dimanche 13 janvier 2019

SAVOIR S'EMERVEILLER COMME UN ENFANT


Les hommes sont compliqués, désespérés et désespérants. Ce soir, j’ai envie de retrouver mon âme d’enfant. Oui, une âme de tout petit pour m’émerveiller de choses simples, sans me poser de questions, sans tenter de répondre à des interrogations. Ouvrir mes yeux, mon cœur, mon esprit, mon âme sans retenue, face à la vie. M’émerveiller!




M'émerveiller alors qu'il y encore eu un drame à Paris. Et les médias nous montrent et nous font entendre toutes ces personnes éplorées, tristes, effondrées, frappées par le malheur. Il ne s’agit pas de refuser la compassion. Mais, que nous apporte cette surinformation permanente sur tous les faits divers de la création, sur les peines des uns et des autres. Et tout cela va passer en boucle, comme la dernière manifestation de nos gilets jaunes, avec les débats sans fin de spécialistes qui savent soi-disant le sens et la cause des événements alors qu’ils n’ont rien vu venir et que personne ne sait de quoi demain sera fait. Les faux Oracles d’hier sont présentés comme ceux de demain, malgré leurs « fake previsions ». Comme les économistes à propos des crises qu’ils ne savent analyser qu’a posteriori… La seule certitude est que, comme dans le passé, rien ne se passera comme ils l’avaient prédit. À quoi bon tout ce tapage?
Le monde officiel nous renvoie une image morbide, négative, triste, désespérée de la vie, de son évolution, de l’humanité, de la terre. On nous rebat les oreilles avec de mauvaises nouvelles, avec des accidents, avec des crimes, avec des revendications, avec des analyses noires, incompétentes. Tout va mal. Tout ira mal. Tout est négatif.

Les gens se tuent, se battent, se droguent, boivent, fument, sont malades, se séparent, martyrisent leurs enfants, leurs épouses, leurs conjointes ; ils détruisent la planète. Où sont les belles et bonnes nouvelles ? Que fait-on du miracle permanent de la vie ?

En même temps, on nous fait vivre dans un paradoxe pernicieux. Car malgré ce contexte délétère, ces mauvaises nouvelles, ces drames, malgré le prochain anéantissement de la planète, on nous invite à garder le cap sur la quête de bonheur matériel, de confort, de plaisir. Car nous vivons dans la civilisation du progrès et du bien-être ! Qu’on se le dise ! Étourdissons-nous dans le plaisir, la consommation, dans le bruit des médias ! Et après les infos, place aux pubs ! Sauf que, comme l’écrit Chesterton « je maintiens que la rage avec laquelle le monde poursuit le plaisir prouve qu’il en est privé… » !

Il y en a assez. Assez de cette médiatisation de tout et de rien, de ce vacarme, ce bruit organisé pour nous étourdir, nous assiéger, nous entretenir dans une spirale infernale, négative de conditionnement et de soumission à ce qu’il y a de moins humain dans nos désirs et nos besoins ; pour nous faire oublier. Nous faire oublier quoi ? L’essentiel peut-être…

Nous avons besoin de lumière, de la lumière de l’émerveillement ; la lumière perceptible que si nos yeux, nos oreilles, nos esprits et nos cœurs ne sont pas occupés à regarder l’éphémère qui occulte l’essentiel, qui encombre notre for intérieur. Une lumière dont la source n’est accessible que si on a un regard d’enfant.

Le vacarme et/ou la lumière. 

Il y a deux manières de voir la vie… A n’en pas douter celle qui tend à occulter la lumière en ne dirigeant son focus que sur ce qui est sombre, sur ce qui attriste, sur ce qui démoralise et démobilise cherche en réalité, au moyen d’une conception faussement réaliste parce que son réalisme n’est qu’idéalisme, à éluder tout ce qui relève de l’esprit, des fameuses forces de l’esprit, de la force de l’esprit. Chesterton : « Supprimez le surnaturel, il ne reste que ce qui n’est pas naturel » ! (Pour la petite histoire, et je vous assure que c’est vrai, mon logiciel de reconnaissance vocale n’a jamais voulu reconnaître cette citation et la transcrire dans le texte, même pas de texte différent, le « blanc total » !... comme si le progrés technologique et l’intelligence artificielle étaient allergiques au surnaturel!)

