La situation de l’Europe continue d’inquiéter. Rien ne s’arrange….
Faut-il une fois encore écrire en préalable que je ne
cherche en aucune manière à justifier l’invasion de l’Ukraine par la Russie de
Vladimir Poutine ?
Car, « expliquer n’est pas justifier ». Ce
théorème est toutefois difficile à mettre en œuvre. Nous sommes enfermés dans notre
réflexion par des narratifs d’événements choquants et méritant une totale
réprobation. Ceci est exclusif de toute
véritable analyse. Car l’analyse nécessite de dépasser la seule lecture des
événements dans laquelle nous sommes cloisonnés. Nos médias sont par ailleurs frappés
par la censure unilatéralement décidée par Mme Ursula Van Der Leyen de toute
information provenant de la Russie. Ils n’offrent aucun décryptage critique des
images incontrôlées dont on nous abreuve. Une « soft Pravda » nous
informe sans que nous en soyons conscients …
Je ne prétends pas à l’exhaustivité ni à l’absence d’erreurs.
Je suis conscient de manquer d’informations. Ma seule ambition est de vous faire
partager quelques lectures récentes et les conclusions que j’en retire humblement
et modestement.
Les responsabilités.
J’ai lu avec le plus grand intérêt l’excellent article d’Andreï
Makine dans le Figaro qui synthétise beaucoup de réflexions intelligentes imprégnées
par une grande connaissance de la Russie que nous devons à notre académicien. Il
se défend parfaitement du reproche d’être « pro-poutinien » qui lui a
été fait. Je ne vais pas le paraphraser. Je vous renvoie à sa lecture[1].
Il explique. Il analyse avec son prisme personnel. Enrichissant. Eclairant.
La Nation ukrainienne.
Nous oubliions tous trop vite d’où sont sorties l’Ukraine
et la Russie. 70 ans de communisme, de marxisme-léninisme c’est-à-dire d’un
totalitarisme d’une violence inouïe qui a fait pratiquement 70 millions de
morts ! Trois générations marquées par la terreur. Arrêtons-nous quelques
instants sur ce phénomène historique. La France a été profondément ébranlée par
un processus révolutionnaire qui s’est étalé sur une vingtaine d’années. Nos
frères de l’Est en ont subi un quatre fois plus long. C’est dire que parmi les
habitants actuels de la Russie ou de l’Ukraine qui sont dans la force de l’âge
ni leurs parents ni leurs grands-parents n’ont vécu dans un pays libre comme le
nôtre. Personnellement, moi qui suis au soir de ma vie, qui ai déjà des
petits-enfants, seuls mes grands-parents ont connu cette époque qui correspond
à l’après-guerre de 1914-1918. Ce drame a bouleversé ces peuples ; il les
a déstructurés ; il les a démantelés. Il a consisté à vouloir leur faire
perdre leur identité, leur conscience nationale. Et s’agissant en particulier
de l’Ukraine je me permets de renvoyer à la lecture d’Alexandre Soljenitsyne
qui me semble quand même l’une des meilleures références que l’on puisse avoir
sur le sujet quel que soit par ailleurs ce qui peut s’écrire sur cette question
de la nation ukrainienne[2].
Par souci d’objectivité j’ajoute l’expression d’une analyse
discordante, mais l’est-elle vraiment au fond ? [3]
Il faut savoir chercher les lignes de force de l’histoire : il y a un lien
très fort entre ces peuples. Quant aux nations elles sont au moins sœurs….
Philosophie politique de Vladimir Poutine.
Vladimir Poutine plonge sa réflexion politique et sa
pratique de la politique dans une philosophie politique[4].
Cet enracinement intellectuel est à certainement à l’origine de ce que l’on dénonce
comme la fascination qu’a pu avoir à l’égard la droite française de Philippe de
Villiers, d’Éric Zemmour et de Marine Le Pen à son endroit. Le président russe
incarna un régime autoritaire fortement teinté de la spécificité slave.
Depuis 2004 Vladimir Poutine s’est enfermé vis à vis de l’Europe
de l’ouest dans une stratégie d’isolement conflictuelle et agressive destinée
selon lui à sécuriser son territoire et les intérêts russes. S’en est suivie
une dérive de plus en plus totalitaire au point que certains voient dans son
régime un retour du stalinisme…
L’attitude actuelle, inqualifiable et condamnable de
Vladimir Poutine doit-elle jeter un discrédit total sur le courant politique autoritaire
qu’il incarna et qu’il a dévoyé, son naturel d’ancien officier du KGB ayant
repris le dessus ?
Voilà qui mérite d’être approfondi sans a priori ; exercice
particulièrement difficile dans le contexte actuel, tant il est vrai que la
droite française se voit naturellement reprocher sa « fascination »
initiale qui lui a sans doute fait perdre au moins partiellement lucidité et
objectivité au moment de la montée en puissance de l’invasion.
Expliquer, analyser, comprendre, dissocier n’est toujours
pas justifier…
La géopolitique.
Une remarque préalable s’impose. Nous ne pouvons plus
résonner en géopolitique comme on pouvait le faire encore au XXe siècle. La
géopolitique ne se limite plus à des enjeux européens comme certains semblent
encore le penser.
