L’amour est le thème le plus abordé dans les fables de Jean de LA FONTAINE.
Comme le souligne Paul FONTIMPE dans son DICTIONNAIRE
JEAN DE LA FONTAINE il ne met pas en scène les passions dévorantes et
dévastatrices de Corneille, Racine et à un degré moindre de Molière. Il fut plus
proche du quotidien et du banal, sans doute lié par sa vie amoureuse
désordonnée, épicurienne, en marge de l’ordre moral de son époque bien qu’il ne
fût pas le seul dans son cas… Il nous offre des fables, et des morales, toutes de
sagesse naturelle, pensées au scalpel, mêlant sarcasmes, railleries et paradoxes comme à son habitude.
Jean de LA FONTAINE qui sait manifestement de quoi il
parle, même si son mariage ne fut pas une réussite, et peut-être à cause de cela..., analyse avec lucidité le sentiment
amoureux à la lumière de son expérience. Ce sentiment qui nous emporte tous sans exception, nous
transporte et que nous devons maitriser même s’il nous réjouit le cœur, au
risque d’être éphémère, de nous combler ou de nous décevoir. Tristesse et joie de l’amour !
C’est là qu’il nous donne rendez-vous…
S’il n’alla pas au-delà, force est d’admettre qu’il nous
fournit une grille de lecture d’une grande richesse.
Voici tout d’abord, dans LE LION AMOUREUX[i],
un cri d’alarme :
« Amour, amour quand tu nous tiens
On peut dire adieu Prudence ».
N’est-il pas vrai ? N’avons-nous pas tous tendance
ou eu tendance à l’oublier ?
Un amour qui peut devenir le terrain de rivalités très égoïstes,
jalouses, très humaines et susceptibles de se retourner contre celui qui les
provoque ou croit en avoir triomphé. Ainsi dans LES DEUX COQS[ii] :
« Tout vainqueur insolent à sa perte
travaille ».
Rivalité et amour sont si souvent liées pour qui ne
cherche pas à purifier le sentiment. N’est-ce pas ce que notre guide apologue
nous montre en creux dans ce combat de coqs ?
Et encore ce cruel diagnostic dans LE MARI, LA FEMME ET
LE VOLEUR[iii] :
« Que la plus forte passion
C’est la peur ; elle fait vaincre l’aversion.
Et l’amour quelquefois ; quelquefois il
la dompte. »
Comme souvent, la fable semble rejoindre la caricature…
Mais qui peut dire qu’il n’y a pas une parcelle de vérité dans le rôle de la
peur chez qui aime ou croit aimer ? L’amour n’est-il pas un « lieu »
dans lequel on peut avoir tendance à abuser de cette loi trop humaine ainsi
mise en exergue ? Les amoureux peuvent être de grands manipulateurs….
Et ailleurs, dans L’AMOUR ET LA FOLIE[iv] ne
force-t-il pas encore le trait :
« Tout est mystère dans l’amour. »
Oui, mais où veut-il en venir dans cette fable qui
ne met aucun animal en scène, l’auteur faisant le choix de métamorphoser en
personnages un sentiment et une maladie du caractère et de l’âme ?
Après la peur, c’est le tour de la folie de se retrouver
mise en avant en raison de son rôle unique et particulier dans le vécu du
sentiment amoureux…
La folie qui ayant crevé les yeux de l’amour il la condamne à lui servir de guide... telle est sa morale formulée avec sa
raillerie coutumière pour percer le mystère évoqué en tête de la fable dans cette action « qui n’est pas l’ouvrage d’un jour » :
« Le résultat enfin de la suprême Cour
Fut de condamner la folie
A servir de guide à l’amour ».
Paradoxe ? Oui bien sûr ! Nous savons que notre
ami nous guide avec son génie des paradoxes… Celui-ci en est plein de
lucidité et d’humilité !!!! Désabusé? N’a-t-il pas connu de nombreuses fois l’emprise de cette folie ?
Ne la connaissons-nous pas ? Le paradoxe est-il une
invitation à admettre qu’aimer est une folie ? Folie d’aimer ? L’amour
de NSJC ne fut-il pas lui aussi folie à vue humaine ? Oui l’amour est
folie….Jean l’a touché de près.
