Secret de la confession et/ou dénonciation ?
La législation française contient des dispositions
subtiles et équilibrées qui garantissent le secret de la confession au même
titre que le secret professionnel des avocats ; le secret de la confession
n’est donc pas contraire aux lois de la République comme le Président de la
Conférence des évêques l’a déclaré de manière maladroite dans l’émotion de
la publication du rapport sur les abus sexuels dans l’Eglise et sous la
pression de journalistes déchainés contre l’Eglise[1].
La loi française fait par ailleurs obligation à celui qui
reçoit une confidence couverte par le secret de s’opposer à la commission d’un
crime imminent. L’article 223-6 du code pénal punit le fait de s’abstenir
volontairement d’empêcher « par son action immédiate, sans risque pour lui
ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l’intégrité corporelle
de la personne ». C’est ce texte sur lequel s’appuie la récente déclaration
du Garde des Sceaux qu’il faut savoir lire entre les lignes de la part de celui
qui reste un ardent défenseur du secret professionnel des avocats[2].
Or voilà que les polémiques et les débats en cours font rebondir la question de l’obligation légale de dénonciation de certains crimes pour celui qui en a connaissance dans le cadre d’une confession . Question en partie sans objet au regard de l’existence de l’article 223-6 du code pénal qui protège les victimes d’un danger immédiat.
L’obligation de dénonciation d’un crime commis, sans danger immédiat pour une victime potentielle, aurait pour conséquence de rendre impossible la confession du criminel. Celui-ci ne pourra plus prendre le risque de se confesser s’il n’a pas l’intention spontanée de se rendre aux autorités civiles, même s’il revient à son confesseur de le conduire à le faire, sans pour autant le dénoncer.
Si elle était appliquée au secret professionnel
de l’avocat – et comment pourrait-il ne pas en être ainsi puisque le
secret de la confession est assimilé au secret professionnel ? - cette
obligation de dénoncer aurait les mêmes conséquences sur les droits de la
défense que la République reconnait à tous, y compris par exemple aux
terroristes islamistes.
Cette obligation serait de toute façon vaine compte tenu
de la quasi-impossibilité de la mettre en œuvre tant il est vrai que l’on ne
voit pas comment pourrait être prouvé ce qui se dit sans aucun témoin dans un
confessionnal, sauf à y installer des systèmes d’enregistrement ou à instaurer
la confession publique comme le souligne Rémi Brague[3] !
Une telle réforme malheureusement suggérée parmi les
recommandations de la commission CIASE serait donc dramatique, inacceptable et
surtout contre-productive.
Sauf à mettre en péril leur propre secret les avocats ne pourraient la tolérer alors qu’une très
récente loi vient de le renforcer[4] !
S’agissant plus particulièrement de celui de la confession elle constituerait une atteinte au droit à la pratique de la religion catholique. Ce serait une immixtion de la République dans le royaume des consciences. Il ne s’agirait-il pas de réaffirmer la prééminence de loi de la République sur le droit de l’Eglise mais très exactement l’inverse !
A la lumière de ces remarques de bon sens on constate que
la tentation de prendre une telle mesure que ce soit au niveau de l’Etat ou de
l’Eglise serait aussi inutile que démagogique et dangereuse.
La société ne doit pas remettre en cause l’existence de
ces espaces de liberté qui ont toujours été reconnus dans les confessionnaux
comme dans les cabinets d’avocats.
Indépendamment de l’atteinte frontale aux droits de la
défense et à celui de pratiquer sa religion il s’agirait de nier le rôle que
peut avoir la libération de la parole dans ces lieux privilégiés pour des
raisons ancestrales.
Il demeure qu’à la suite de la déclaration du Président
de la conférence des évêques le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, a
solennellement tancé Mgr de Moulins-Beaufort,
archevêque de Reims, qui défendait le secret de la confession, en affirmant : «
Il n’y a rien de plus fort que les lois de la République dans notre pays, ça
tient en une phrase et c’est très clair. »[5]
Question difficile de suprématie de la loi de l'Etat surtout que l’on peut craindre que l’affirmation de Mgr de Moulins-Beaufort laisse à croire qu’elle légitimerait celle de la charia revendiquée par les intégristes musulmans.
Antigone, Thomas More et le Christ ont pourtant affirmé que la loi
de Dieu prévalait sur celle des hommes et donc de la République. Ils ont
affirmé les droits de la conscience. Comme le rappelle justement Rémi Brague c’est
au nom de sa conscience que Franz Jägerstätter a refusé de porter les armes
sous Hitler et a été exécuté, comme le raconte le film magnifique de Terrence
Malick, Une vie cachée (2019). Et c’est à l’inverse en invoquant cette
supériorité des lois de l’État que les accusés du procès de Nuremberg se sont
défendus[6].
Aller à l’encontre des droits de la conscience est la marque de la barbarie.