Bon sang, que la vie est belle ! J’ai quelques scrupules à écrire cela et pourtant… c’est beau la vie. Quel don ! Quel cadeau ! Qu’en faisons-nous ? Ne faudrait-il pas de temps en temps nous débarrasser de toutes les scories, nous poser, retrouver notre âme d’enfant et notre capacité de nous émerveiller ? Regardons cette rose, ce passereau, ce chêne, ce coucher de soleil -ce soir à St Raphaël il était magnifique comme depuis plusieurs jours….- le Cervin, la mer, les calanques de Piana, l’eau de cette rivière qui s’écoule, cechamois perché sur son rocher, l’ange de la cathédrale de Reims, les jardins du château de Versailles, la Vierge au chardonneret de Raphaël  ou la Marie-Madeleine de Donatello ; écoutons une chanson de Brel, de Brassens, le concerto pour flûte et harpe de Mozart, une sonate de Beethoven ou l’adagio d’Albinoni ; bref tout ce qui n’est pas compliqué, qui ne torture pas l’esprit, qui nous saute aux yeux, aux oreilles, aux sens, au cœur sans avoir besoin de nous interroger et de chercher à comprendre. À cet égard, je persiste à dire et à penser que l’art contemporain est une conspiration contre l’émerveillement, contre la vie, contre la beauté. La beauté s’impose d’évidence. Elle est lumière, comme Dieu. Cette conspiration cherche à nous cacher l’essentiel. Les conspirateurs sont complices, dans ce monde négatif, laid, triste, désespéré démobilisant.

Tout est lié, je ne citerai pas une nouvelle fois l’histoire de la petite fille blonde de Chesterton (en note pour ceux qui veulent la relire, on ne s’en lasse pas…)[i] mais, du même, cet homme aux multiples aphorismes, celui dont Philippe Maxence a pu dire que pour le comprendre il fallait adhérer au réenchantement du monde:
« Je resterai assis sans bouger, et laisserai venir à moi les merveilles et les aventures. Il y en a beaucoup, je vous l’assure. Le monde n’en manquera jamais ; c’est seulement d’émerveillement qu’il pourrait manquer ».

La voie de l’émerveillement passe par la nécessaire renaissance de notre âme dans celle d’un enfant. N’est-ce pas le Christ qui a dit « si vous ne devenez pas comme des petits enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux » ? Et Bernanos 20 siècles plus tard nous a expliqué que « c’est du sentiment de sa propre impuissance que l’enfant tire humblement le principe même de sa joie ».

Je vous invite en conclusion à lire l’excellent papier sur Chesterton de Laurent Dandrieu dans le dernier Valeurs actuelles « C’est l’esprit d’enfance qui détient les clés de la lumière ». « Les contes de fées nous apprennent que le monde est magique, que ce qui est n’existe que par grâce et pourrait tout aussi bien ne pas être, mais que cette magie repose sur une condition : en respecter les limites, ses limites qui hérissent dans les modernes et qu’il faut au contraire apprendre à chérir » … L’émerveillement est certainement une école de la vie, pourquoi pas une philosophie de la vie, dont nous avons bien besoin dans ce monde de brutes, de manichéens, d’idéologues et de fossoyeurs !

Semper idem !...







[i] Dans l'Angleterre victorienne, une loi obligeait à couper les cheveux des petites filles pauvres, à cause des poux…
Je pars des cheveux d'une petite fille. Ca, je sais que c'est bon dans l'absolu. Si d'autres choses sont contraires à cela, qu'elles disparaissent. Si les propriétaires, les lois et les sciences sont contre cela, que les propriétaires, les lois et les sciences disparaissent. Avec la chevelure rousse d'une gamine des rues, mettons le feu à toute la civilisation moderne. Puisqu'une fille doit avoir les cheveux longs, il faut qu'elle les ait propres; puisqu'elles doit avoir les cheveux propres, il ne faut pas qu'elle ait une maison sale; il faut que sa mère soit libre et qu'elle ait des loisirs; puisque sa mère doit être libre, il ne faut pas qu'elle ait un propriétaire usurier; puisqu'elle ne doit pas avoir un propriétaire usurier, il faut redistribuer la propriété; puisqu'il faut redistribuer la propriété, nous ferons une révolution…
On ne lui coupera pas les cheveux comme à un forçat. Non, tous les royaumes de la Terre seront retaillés et découpés à sa mesure. Les vents du monde seront calmés pour cet agneau, qui ne sera pas tondu. Toutes les couronnes qui ne vont pas à sa tête seront brisées… Elle est l'image sacrée de l'humanité. Tout autour d'elle l'usine sociale doit s'incliner, se briser et s'effondrer; les colonnes de la société s'écrouleront, mais pas un cheveu de sa tête ne sera touché.


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