dimanche 13 mars 2022

UKRAINE : "EXPLIQUER N'EST PAS JUSTIFIER"...

La situation de l’Europe continue d’inquiéter. Rien ne s’arrange….


Faut-il une fois encore écrire en préalable que je ne cherche en aucune manière à justifier l’invasion de l’Ukraine par la Russie de Vladimir Poutine ?

Car, « expliquer n’est pas justifier ». Ce théorème est toutefois difficile à mettre en œuvre. Nous sommes enfermés dans notre réflexion par des narratifs d’événements choquants et méritant une totale réprobation.  Ceci est exclusif de toute véritable analyse. Car l’analyse nécessite de dépasser la seule lecture des événements dans laquelle nous sommes cloisonnés. Nos médias sont par ailleurs frappés par la censure unilatéralement décidée par Mme Ursula Van Der Leyen de toute information provenant de la Russie. Ils n’offrent aucun décryptage critique des images incontrôlées dont on nous abreuve. Une « soft Pravda » nous informe sans que nous en soyons conscients …

Je ne prétends pas à l’exhaustivité ni à l’absence d’erreurs. Je suis conscient de manquer d’informations. Ma seule ambition est de vous faire partager quelques lectures récentes et les conclusions que j’en retire humblement et modestement.

 

Les responsabilités.

J’ai lu avec le plus grand intérêt l’excellent article d’Andreï Makine dans le Figaro qui synthétise beaucoup de réflexions intelligentes imprégnées par une grande connaissance de la Russie que nous devons à notre académicien. Il se défend parfaitement du reproche d’être « pro-poutinien » qui lui a été fait. Je ne vais pas le paraphraser. Je vous renvoie à sa lecture[1]. Il explique. Il analyse avec son prisme personnel. Enrichissant. Eclairant.

 

La Nation ukrainienne.

Nous oubliions tous trop vite d’où sont sorties l’Ukraine et la Russie. 70 ans de communisme, de marxisme-léninisme c’est-à-dire d’un totalitarisme d’une violence inouïe qui a fait pratiquement 70 millions de morts ! Trois générations marquées par la terreur. Arrêtons-nous quelques instants sur ce phénomène historique. La France a été profondément ébranlée par un processus révolutionnaire qui s’est étalé sur une vingtaine d’années. Nos frères de l’Est en ont subi un quatre fois plus long. C’est dire que parmi les habitants actuels de la Russie ou de l’Ukraine qui sont dans la force de l’âge ni leurs parents ni leurs grands-parents n’ont vécu dans un pays libre comme le nôtre. Personnellement, moi qui suis au soir de ma vie, qui ai déjà des petits-enfants, seuls mes grands-parents ont connu cette époque qui correspond à l’après-guerre de 1914-1918. Ce drame a bouleversé ces peuples ; il les a déstructurés ; il les a démantelés. Il a consisté à vouloir leur faire perdre leur identité, leur conscience nationale. Et s’agissant en particulier de l’Ukraine je me permets de renvoyer à la lecture d’Alexandre Soljenitsyne qui me semble quand même l’une des meilleures références que l’on puisse avoir sur le sujet quel que soit par ailleurs ce qui peut s’écrire sur cette question de la nation ukrainienne[2].

Par souci d’objectivité j’ajoute l’expression d’une analyse discordante, mais l’est-elle vraiment au fond ? [3] Il faut savoir chercher les lignes de force de l’histoire : il y a un lien très fort entre ces peuples. Quant aux nations elles sont au moins sœurs….

 

Philosophie politique de Vladimir Poutine.

Vladimir Poutine plonge sa réflexion politique et sa pratique de la politique dans une philosophie politique[4]. Cet enracinement intellectuel est à certainement à l’origine de ce que l’on dénonce comme la fascination qu’a pu avoir à l’égard la droite française de Philippe de Villiers, d’Éric Zemmour et de Marine Le Pen à son endroit. Le président russe incarna un régime autoritaire fortement teinté de la spécificité slave.

