas voir les choses telles qu’elles
sont. L’optimiste est un imbécile heureux. Le pessimiste un imbécile malheureux
».
Ne pas voir les choses
telles qu’elles sont… Déni et fuite du réel ? La critique développée par
notre grand écrivain est en réalité formulée beaucoup plus à l’adresse de l’optimisme
qu’il qualifie de « fausse espérance » que du pessimisme…
Notre époque se complaît dans
les impressions, le ressentiment, la subjectivité, le sentimentalisme. Ainsi
entendus l’optimisme et le pessimisme ne sont que des réactions subjectives,
souvent conditionnées, et des paris positifs et négatifs sur l’avenir.
Mais il y a aussi une forme
de pessimisme philosophique.
La question que le reproche
pose est alors celle de savoir si le fait d’analyser une situation et d’en
retenir les aspects négatifs pour ne s’intéresser qu’à eux, est une attitude dont
on doit se défendre parce qu’elle aurait pour conséquence de décourager notre entourage
voir de le pousser à la désespérance. Je ne le crois pas ; au contraire et
j’adhère alors à ce pessimisme là car il est vertueux.
Pourquoi ?
Avec
Gustave Thibon, je pense que « le
pessimiste conforme sa conduite à la prière du Sage qui demandait aux dieux ces
trois grâces : améliorer ce qui peut être amélioré, supporter ce qui ne peut
pas être amélioré et enfin – faveur suprême ! – savoir distinguer entre les
deux ». Et je ne partage pas la critique de Victor Hugo adressée au
pessimiste « Vous voyez l’ombre et moi je
contemple les astres. Chacun à sa façon de regarder la nuit » …
Ainsi entendu le pessimisme peut
être vertueux. Il s’agit d’un réalisme responsable, conscient que la nature
humaine n’est pas toujours bonne et que tout doit toujours être amélioré. Au
fond, s’il est intéressant de regarder ce qui va bien ou ce qui engendre du
bonheur, pour participer à l’entretien d’une forme de joie terrestre, il est
plus important et utile de s’arrêter sur ce qui ne va pas, de s’inquiéter et s’interroger
sur les raisons des dysfonctionnements sociaux, voire sur le mal dans la
société afin d’essayer de travailler à son éradication ou plus modestement à sa
réduction. Le pessimiste constate que le monde est mauvais ou absurde ; il en
souffre mais il cherche à en tirer du bien. Cette perfection qu’il ne trouve
pas dans le monde qui l’entoure et qu’il analyse, il la porte en lui pour en
souffrir comme l’on souffre du mal qui est absence de bien.
C’est la seule voie possible
pour l’espérance. Le présent doit être travaillé, humanisé, bonifié. Péguy l’a
merveilleusement écrit et mis en vers. L’homme ne vit pas comme on surfe sur
une vague. Il est un laboureur et un semeur. Un semeur d’amour dans le présent.
A cette fin, il n’y a pas de place pour l’optimisme béat.
Surtout que comme l’écrit
Céline : « tous les assassins
voient l’avenir en rose ; ça fait partie du métier » ! Et
que d’ailleurs comme le fait remarquer encore Gustave Thibon « tous les grands révolutionnaires du monde
moderne, Robespierre, Hitler, Staline, ont déliré d’optimisme : touches nous
ont promis un monde nouveau et régénéré. On connaît la suite… ». L’optimiste
est dangereux…
Le pessimiste est plus utile
et fécond que lui….
Alors j’assume
mon pessimisme et j’ai la faiblesse de penser que je suis un pessimiste utile
plutôt qu'un imbécile inutile, n’en déplaise à Bernanos qui écrivait lui-même d’ailleurs
que « l’espérance est une vertu, une détermination héroïque de
l’âme. La plus haute forme de l’espérance, c’est le désespoir surmonté. »….
C'est un enfoncement en règle d'une porte grande ouverte...
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