Et dans POUR MONSEIGNEUR LE DUC DU MAINE[v] il
nous fournit une clé, très philosophique pour le coup…:
« L’amour avait raison : de quoi ne
vient à bout
L’esprit joint au désir de plaire ? »
Du rôle de la raison guide de l’esprit ! Car s’il
est fou d’aimer, l’esprit conduit la « manœuvre » y compris dans la
séduction qui est le préliminaire de la naissance du sentiment amoureux et de la
folie d’aimer.
D’ailleurs chassez le naturel … il revient au galop
dans LES DEUX PIGEONS [vi]:
« Amants,
heureux amants, voulez-vous voyager ?
Que ce soit aux rives prochaines ;
Soyez-vous l'un à
l'autre un monde toujours beau,
Toujours divers, toujours nouveau ;
Tenez-vous lieu de
tout, comptez pour rien le reste.
J'ai quelquefois aimé
: je n'aurais pas alors
Contre le Louvre et ses trésors,
Contre le firmament
et sa voûte céleste,
Changé les bois, changé les lieux
Honorés par les pas,
éclairés par les yeux
De l'aimable et jeune bergère
Pour qui, sous le fils de Cythère,
Je servis, engagé par
mes premiers serments.
Hélas ! Quand
reviendront de semblables moments ?
Faut-il que tant
d'objets si doux et si charmants
Me laissent vivre au
gré de mon âme inquiète ?
Ah ! si mon cœur osait encor se renflammer !
Ne sentirai-je plus
de charme qui m'arrête ?
Ai-je passé le temps d'aimer ? »
Faut-il voir dans ces vers le fait que « l’amour et la liberté se confondent dans la plus haute des voluptés » comme l’écrit Vincent Roy dans L’HUMANITE DIMANCHE consacré à notre poète ? Ou plutôt la nostalgie du vieil homme qui ne se croit plus capable d’éprouver ce sentiment qui avec son cortège d’imprudence, de passion, de faiblesse, de concupiscence et de raison nous fait vivre au-delà de nos limites et flirter avec la folie ? Sa nostalgie n'ouvre-t-elle pas en même temps les portes de la sagesse?
Je ne crois pas que tout libertin qu’il fut, et qu’il ne cessa d’être sauf dans ses toutes dernières années, le LA FONTAINE des fables ait voulu chanter l’amour libre et exalter le libertinage qu'il pratiqua…. A travers l’héritage des fables des anciens il a tiré de sa toujours exigeante observation le sens aigu de l’amour, de sa fragilité et du risque qu’il y a justement à l’affranchir de toute loi….. ainsi qu’il l’avouera dans sa conversion finale et dans son abjuration de ses seuls contes….
[i] LE LION
AMOUREUX
A
Mademoiselle de Sévigné
Sévigné, de qui les attraits
Servent aux Grâces de modèle,
Et qui naquîtes toute belle,
A votre indifférence près,
Pourriez-vous être favorable
Aux jeux innocents d'une fable,
Et voir, sans vous épouvanter,
Un lion qu'Amour sut dompter ?
Amour est un étrange maître.
Heureux qui peut ne le connaître
Que par récit, lui ni ses coups !
Quand on en parle devant vous,
Si la vérité vous offense,
La fable au moins se peut souffrir:
Celle-ci prend bien l'assurance
De venir à vos pieds s'offrir,
Par zèle et par reconnaissance.
Du temps que les bêtes parlaient,
Les lions, entre autres, voulaient
Être admis dans notre alliance.
Pourquoi non ? Puisque leur engeance
Valait la nôtre en ce temps-là,
Ayant courage, intelligence,
Et belle hure outre cela.
Voici comment il en alla.
Un lion de haut parentage
En passant par un certain pré,
Rencontra bergère à son gré :
Il la demande en mariage.
Le père aurait fort souhaité
Quelque gendre un peu moins terrible.
La donner lui semblait bien dur;
La refuser n'était pas sûr;
Même un refus eût fait possible,
Qu'on eût vu quelque beau matin
Un mariage clandestin ;
Car outre qu'en toute matière
La belle était pour les gens fiers,
Fille se coiffe volontiers
D'amoureux à longue crinière.