Depuis 2004 Vladimir Poutine s’est enfermé vis à vis de l’Europe de l’ouest dans une stratégie d’isolement conflictuelle et agressive destinée selon lui à sécuriser son territoire et les intérêts russes. S’en est suivie une dérive de plus en plus totalitaire au point que certains voient dans son régime un retour du stalinisme…

L’attitude actuelle, inqualifiable et condamnable de Vladimir Poutine doit-elle jeter un discrédit total sur le courant politique autoritaire qu’il incarna et qu’il a dévoyé, son naturel d’ancien officier du KGB ayant repris le dessus ?

Voilà qui mérite d’être approfondi sans a priori ; exercice particulièrement difficile dans le contexte actuel, tant il est vrai que la droite française se voit naturellement reprocher sa « fascination » initiale qui lui a sans doute fait perdre au moins partiellement lucidité et objectivité au moment de la montée en puissance de l’invasion.

Expliquer, analyser, comprendre, dissocier n’est toujours pas justifier…

 

La géopolitique.

Une remarque préalable s’impose. Nous ne pouvons plus résonner en géopolitique comme on pouvait le faire encore au XXe siècle. La géopolitique ne se limite plus à des enjeux européens comme certains semblent encore le penser.

Dans ce cadre d’une géopolitique mondiale il est évident qu’une Europe réunissant dans leurs diversités et leurs complémentarités toutes les nations de l’Atlantique à l’Oural selon le rêve du général De Gaulle constituerait une puissance capable de jouer d’égal à égal avec d’un côté les USA et de l’autre la Chine et l’Asie. Sauf que cela est devenu impossible par l’effet d’une série d’événements qui se sont enchaînés, sur lesquels l’analyse des responsabilités demeure complexe et sujette à discussion. Mais le résultat est là, sous nos yeux. L’Europe est aujourd’hui dans l’impossibilité de se donner la taille qui devrait véritablement être la sienne à l’échelle du monde tant sur le plan culturel qu’économique, car je ne crois toujours ni à la politique ni à la défense communes que le marché unique et l’euro ne suffisent pas à unir suffisamment dans le temps long. Il en résulte que les nations regroupées dans la communauté européenne semblent aujourd’hui n’avoir plus d’autre choix que de rester arrimées aux USA et que très naturellement la Russie va se tourner vers l’Asie.

Est-ce irréversible ? Peut-on encore imaginer d’autres équilibres internationaux ? Les lignes bougeront-elles ? Comment ? Par d’autres conflits ? Par une renaissance des nations ?

Une autre question de géopolitique doit retenir notre attention. Celle des Balkans. Cette partie de l’Europe n’est pas à l’abri d’une extension du conflit. N’oublions pas les traces qui ont été laissées par les bombardements Américains lors de la guerre du Kosovo. Une enquête de l'organisation non gouvernementale Human Rights Watch a recensé 90 incidents lors des bombardements, entraînant la mort de 489 à 528 civils. Environ deux tiers d'entre eux (303 à 352) étaient des réfugiés albanais du Kosovo. Si l'OTAN se défendit en invoquant le concept de dommage collatéral, elle n'en fut pas moins vivement critiquée, l'enquête précédente, par exemple, concluant à une violation du droit international humanitaire[5]. A l’époque, nous ne nous sommes pas insurgés comme nous le faisons aujourd’hui à l’égard des victimes civiles d’un conflit et d’une agression qui n’avait aucune légitimité internationale…

Cette région est instable ; c’est une poudrière au carrefour de l’Europe, de l’Eurasie, de la Turquie et du Moyen-Orient musulman….

La culture.

Avec la même légèreté avec laquelle nous déboulonnons les statuts de ceux de nos anciens dont nous considérons qu’ils n’ont pas respecté nos valeurs nous mettons au banc de nos sociétés tous les artistes de nationalité russe.