Dans ce cadre d’une géopolitique mondiale il est évident
qu’une Europe réunissant dans leurs diversités et leurs complémentarités toutes
les nations de l’Atlantique à l’Oural selon le rêve du général De Gaulle
constituerait une puissance capable de jouer d’égal à égal avec d’un côté les
USA et de l’autre la Chine et l’Asie. Sauf que cela est devenu impossible par l’effet
d’une série d’événements qui se sont enchaînés, sur lesquels l’analyse des
responsabilités demeure complexe et sujette à discussion. Mais le résultat est
là, sous nos yeux. L’Europe est aujourd’hui dans l’impossibilité de se donner
la taille qui devrait véritablement être la sienne à l’échelle du monde tant
sur le plan culturel qu’économique, car je ne crois toujours ni à la politique
ni à la défense communes que le marché unique et l’euro ne suffisent pas à unir
suffisamment dans le temps long. Il en résulte que les nations regroupées dans
la communauté européenne semblent aujourd’hui n’avoir plus d’autre choix que de
rester arrimées aux USA et que très naturellement la Russie va se tourner vers
l’Asie.
Est-ce irréversible ? Peut-on encore imaginer d’autres
équilibres internationaux ? Les lignes bougeront-elles ? Comment ?
Par d’autres conflits ? Par une renaissance des nations ?
Une autre question de géopolitique doit retenir notre
attention. Celle des Balkans. Cette partie de l’Europe n’est pas à l’abri d’une
extension du conflit. N’oublions pas les traces qui ont été laissées par les
bombardements Américains lors de la guerre du Kosovo. Une enquête de
l'organisation non gouvernementale Human Rights Watch a recensé 90 incidents
lors des bombardements, entraînant la mort de 489 à 528 civils. Environ deux
tiers d'entre eux (303 à 352) étaient des réfugiés albanais du Kosovo. Si
l'OTAN se défendit en invoquant le concept de dommage collatéral, elle n'en fut
pas moins vivement critiquée, l'enquête précédente, par exemple, concluant à
une violation du droit international humanitaire[5].
A l’époque, nous ne nous sommes pas insurgés comme nous le faisons aujourd’hui
à l’égard des victimes civiles d’un conflit et d’une agression qui n’avait
aucune légitimité internationale…
Cette région est instable ; c’est une poudrière au
carrefour de l’Europe, de l’Eurasie, de la Turquie et du Moyen-Orient musulman….
La culture.
Avec la même légèreté avec laquelle nous déboulonnons les
statuts de ceux de nos anciens dont nous considérons qu’ils n’ont pas respecté
nos valeurs nous mettons au banc de nos sociétés tous les artistes de
nationalité russe.
Il ne faut plus aller à leur concert. Il ne faut plus les
lire. Il ne faut plus les aimer. Véritable bannissement de la culture russe au
nom de la solidarité avec l’Ukraine. C’est la guerre culturelle !
Avons-nous les mêmes exigences avec certains pays
vivantes eux aussi du pétrole lorsqu’ils financent notamment nos clubs de
football ?
Deux poids deux mesures ?
Faut-il tout mélanger ? Les artistes doivent-ils subir
les conséquences des Etats dirigeants les nations dont ils font partie ? Certains
s’étaient déjà posés la question à propos de Beethoven ou de Wagner dans le
contexte de la dernière guerre mondiale… Difficile question.
A suivre…
[1] https://www.lefigaro.fr/vox/monde/andrei-makine-pour-arreter-cette-guerre-il-faut-comprendre-les-antecedents-qui-l-ont-rendue-possible-20220310
[2] http://agora.qc.ca/documents/la_question_de_lukraine_vue_par_soljenitsyne_en_1990
[3] https://www.revuedesdeuxmondes.fr/ukraine-envahie-martyr-et-naissance-nation/
[4] https://mail.google.com/mail/u/0/?pli=1#inbox?projector=1
[5] Source Wikipedia
"Depuis 2004 Vladimir Poutine s’est enfermé vis à vis de l’Europe de l’ouest dans une stratégie d’isolement conflictuelle et agressive.." écrivez-vous..
RépondreSupprimerCe ne serait pas plutôt le contraire ?
Ce sont les instances européennes qui ont ignoré, rejeté la Russie, en se jetant dans les bras de l'OTAN, d'où une réaction nationaliste des dirigeants russes, qui se tournent maintenant vers l'Asie et en particulier, la Chine.
Gorbatchev parlait de « maison commune européenne » à l’intention des dirigeants européens, et de Gaulle avant lui "de l'Europe jusqu'à l'Oural"..
Parfaitement d'accord avec Mme Amar. Nous (français et européens) suivons les US aveuglément et stupidement alors que tout nous montre qu'ils sont objectivement nos ennemis et ne recherchent que leur intérêt exclusif
RépondreSupprimerJ'ignore à quelle génération appartiennent ces deux "commentateurs" qui n'ont vraisemblablement pas connu les horreurs de la dernière guerre mondiale ? C'est pourquoi, il serait judicieux de les renvoyer à leurs livres d'histoire et les inviter à visiter les cimetières militaires notamment de la Normandie et de la Somme pour dénombrer les dizaines de milliers de croix plantées sur les tombes de soldats US venus sacrifier leur vie pour nous permettre de recouvrer notre liberté. La naissance de l'OTAN en 1949 est la conséquence logique de la réaction du monde occidental déterminé à collaborer afin de s'unir pour créer une défense collective faire barrage à de tels crimes humanitaires.
RépondreSupprimerJe ne minimise pas les morts américains pour la France, mais je n'ignore pas non plus que les Etats unis sont aussi intervenus dans la 2e GM pour contrer les velléités d'intervention de l'URSS et empêcher sa progression jusqu'en Europe de l'Ouest.
SupprimerL'ostracisme dont pâtit aujourd'hui la Russie, qui n'est plus communiste, est-il justifié pour autant ?
... bonjour, je me permets d'abonder les propos de Bernard par cette chronique géo-politique "Un nouveau brouillard de guerre - Le Grand Continent.
RépondreSupprimerhttps://legrandcontinent.eu/fr/2022/03/15/un-nouveau-brouillard-de-guerre/