https://www.bvoltaire.fr/lassemblee-nationale-et-le-senat-sattaquent-au-secret-professionnel-des-avocats/
L’Assemblée nationale et le Sénat s’attaquent au secret
professionnel des avocats.
Alors que la réforme initialement proposée et votée à l’Assemblée
nationale consacrait le principe du secret professionnel des avocats tant dans
leurs activités de défense que de conseil - ce qui n’était pas le cas jusqu’alors
-le Sénat décida de modifier le texte en profondeur en apportant de multiples
restrictions au caractère absolu et général du secret. Il fallut donc passer
par la case commission paritaire du Parlement. Or celle-ci vient d’accoucher d’un
texte qui est le fruit de multiples concessions souvent à sens unique sacrifiant
les principes sur l’autel de l’efficacité et de la sécurité. Nul doute que le
lobbying parlementaire de Gérard Darmanin fut plus efficace que celui d’Éric
Dupont Moretti…
Bien que l’opinion publique continue de considérer que le
secret professionnel de l’avocat soit un pilier incontournable et nécessaire au
bon fonctionnement de l’institution judiciaire, il faut reconnaître que le
secret, et le secret professionnel en particulier, ne sont pas en vogue ni à la
mode dans notre société de la transparence. Et les débats sur le secret de la
confession provoqués par le récent rapport sur les infractions sexuelles dans l’Eglise
n’ont rien arrangé à l’affaire.
Il n’y a pas de différence de principe à faire entre les
deux. Le secret de la confession demeure un secret professionnel. La confidence
qui préside à la relation entre l’avocat et son client reste de même nature que
celle qui existe entre le pénitent et son confesseur ou encore que celle du
malade avec son médecin.
Le souci de combattre les infractions quelles qu’elles
soient, la volonté de faire régner la sécurité, le souci de préserver l’ordre
public semblent en contradiction avec ce secret dressé tel un rempart face aux
enquêteurs, au juge, à l’État. Face au crime, et en particulier aux plus
choquants rien ne semble pouvoir ni devoir résister. Il en va ainsi du secret
professionnel des avocats face à la menace du terrorisme à laquelle le pouvoir
ajoute celle de la fraude fiscale et du blanchiment, comme du secret de la
confession face aux dérapages abjects de certains de nos clercs.
La querelle n’est pas nouvelle.
Le secret ne fait pas le poids face à la demande de
justice. Celle des victimes à l’égard desquels on nourrit une compassion
justifiée. Celle des enquêteurs chargés de combattre la commission des
infractions et de débusquer les délinquants comme les criminels. Ou encore
celle des juges pressés par l’État de faire régner une justice implacable. Car
la tentation est grande de chercher à savoir ce que le supposé ou le présumé
coupable a pu confier à celui à qui il a demandé assistance que ce soit devant
Dieu ou devant la justice. Vu sous cet angle le secret ne peut devenir que
relatif !
Les débats qui opposent l’Assemblée nationale et la
profession d’avocat à l’initiative de ses organes représentatifs au premier
rang desquels le conseil national des barreaux, mettant notre « Garde des
sceaux – avocat » en porte-à-faux, illustrent la confusion qui règne aujourd’hui
dans les esprits perturbés, préoccupés et obsédés par l’insécurité qu’elle soit
financière, criminelle ou terroriste. Mais le légitime souci de restaurer la
sécurité justifie-t-il tout ? Tous les moyens sont-ils bons ?
Le ministre de l’intérieur clame haut et fort à l’Assemblée
nationale qu’il faut pouvoir savoir ce qui se dit dans le confessionnal… Le
Sénat et la commission paritaire veulent à tout prix faire porter sur la
profession d’avocat une forme de présomption de commission d’infractions en
matière de délinquance financière et de terrorisme en renforçant les exceptions
et les dérogations au secret professionnel des avocats… Les enquêteurs et les
magistrats multiplient les initiatives individuelles violant à coups d’écoutes
et de perquisitions le secret des correspondances comme la fameuse affaire des fadettes
du président Sarkozy l’a révélé…
Il n’est pas encore question des médecins, même si avec l’épisode
épidémique ces derniers se sont à nouveau trouvés confrontés à la problématique
de la dénonciation des personnes contaminées pour raisons de santé publique.
Il ne fait guère de doute dans le contexte sécuritaire de
cette période préélectorale chamboulée par « les thèmes Zemmouriens »
qui trouvent un écho très favorable dans la société, que le texte de la loi de
confiance pour la justice qui sera finalement voté comportera un nombre
important de concessions au préjudice du secret, du justiciable et de l’avocat
dont il faut rappeler qu’il n’est pas le bénéficiaire du secret professionnel
mais simplement le dépositaire.
Or on sait de longue date que sans secret professionnel
de l’avocat il n’y a plus qu’un simulacre de défense préparant un simulacre de
justice selon la formule de Victor Demarle dans son traité de l’obligation au
secret professionnel de 1900.
Mais ce débat va plus loin.
Au-delà des préoccupations strictement liées au
fonctionnement de l’institution judiciaire et aux conditions dans lesquelles
pourra demain être assurée la défense des intérêts des justiciables il fait
ressortir combien en période de crise l’Etat et le législateur agissent sous la
pression, sans vergogne, au mépris des principes qui doivent invariablement
soutenir les conditions de vie et de pensée dans une société civilisée. La
tentation totalitaire n’est jamais loin de l’esprit du démagogue avant d’envahir
celui du tiran …
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