Le père donc, ouvertement
N'osant renvoyer notre amant,
Lui dit :" Ma fille est délicate;
Vos griffes la pourront blesser
Quand vous voudrez la caresser.
Permettez donc qu'à chaque patte
On vous les rogne, et pour les dents,
Qu'on vous les lime en même temps.
Vos baisers en seront moins rudes,
Et pour vous plus délicieux ;
Car ma fille y répondra mieux,
Etant sans ces inquiétudes."
Le lion consent à cela,
Tant son âme était aveuglée !
Sans dents ni griffes le voilà,
Comme place démantelée.
On lâcha sur lui quelques chiens :
Il fit fort peu de résistance.
Amour, amour, quand tu nous tiens,
On peut bien dire : " Adieu prudence!"
[ii] LES
DEUX COQS
Deux Coqs vivaient en paix ; une Poule survint,
Et voilà la guerre allumée.
Amour, tu perdis Troie ; et c'est de toi que vint
Cette querelle envenimée,
Où du sang des Dieux même on vit le Xanthe teint.
Longtemps entre nos Coqs le combat se maintint :
Le bruit s'en répandit par tout le voisinage.
La gent qui porte crête au spectacle accourut.
Plus d'une Hélène au beau plumage
Fut le prix du vainqueur ; le vaincu disparut.
Il alla se cacher au fond de sa retraite,
Pleura sa gloire et ses amours,
Ses amours qu'un rival tout fier de sa défaite
Possédait à ses yeux. Il voyait tous les jours
Cet objet rallumer sa haine et son courage.
Il aiguisait son bec, battait l'air et ses flancs,
Et s'exerçant contre les vents
S'armait d'une jalouse rage.
Il n'en eut pas besoin. Son vainqueur sur les toits
S'alla percher, et chanter sa victoire.
Un Vautour entendit sa voix :
Adieu les amours et la gloire.
Tout cet orgueil périt sous l'ongle du Vautour.
Enfin par un fatal retour
Son rival autour de la Poule
S'en revint faire le coquet :
Je laisse à penser quel caquet,
Car il eut des femmes en foule.
La Fortune se plaît à faire de ces coups ;
Tout vainqueur insolent à sa perte travaille.
Défions-nous du sort, et prenons garde à nous
Après le gain d'une bataille.
[iii] LE
MARI, LA FEMME, ET LE VOLEUR
Un
Mari fort amoureux,
Fort amoureux de sa Femme,
Bien qu'il fût jouissant, se croyait malheureux.
Jamais
œillade de la Dame,
Propos
flatteur et gracieux,
Mot
d'amitié, ni doux sourire,
Déifiant le pauvre Sire,
N'avaient fait soupçonner qu'il fût vraiment chéri.
Je le crois, c'était un mari.
Il ne
tint point à l'hyménée
Que
content de sa destinée
Il n'en
remerciât les Dieux ;
Mais
quoi ? Si l'amour n'assaisonne
Les
plaisirs que l'hymen nous donne,
Je ne
vois pas qu'on en soit mieux.
Notre épouse étant donc de la sorte bâtie,
Et n'ayant caressé son Mari de sa vie,
Il en faisait sa plainte une nuit. Un Voleur
Interrompit la doléance.
La
pauvre femme eut si grand'peur
Qu'elle
chercha quelque assurance
Entre
les bras de son Époux.
Ami Voleur, dit-il, sans toi ce bien si doux
Me serait inconnu. Prends donc en récompense
Tout ce qui peut chez nous être à ta bienséance ;
Prends le logis aussi. Les voleurs ne sont pas
Gens
honteux, ni fort délicats :
Celui-ci fit sa main. J'infère de ce conte
Que la
plus forte passion
C'est la peur : elle fait vaincre l'aversion,
Et l'amour quelquefois ; quelquefois il la dompte ;
J'en ai
pour preuve cet amant
Qui brûla sa maison pour embrasser sa Dame,
L'emportant à travers la flamme.
