Les hommes sont compliqués, désespérés et désespérants. Ce soir, j’ai envie de retrouver mon âme d’enfant.
Oui, une âme de tout petit pour m’émerveiller de choses simples, sans me poser
de questions, sans tenter de répondre à des interrogations. Ouvrir mes yeux,
mon cœur, mon esprit, mon âme sans retenue, face à la vie. M’émerveiller!
M'émerveiller alors qu'il y encore eu un drame à
Paris. Et les médias nous montrent et nous font entendre toutes ces
personnes éplorées, tristes, effondrées, frappées par le malheur. Il ne s’agit
pas de refuser la compassion. Mais, que nous apporte cette surinformation
permanente sur tous les faits divers de la création, sur les peines des uns et
des autres. Et tout cela va passer en boucle, comme la dernière manifestation
de nos gilets jaunes, avec les débats sans fin de spécialistes qui savent
soi-disant le sens et la cause des événements alors qu’ils n’ont rien vu venir
et que personne ne sait de quoi demain sera fait. Les faux Oracles d’hier sont présentés
comme ceux de demain, malgré leurs « fake previsions ». Comme les
économistes à propos des crises qu’ils ne savent analyser qu’a posteriori… La
seule certitude est que, comme dans le passé, rien ne se passera comme ils l’avaient
prédit. À quoi bon tout ce tapage?
Le monde officiel nous
renvoie une image morbide, négative, triste, désespérée de la vie, de son
évolution, de l’humanité, de la terre. On nous rebat les oreilles avec de
mauvaises nouvelles, avec des accidents, avec des crimes, avec des
revendications, avec des analyses noires, incompétentes. Tout va mal. Tout ira
mal. Tout est négatif.
Les gens se tuent, se
battent, se droguent, boivent, fument, sont malades, se séparent, martyrisent
leurs enfants, leurs épouses, leurs conjointes ; ils détruisent la planète.
Où sont les belles et bonnes nouvelles ? Que fait-on du miracle permanent de la
vie ?
En même temps, on nous fait
vivre dans un paradoxe pernicieux. Car malgré ce contexte délétère, ces
mauvaises nouvelles, ces drames, malgré le prochain anéantissement de la
planète, on nous invite à garder le cap sur la quête de bonheur matériel, de
confort, de plaisir. Car nous vivons dans la civilisation du progrès et du
bien-être ! Qu’on se le dise ! Étourdissons-nous dans le plaisir, la
consommation, dans le bruit des médias ! Et après les infos, place aux pubs ! Sauf que, comme l’écrit Chesterton « je maintiens que la rage avec laquelle le
monde poursuit le plaisir prouve qu’il en est privé… » !
Il y en a assez. Assez de
cette médiatisation de tout et de rien, de ce vacarme, ce bruit organisé pour
nous étourdir, nous assiéger, nous entretenir dans une spirale infernale,
négative de conditionnement et de soumission à ce qu’il y a de moins humain
dans nos désirs et nos besoins ; pour nous faire oublier. Nous faire
oublier quoi ? L’essentiel peut-être…
Nous avons besoin de lumière,
de la lumière de l’émerveillement ; la lumière perceptible que si nos
yeux, nos oreilles, nos esprits et nos cœurs ne sont pas occupés à regarder l’éphémère
qui occulte l’essentiel, qui encombre notre for intérieur. Une lumière dont la
source n’est accessible que si on a un regard d’enfant.
Le vacarme et/ou la lumière.
Il
y a deux manières de voir la vie… A n’en pas douter celle qui tend à occulter
la lumière en ne dirigeant son focus que sur ce qui est sombre, sur ce qui
attriste, sur ce qui démoralise et démobilise cherche en réalité, au moyen d’une
conception faussement réaliste parce que son réalisme n’est qu’idéalisme, à
éluder tout ce qui relève de l’esprit, des fameuses forces de l’esprit, de la
force de l’esprit. Chesterton : « Supprimez
le surnaturel, il ne reste que ce qui n’est pas naturel » ! (Pour
la petite histoire, et je vous assure que c’est vrai, mon logiciel de
reconnaissance vocale n’a jamais voulu reconnaître cette citation et la
transcrire dans le texte, même pas de texte différent, le « blanc total » !...
comme si le progrés technologique et l’intelligence artificielle étaient
allergiques au surnaturel!)
Bon sang, que la vie est
belle ! J’ai quelques scrupules à écrire cela et pourtant… c’est beau la vie.