Mais cela ne signifie pas que l’on doive tolérer une revendication de la charia par les islamistes avec la violence et les troubles inacceptables à l’ordre public qui en résulteraient, la loi naturelle des chrétiens ne remettant pas quant à elle en cause les lois de la République auxquelles elle n'est pas frontalement contraire.
C’est ce qu’écrit à juste titre Bernard Antony[7]
qui affirme à propos de tous ceux qui font leur la déclaration de M. Attal :
Ignorent-ils donc que le « rien en dehors de l’Etat » ou le « rien au-dessus de
l’Etat » fut le slogan commun du jacobinisme, du fascisme et du léninisme et
qu’ils se trouvent ainsi en bien funeste compagnie ?
Puisse cette polémique ne pas être l’occasion d’une montée d’un cran supplémentaire vers le totalitarisme de notre Etat avec la réduction du droit d’accès à la libre confession. Injustifiée et inutile elle serait purement idéologique et provoquée par l’émotion que suscite le rapport commandé par l’Eglise sur les abus sexuels dans son sein.
L’émotion
ni l’idéologie n’ont jamais été les garanties d’une œuvre législative juste.
Il ne reste plus qu'à attendre les développements de cette "affaire"...
[1] https://www.ouest-france.fr/societe/religions/secret-de-la-confession-et-pedocriminalite-le-tolle-provoque-par-mgr-de-moulins-beaufort-en-4-actes-2de4bcc4-2789-11ec-8c95-4dff48bc79c9
[2] https://video.lefigaro.fr/figaro/video/les-pretres-ont-limperieuse-obligation-dalerter-en-depit-du-secret-de-la-confession-declare-eric-dupond-moretti/
[3] https://www.lefigaro.fr/vox/societe/remi-brague-rien-au-dessus-des-lois-de-la-republique-20211008
[4] https://www.vie-publique.fr/loi/279445-loi-confiance-dans-linstitution-judiciaire-reforme-dupond-moretti
[5] https://www.bfmtv.com/societe/religions/secret-de-la-confession-rien-n-est-plus-fort-que-les-lois-de-la-republique-repond-attal_AD-202110070265.html
[6] https://www.lefigaro.fr/vox/societe/remi-brague-rien-au-dessus-des-lois-de-la-republique-20211008
[7] http://www.bernard-antony.com/2021/10/darmanin-et-attal-ministrions.html
Bonjour Maître,
RépondreSupprimerVotre position est un chef d'œuvre de funambulisme !!! Comment refuser à l'islam la supériorité de la loi de Dieu sur celle des hommes tout en m'accordant aux chrétiens ? Sauf à reconnaître la supériorité d'une religion sur l'autre... Mais alors qui décidera de cette hiérarchie ? Et quid des non-croyants ? supérieurs à tous ou inférieurs à tous ??
Cher Bernard,
RépondreSupprimerJe crois aussi que ta plaidoirie est un peu tirée par les cheveux.
Le gouvernement s’exprime au nom de l’Etat et ne saurait donc admettre quelque règle que ce soit en dehors du cadre de la République.
Pour autant, il appartient à chacun de se forger son corpus de valeurs et de croyances, et si le porte-parole du gouvernement a réagi de manière excessive voire méprisante, il est dans son rôle…
Quant à l’évêque, sa maladresse dépasse l’entendement.
J’ai lu l’article de Rémi BRAGUE que tu évoques, et je souscris bien sûr à son analyse. Le problème est à l’évidence très compliqué, car si le prédateur venant se confesser me semble assez invraisemblable, la vraie question est celle de la victime venant à confesse à la recherche d’un soutien moral. Il ne saurait être admissible de connaître le coupable sans trouver la solution pour l’arrêter et le faire juger… comment ? Tu n’évoques pas ce sujet, qui selon moi est le seul qui vaille…
Réponse aux 2 commentaires.
RépondreSupprimerL'Islam préempte une fois de plus le débat. La charia est inacceptable en ce qu'elle tend à instaurer des règles directement sociales qui par ailleurs troubleraient l'ordre public. Alors que le respect des X commandements et de la loi naturelle ne me semble pas être générateur de troubles sociaux. Oui il y a une différence. Quant aux non-croyants je ne vois pas qu'ils puissent être troublés par le respect de la loi naturelle. Qui osera dire qu'Antigone, Tomas More ou F Jaggestatter aient eu des revendications qui troublaient l'ordre social?
S'agissant du secret de la confession je rappelle que le prêtre doit toiut faire pour amener celui ou celle qui se confesse à se confier en dehors du secret de manière à permettre que les crimes commis soient élucidé et punis. C'est malheureusement ce que beaucoup de clercs et d'évêques ont oublié durant cette période troublée. Ils se sont gardés de le faire pour se protéger et protéger l'institution. Attitude indigne, insoutenable, criminelle qui nous a conduits là où nous en sommes....