mercredi 3 novembre 2021

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https://www.bvoltaire.fr/lassemblee-nationale-et-le-senat-sattaquent-au-secret-professionnel-des-avocats/

L’Assemblée nationale et le Sénat s’attaquent au secret professionnel des avocats.

Alors que la réforme initialement proposée et votée à l’Assemblée nationale consacrait le principe du secret professionnel des avocats tant dans leurs activités de défense que de conseil - ce qui n’était pas le cas jusqu’alors -le Sénat décida de modifier le texte en profondeur en apportant de multiples restrictions au caractère absolu et général du secret. Il fallut donc passer par la case commission paritaire du Parlement. Or celle-ci vient d’accoucher d’un texte qui est le fruit de multiples concessions souvent à sens unique sacrifiant les principes sur l’autel de l’efficacité et de la sécurité. Nul doute que le lobbying parlementaire de Gérard Darmanin fut plus efficace que celui d’Éric Dupont Moretti…

Bien que l’opinion publique continue de considérer que le secret professionnel de l’avocat soit un pilier incontournable et nécessaire au bon fonctionnement de l’institution judiciaire, il faut reconnaître que le secret, et le secret professionnel en particulier, ne sont pas en vogue ni à la mode dans notre société de la transparence. Et les débats sur le secret de la confession provoqués par le récent rapport sur les infractions sexuelles dans l’Eglise n’ont rien arrangé à l’affaire.

Il n’y a pas de différence de principe à faire entre les deux. Le secret de la confession demeure un secret professionnel. La confidence qui préside à la relation entre l’avocat et son client reste de même nature que celle qui existe entre le pénitent et son confesseur ou encore que celle du malade avec son médecin.

Le souci de combattre les infractions quelles qu’elles soient, la volonté de faire régner la sécurité, le souci de préserver l’ordre public semblent en contradiction avec ce secret dressé tel un rempart face aux enquêteurs, au juge, à l’État. Face au crime, et en particulier aux plus choquants rien ne semble pouvoir ni devoir résister. Il en va ainsi du secret professionnel des avocats face à la menace du terrorisme à laquelle le pouvoir ajoute celle de la fraude fiscale et du blanchiment, comme du secret de la confession face aux dérapages abjects de certains de nos clercs.

La querelle n’est pas nouvelle.

Le secret ne fait pas le poids face à la demande de justice. Celle des victimes à l’égard desquels on nourrit une compassion justifiée. Celle des enquêteurs chargés de combattre la commission des infractions et de débusquer les délinquants comme les criminels. Ou encore celle des juges pressés par l’État de faire régner une justice implacable. Car la tentation est grande de chercher à savoir ce que le supposé ou le présumé coupable a pu confier à celui à qui il a demandé assistance que ce soit devant Dieu ou devant la justice. Vu sous cet angle le secret ne peut devenir que relatif !

Les débats qui opposent l’Assemblée nationale et la profession d’avocat à l’initiative de ses organes représentatifs au premier rang desquels le conseil national des barreaux, mettant notre « Garde des sceaux – avocat » en porte-à-faux, illustrent la confusion qui règne aujourd’hui dans les esprits perturbés, préoccupés et obsédés par l’insécurité qu’elle soit financière, criminelle ou terroriste. Mais le légitime souci de restaurer la sécurité justifie-t-il tout ? Tous les moyens sont-ils bons ?

Le ministre de l’intérieur clame haut et fort à l’Assemblée nationale qu’il faut pouvoir savoir ce qui se dit dans le confessionnal… Le Sénat et la commission paritaire veulent à tout prix faire porter sur la profession d’avocat une forme de présomption de commission d’infractions en matière de délinquance financière et de terrorisme en renforçant les exceptions et les dérogations au secret professionnel des avocats… Les enquêteurs et les magistrats multiplient les initiatives individuelles violant à coups d’écoutes et de perquisitions le secret des correspondances comme la fameuse affaire des fadettes du président Sarkozy l’a révélé…

Il n’est pas encore question des médecins, même si avec l’épisode épidémique ces derniers se sont à nouveau trouvés confrontés à la problématique de la dénonciation des personnes contaminées pour raisons de santé publique.

Il ne fait guère de doute dans le contexte sécuritaire de cette période préélectorale chamboulée par « les thèmes Zemmouriens » qui trouvent un écho très favorable dans la société, que le texte de la loi de confiance pour la justice qui sera finalement voté comportera un nombre important de concessions au préjudice du secret, du justiciable et de l’avocat dont il faut rappeler qu’il n’est pas le bénéficiaire du secret professionnel mais simplement le dépositaire.

Or on sait de longue date que sans secret professionnel de l’avocat il n’y a plus qu’un simulacre de défense préparant un simulacre de justice selon la formule de Victor Demarle dans son traité de l’obligation au secret professionnel de 1900.

Mais ce débat va plus loin.

Au-delà des préoccupations strictement liées au fonctionnement de l’institution judiciaire et aux conditions dans lesquelles pourra demain être assurée la défense des intérêts des justiciables il fait ressortir combien en période de crise l’Etat et le législateur agissent sous la pression, sans vergogne, au mépris des principes qui doivent invariablement soutenir les conditions de vie et de pensée dans une société civilisée. La tentation totalitaire n’est jamais loin de l’esprit du démagogue avant d’envahir celui du tiran …

 


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