lundi 7 janvier 2019

VERITE, DIGNITE, ESPOIR: MES "CONTRE-VOEUX MACRONIENS" POUR 2019

Les trois vœux de vérité, de dignité et d’espoir du Président de la République avaient de quoi séduire, sauf que le contenu ne peut ni emporter l'adhésion ni susciter l'enthousiasme attendu. Si je pense comme lui que l’un de nos principaux défis est de « remettre l’homme au cœur de ce projet contemporain », je ne partage pas le sens qu'il donne à la vérité, la dignité et l’espoir !



Le vœu de vérité.

Le Président s’est exprimé en ces termes :

« Ce vœu de vérité, c’est au fond un vœu pour tous d’écoute, de dialogue, d’humilité. Il n’y a pas une vérité et je crois même que chacun d’entre nous commence à se fourvoyer dans l’erreur quand nous affirmons les choses sans dialoguer, sans les confronter au réel ou aux arguments des autres. Alors débattons, car de là peut naître une action utile et qui nous unit. »
Oui l’humilité, dans la recherche de la vérité ; mais la vérité ne peut être qu’une et indivisible sauf à nous interdire de penser, d’échanger et de dialoguer. Car admettre qu’il n’y aurait pas qu’une vérité nous conduirait à l’impasse…. Précisément l’impasse libérale. Reconnaître qu’il y a une vérité ne signifie pas qu’on prétend la détenir, et faire vœu d’intolérance comme on le pense trop souvent. C’est admettre avec humilité que la vérité existe et que rien de bon ne peut se faire si on n’essaie pas de l’atteindre et de la mettre en œuvre. Le « A chacun sa vérité » avec lequel nous nous débarrassons lâchement du problème est une impasse intellectuelle et philosophique. La négation de l’existence d’une seule vérité interdit tout progrès. Comment soutenir que la vérité puisse être multiple ? Elle est ou elle n’est pas. Si elle est, elle exclue ce qui est faux. 
La négation de l'unicité de la vérité obligerait à se taire comme Héraclite…. La recherche de la vérité requiert un minimum d’objectivité et de sens critique. Elle ne se réduit pas au seul dialogue, elle ne s’en suffit pas ; elle passe par lui en même temps que par la raison pour la rechercher…. 

Alors oui vœu de vérité, mais de cette vérité qui faisait dire à Bernanos « Le scandale n'est pas de dire la vérité, c'est de ne pas la dire tout entière, d'y introduire un mensonge par omission qui la laisse intacte au dehors, mais lui ronge, ainsi qu'un cancer, le cœur et les entrailles »; vœu de la poursuite d’une vérité qui ne tolère pas le mensonge sur l’ordre humain et l’ordre social, vœu de la recherche humble et inlassable de la vérité sur cet homme que notre Président déclare vouloir mettre au cœur de son projet…

Le vœu de dignité.

Extrait du discours du Président :

« Notre dignité de citoyen exige que chacun se sente pleinement acteur de la vie de la Nation, de ses grandes décisions, à travers ses représentants ou directement. Nous devons, grâce au débat qui a commencé, redonner toute sa vitalité à notre démocratie. J’aurai sur ce sujet des décisions à prendre car d’évidence, nos institutions doivent continuer à évoluer. »
Qu’est-ce que la dignité ? La dignité du citoyen ?

Elle est difficile à définir, le mot dignitas nous renvoie tantôt au respect que mérite une personne humaine, tantôt au respect dû à soi-même. Parfois, c’est de l’honneur qu’il s’agit. Mais l’honneur, comme le fait remarquer Simone Weil, est « ce besoin vital de l’âme humaine » qui n’est pas comblé par le respect, car celui-ci est « identique pour tous et immuable » tandis que « l’honneur a rapport à un être humain considéré non pas simplement comme tel mais dans son entourage social. »

Il y a deux conceptions de la dignité source de droits. L’une de la personne, corps et âme, cherchant l’accomplissement intégral de l’humain, d’un être vivant, social, culturel et spirituel. L’autre désincarnée dissociant le corps et l’esprit, le second prenant le dessus sur le premier, et débouchant sur le relativisme, la primauté de la volonté, l’entretien de la rivalité sociale entre des individus inégaux, conception pour laquelle « l’homme est un loup pour l’homme ». Seule la première donne tout son sens à la dignité de l’homme et du citoyen et permet d’assurer pleinement et en vérité la liberté, l’égalité et la fraternité. La seconde conduit tôt ou tard à l'affrontement....