J'aime
assez cet emportement ;
Le conte m'en a plu toujours infiniment :
Il est
bien d'une âme Espagnole,
Et plus
grande encore que folle.
[iv] L'AMOUR
ET LA FOLIE
Tout est mystère dans l'Amour,
Ses flèches, son carquois, son flambeau, son enfance :
Ce
n'est pas l'ouvrage d'un jour
Que
d'épuiser cette science.
Je ne prétends donc point tout expliquer ici :
Mon but est seulement de dire à ma manière
Comment l'aveugle que voici
(C'est un Dieu), comment, dis-je, il perdit la lumière
;
Quelle suite eut ce mal, qui peut-être est un bien ;
J'en fais juge un amant, et ne décide rien.
La Folie et l'Amour jouaient un jour ensemble :
Celui-ci n'était pas encor privé des yeux.
Une dispute vint : l'Amour veut qu'on assemble
Là-dessus le conseil des dieux ;
L'autre n'eut pas la patience ;
Elle lui
donne un coup si furieux,
Qu'il en perd la clarté des cieux.
Vénus en demande vengeance.
Femme et mère, il suffit pour juger de ses cris :
Les
Dieux en furent étourdis,
Et
Jupiter, et Némésis,
Et les Juges d'Enfer, enfin toute la bande.
Elle représenta l'énormité du cas :
Son fils, sans un bâton, ne pouvait faire un pas :
Nulle peine n'était pour ce crime assez grande :
Le dommage devait être aussi réparé.
Quand on eut bien considéré
L'intérêt du Public, celui de la Partie,
Le résultat enfin de la suprême Cour
Fut
de condamner la Folie
A
servir de guide à l'Amour.
[v] POUR
MONSEIGNEUR LE DUC DU MAINE
Jupiter eut un fils qui se sentant du lieu
Dont il tirait son origine
Avait l'âme toute divine.
L'enfance n'aime rien : celle du jeune Dieu
Faisait sa principale affaire
Des doux soins d'aimer et de plaire.
En lui l'amour et la raison
Devancèrent le temps, dont les ailes légères
N'amènent que trop tôt, hélas ! chaque saison.
Flore aux regards riants, aux charmantes manières,
Toucha d'abord le cœur du jeune Olympien.
Ce que la passion peut inspirer d'adresse,
Sentiments délicats et remplis de tendresse,
Pleurs, soupirs, tout en fut : bref, il n'oublia rien.
Le fils de Jupiter devait par sa naissance
Avoir un autre esprit et d'autres dons des Cieux,
Que les enfants des autres Dieux.
Il semblait qu'il n'agît que par réminiscence,
Et qu'il eût autrefois fait le métier d'amant,
Tant il le fit parfaitement.
Jupiter cependant voulut le faire instruire.
Il assembla les Dieux, et dit : J'ai su conduire
Seul et sans compagnon jusqu'ici l'Univers :
Mais il est des emplois divers
Qu'aux nouveaux Dieux je distribue.
Sur cet enfant chéri j'ai donc jeté la vue.
C'est mon sang : tout est plein déjà de ses Autels.
Afin de mériter le rang des immortels,
Il faut qu'il sache tout. Le maître du Tonnerre
Eut à peine achevé que chacun applaudit.
Pour savoir tout, l'enfant n'avait que trop d'esprit.
Je veux, dit le Dieu de la guerre,
Lui montrer moi-même cet art
Par qui maints Héros ont eu part
Aux honneurs de l'Olympe, et grossi cet empire.
Je serai son maître de lyre,
Dit le blond et docte Apollon.
Et moi, reprit Hercule à la peau de Lion,
Son maître à surmonter les vices,
À dompter les transports, monstres empoisonneurs,
Comme Hydres renaissans sans cesse dans les cœurs.
Ennemi des molles délices,
Il apprendra de moi les sentiers peu battus
Qui mènent aux honneurs sur les pas des vertus.
Quand ce vint au Dieu de Cythère,
Il dit qu'il lui montrerait tout.
L'Amour avait raison : de quoi ne vient à bout
L'esprit joint au désir de plaire ?
[vi] LES
DEUX PIGEONS
Deux Pigeons s'aimaient d'amour tendre.