Il ne faut plus aller à leur concert. Il ne faut plus les lire. Il ne faut plus les aimer. Véritable bannissement de la culture russe au nom de la solidarité avec l’Ukraine. C’est la guerre culturelle !

Avons-nous les mêmes exigences avec certains pays vivantes eux aussi du pétrole lorsqu’ils financent notamment nos clubs de football ?

Deux poids deux mesures ?

Faut-il tout mélanger ? Les artistes doivent-ils subir les conséquences des Etats dirigeants les nations dont ils font partie ? Certains s’étaient déjà posés la question à propos de Beethoven ou de Wagner dans le contexte de la dernière guerre mondiale… Difficile question.

A suivre…

 



[1] https://www.lefigaro.fr/vox/monde/andrei-makine-pour-arreter-cette-guerre-il-faut-comprendre-les-antecedents-qui-l-ont-rendue-possible-20220310

[2] http://agora.qc.ca/documents/la_question_de_lukraine_vue_par_soljenitsyne_en_1990

[3] https://www.revuedesdeuxmondes.fr/ukraine-envahie-martyr-et-naissance-nation/

[4] https://mail.google.com/mail/u/0/?pli=1#inbox?projector=1

[5] Source Wikipedia

5 commentaires:

  1. "Depuis 2004 Vladimir Poutine s’est enfermé vis à vis de l’Europe de l’ouest dans une stratégie d’isolement conflictuelle et agressive.." écrivez-vous..
    Ce ne serait pas plutôt le contraire ?
    Ce sont les instances européennes qui ont ignoré, rejeté la Russie, en se jetant dans les bras de l'OTAN, d'où une réaction nationaliste des dirigeants russes, qui se tournent maintenant vers l'Asie et en particulier, la Chine.
    Gorbatchev parlait de « maison commune européenne » à l’intention des dirigeants européens, et de Gaulle avant lui "de l'Europe jusqu'à l'Oural"..

    RépondreSupprimer
  2. Parfaitement d'accord avec Mme Amar. Nous (français et européens) suivons les US aveuglément et stupidement alors que tout nous montre qu'ils sont objectivement nos ennemis et ne recherchent que leur intérêt exclusif

    RépondreSupprimer
  3. J'ignore à quelle génération appartiennent ces deux "commentateurs" qui n'ont vraisemblablement pas connu les horreurs de la dernière guerre mondiale ? C'est pourquoi, il serait judicieux de les renvoyer à leurs livres d'histoire et les inviter à visiter les cimetières militaires notamment de la Normandie et de la Somme pour dénombrer les dizaines de milliers de croix plantées sur les tombes de soldats US venus sacrifier leur vie pour nous permettre de recouvrer notre liberté. La naissance de l'OTAN en 1949 est la conséquence logique de la réaction du monde occidental déterminé à collaborer afin de s'unir pour créer une défense collective faire barrage à de tels crimes humanitaires.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je ne minimise pas les morts américains pour la France, mais je n'ignore pas non plus que les Etats unis sont aussi intervenus dans la 2e GM pour contrer les velléités d'intervention de l'URSS et empêcher sa progression jusqu'en Europe de l'Ouest.
      L'ostracisme dont pâtit aujourd'hui la Russie, qui n'est plus communiste, est-il justifié pour autant ?

      Supprimer
  4. ... bonjour, je me permets d'abonder les propos de Bernard par cette chronique géo-politique "Un nouveau brouillard de guerre - Le Grand Continent.
    https://legrandcontinent.eu/fr/2022/03/15/un-nouveau-brouillard-de-guerre/

    RépondreSupprimer

Commentez cet article et choisissez "Nom/URL" ou Anonyme selon que vous souhaitez signer ou non votre commentaire.
Si vous choisissez de signer votre commentaire, choisissez Nom/URL. Seul le nom est un champ obligatoire.

Retrouvez mes anciens articles sur mon ancien blog