Citons Chantal Delsol : "Je crois que ce qui nous caractérise en tant que civilisation occidentale, c'est d'abord notre attachement non-négociable à la dignité de l'homme, le statut de l'homme en tant qu'être sacré, parce qu'au départ nous le croyons créé à l'image et à la ressemblance de Dieu". L'homme être sacré par lui-même, dont la dignité est inamissible, quoi qu'il ait pu faire...

La déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 inspirée par certains catholiques comme Jacques Maritain stipule dans son article 1 : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité ».

L'Église catholique affirme dans le Compendium de la doctrine sociale de l'Église, que « cette dignité, co-naturelle à la vie humaine et égale dans chaque personne, se perçoit et se comprend avant tout par la raison » et Saint Paul d'écrire « Je vous exhorte donc, moi, le prisonnier du Seigneur, à marcher d'une manière digne de votre vocation » (Ep 4, 1).

Nous sommes loin, très loin…, d’une réduction de la dignité à la participation aux décisions sur un plan institutionnel, à la démocratie... ou à je ne sais quel bricolage institutionnel (cf mon précédent billet). Les vœux de notre Président sont réducteurs et insuffisants, ils s’inscrivent dans la logique inégalitaire et conflictuelle du relativisme libéral, et sont prisonniers de la définition démocratique et républicaine de « l’homme-citoyen » par la doxa de nos dirigeants.

Or l’un des moteurs de la révolte qui gronde en France procède d’un défaut de reconnaissance de la dignité profonde, morale, éthique – civique- de nos concitoyens, d’un rejet de cette doxa. Ceux-ci ne se sentent plus reconnus et respectés comme des membres de leur Nation ; les gilets jaunes n'ont-ils pas ostensiblement brandi des drapeaux tricolores et chanté la marseillaise? Le respect de leur dignité ne se ramène pas à la seule question de leur rémunération ou de leur pouvoir institutionnel et démocratique; leurs revendications ne sont que des cris qu’il faut savoir interpréter, pour  y constater un mal-être, et une atteinte à leur dignité.

Alors oui au vœu de dignité, mais en vérité…

Vœu d’espoir enfin.

Le président s’est ainsi exprimé :

« Je crois que nous avons en nous une énergie salutaire si nous savons retrouver confiance en nous-mêmes et entre nous. Je crois que la France porte en elle un projet inédit : un projet d’éducation de chacun, une culture forte qui nous unit, un projet de construction d’une écologie industrielle, d’une société aux solidarités nouvelles et au service des personnes. »
Nous avons besoin d’un dessein qui nourrisse non pas seulement l’espoir mais notre espérance. Quel est le dessein proposé par E. Macron ? Celui du carcan européen-bruxellois dans lequel dans les Etats européens enferment tous nos projets de société. L’éducation, la culture, l’écologie, les solidarités ne sont conçues qu’à l’aune des traités de l’Union qui depuis quarante ans n’ont su que les éteindre à petit feu….

Il n’est rien sorti de grand de cette construction technocratique. Les seuls projets économiques sérieux et prospères furent conçus en dehors de ce carcan, dans le cadre d’une coopération des Nations, comme Arianne ou Airbus. Depuis nous n’avons connu que la paralysie des réglementations réductrices…Il n’y a pas de réelle coopération européenne. Il n’y a que des additions, souvent des soustractions, pas de multiplications des synergies….

Dans sa conception actuelle l’Europe ne peut pas être source d’espoir pour nos peuples. Elle ne peut nourrir que les craintes et les revendications…

Le seul vœu d’espoir qui vaille est celui de retrouver des Nations libres et indépendantes qui coopèrent de manière constructive à l’élaboration de projets concrets et pragmatiques dans un cadre totalement rénové. Car la coopération est indispensable. Telle serait la voie d’un dessein national ouvert et européen.

Voilà le sens que je donnerai aux vœux de vérité, de dignité et l’espoir, en forme de « contre-vœux » macroniens au service de l’homme et du bien commun de notre Nation en ce début d’année 2019 !

Belle et bonne année à tous !

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