L'un
d'eux s'ennuyant au logis
Fut
assez fou pour entreprendre
Un
voyage en lointain pays.
L'autre lui dit : Qu'allez-vous faire ?
Voulez-vous quitter votre frère ?
L'absence est le plus grand des maux :
Non pas pour vous, cruel. Au moins que les travaux,
Les
dangers, les soins du voyage,
Changent un peu votre courage.
Encore si la saison s'avançait davantage !
Attendez les zéphyrs. Qui vous presse ? Un Corbeau
Tout à l'heure annonçait malheur à quelque Oiseau.
Je ne songerai plus que rencontre funeste,
Que Faucons, que réseaux. Hélas, dirai-je, il pleut
Mon
frère a-t-il tout ce qu'il veut,
Bon soupé, bon gîte, et le reste ?
Ce
discours ébranla le cœur
De
notre imprudent voyageur ;
Mais le désir de voir et l'humeur inquiète
L'emportèrent enfin. Il dit : Ne pleurez point :
Trois jours au plus rendront mon âme satisfaite ;
Je reviendrai dans peu conter de point en point
Mes
aventures à mon frère.
Je le désennuierai : quiconque ne voit guère
N'a guère à dire aussi. Mon voyage dépeint
Vous
sera d'un plaisir extrême.
Je dirai : J'étais là ; telle chose m'avint;
Vous
y croirez être vous-même.
A ces mots en pleurant ils se dirent adieu.
Le voyageur s'éloigne ; et voilà qu'un nuage
L'oblige de chercher retraite en quelque lieu.
Un seul arbre s'offrit, tel encor que l'orage
Maltraita le Pigeon en dépit du feuillage.
L'air devenu serein, il part tout morfondu,
Sèche du mieux qu'il peut son corps chargé de pluie,
Dans un champ à l'écart voit du blé répandu,
Voit un Pigeon auprès : cela lui donne envie :
Il y vole, il est pris : ce blé couvrait d'un las
Les
menteurs et traîtres appas.
Le las était usé : si bien que de son aile,
De ses pieds, de son bec, l'oiseau le rompt enfin.
Quelque plume y périt : et le pis du destin
Fut qu'un certain vautour à la serre cruelle,
Vit notre malheureux qui, traînant la ficelle
Et les morceaux du las qui l'avaient attrapé,
Semblait un forçat échappé.
Le Vautour s'en allait le lier, quand des nues
Fond à son tour un aigle aux ailes étendues.
Le Pigeon profita du conflit des voleurs,
S'envola, s'abattit auprès d'une masure,
Crut,
pour ce coup, que ses malheurs
Finiraient par cette aventure ;
Mais un fripon d'enfant, cet âge est sans pitié
Prit sa fronde, et, du coup, tua plus d'à moitié
La Volatile malheureuse,
Qui,
maudissant sa curiosité,
Traînant l'aile et tirant le pié,
Demi-morte et demi-boiteuse,
Droit
au logis s'en retourna :
Que
bien, que mal elle arriva
Sans
autre aventure fâcheuse.
Voilà nos gens rejoints ; et je laisse à juger
De combien de plaisirs ils payèrent leurs peines.
Amants, heureux amants, voulez-vous voyager ?
Que
ce soit aux rives prochaines ;
Soyez-vous l'un à l'autre un monde toujours beau,
Toujours divers, toujours nouveau ;
Tenez-vous lieu de tout, comptez pour rien le reste.
J'ai quelquefois aimé : je n'aurais pas alors
Contre le Louvre et ses trésors,
Contre le firmament et sa voûte céleste,
Changé les bois, changé les lieux
Honorés par les pas, éclairés par les yeux
De
l'aimable et jeune bergère
Pour
qui, sous le fils de Cythère,
Je servis, engagé par mes premiers serments.
Hélas! Quand reviendront de semblables moments ?
Faut-il que tant d'objets si doux et si charmants
Me laissent vivre au gré de mon âme inquiète ?
Ah! si mon cœur
osait encor se renflammer!
Ne sentirai-je plus de charme qui m'arrête ?
Ai-je passé le temps d'aimer ?
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