Quel don ! Quel cadeau ! Qu’en faisons-nous ? Ne faudrait-il pas de temps en
temps nous débarrasser de toutes les scories, nous poser, retrouver notre âme d’enfant
et notre capacité de nous émerveiller ? Regardons cette rose, ce passereau, ce chêne, ce coucher de soleil -ce soir à St Raphaël il était magnifique comme
depuis plusieurs jours….- le Cervin, la mer, les calanques de Piana, l’eau de cette rivière qui s’écoule, cechamois perché sur son rocher, l’ange de la cathédrale
de Reims, les jardins du château de Versailles, la Vierge au chardonneret de Raphaël ou la Marie-Madeleine de Donatello ; écoutons une chanson de Brel, de Brassens, le concerto pour flûte et harpe de Mozart,
une sonate de Beethoven ou l’adagio d’Albinoni ; bref tout ce qui n’est pas
compliqué, qui ne torture pas l’esprit, qui nous saute aux yeux, aux oreilles,
aux sens, au cœur sans avoir besoin de nous interroger et de chercher à
comprendre. À cet égard, je persiste à dire et à penser que l’art contemporain
est une conspiration contre l’émerveillement, contre la vie, contre la beauté.
La beauté s’impose d’évidence. Elle est lumière, comme Dieu. Cette conspiration
cherche à nous cacher l’essentiel. Les conspirateurs sont complices, dans ce
monde négatif, laid, triste, désespéré démobilisant.
Tout est lié, je ne citerai
pas une nouvelle fois l’histoire de la petite fille blonde de Chesterton (en
note pour ceux qui veulent la relire, on ne s’en lasse pas…)[i]
mais, du même, cet homme aux multiples aphorismes, celui dont Philippe Maxence
a pu dire que pour le comprendre il fallait adhérer au réenchantement du monde:
« Je resterai assis sans bouger, et laisserai venir à moi les merveilles
et les aventures. Il y en a beaucoup, je vous l’assure. Le monde n’en manquera
jamais ; c’est seulement d’émerveillement qu’il pourrait manquer ».
La voie de l’émerveillement passe
par la nécessaire renaissance de notre âme dans celle d’un enfant. N’est-ce pas
le Christ qui a dit « si vous ne devenez
pas comme des petits enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux
» ? Et Bernanos 20 siècles plus tard nous a expliqué que « c’est du sentiment de sa propre impuissance
que l’enfant tire humblement le principe même de sa joie ».
Je vous invite en conclusion
à lire l’excellent papier sur Chesterton de Laurent Dandrieu dans le dernier
Valeurs actuelles « C’est l’esprit d’enfance
qui détient les clés de la lumière ». « Les contes de fées nous apprennent que le monde est magique, que ce qui
est n’existe que par grâce et pourrait tout aussi bien ne pas être, mais que
cette magie repose sur une condition : en respecter les limites, ses limites
qui hérissent dans les modernes et qu’il faut au contraire apprendre à chérir
» … L’émerveillement est certainement une école de la vie, pourquoi pas une
philosophie de la vie, dont nous avons bien besoin dans ce monde de brutes, de
manichéens, d’idéologues et de fossoyeurs !
Semper idem !...
[i]
Dans l'Angleterre victorienne, une
loi obligeait à couper les cheveux des petites filles pauvres, à cause des
poux…
Je pars des cheveux d'une petite
fille. Ca, je sais que c'est bon dans l'absolu. Si d'autres choses sont
contraires à cela, qu'elles disparaissent. Si les propriétaires, les lois et
les sciences sont contre cela, que les propriétaires, les lois et les sciences
disparaissent. Avec la chevelure rousse d'une gamine des rues, mettons le feu à
toute la civilisation moderne. Puisqu'une fille doit avoir les cheveux longs,
il faut qu'elle les ait propres; puisqu'elles doit avoir les cheveux propres,
il ne faut pas qu'elle ait une maison sale; il faut que sa mère soit libre et
qu'elle ait des loisirs; puisque sa mère doit être libre, il ne faut pas
qu'elle ait un propriétaire usurier; puisqu'elle ne doit pas avoir un
propriétaire usurier, il faut redistribuer la propriété; puisqu'il faut
redistribuer la propriété, nous ferons une révolution…
On ne lui coupera pas les
cheveux comme à un forçat. Non, tous les royaumes de la Terre seront retaillés
et découpés à sa mesure. Les vents du monde seront calmés pour cet agneau, qui
ne sera pas tondu. Toutes les couronnes qui ne vont pas à sa tête seront
brisées… Elle est l'image sacrée de l'humanité. Tout autour d'elle l'usine
sociale doit s'incliner, se briser et s'effondrer; les colonnes de la société
s'écrouleront, mais pas un cheveu de sa tête ne sera touché.
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