La liberté pourquoi faire est un recueil de conférences données par Georges Bernanos à la fin de sa vie.
Les textes des conférences se recoupent. Le thème est lancinant, obsédant. L'auteur tourne et retourne tout d'abord son idée selon laquelle les horreurs commises par l'Allemagne nazie ne sont que l'une des expressions de notre monde en décomposition, car ni cette nation ni les Allemands n'en portent selon lui l'entière responsabilité ; ce qui ne l'empêche pas d'affirmer en même temps que l'Allemagne est allée trop loin dans le mal pour revenir en arrière par le même chemin... Il poursuit : « Je n'ai pas été dupe de la bonne Allemagne, des bonnes Allemagnes mais je n'ai pas plus envie d'être dupe du monde moderne, lorsqu'il feint la surprise et le scandale en face d'un peuple dont il a plutôt favorisé que réfréné la perversion, aussi longtemps du moins qu'il a cru pouvoir en tirer profit... ». Le mal est profondément ancré dans notre monde moderne qui avait déjà diabolisé en terreur la Révolution de 1789 à laquelle Bernanos restait attaché...
Il est étonnant et révélateur, symptomatique, de
constater le parallèle entre ces conférences de Georges Bernanos et les
témoignages des dissidents soviétiques d'avant l'effondrement du mur de Berlin.
Par exemple Vladimir Bukowski descendant de l’avion qui l’avait conduit à l’ouest
qui nous lançait comme par défi et par dépit que nous n’étions pas libres. Nous
pourrions en citer d’autres comme Alexandre Soljenitsyne dans son fameux et
maintes fois évoqué « discours d’Harvard » ...
Plus loin, Georges Bernanos poursuit : « cette
civilisation a sa philosophie, et le premier axiome de cette philosophie est de
nier la liberté de l'homme, d'affirmer son asservissement à l'histoire,
elle-même asservie à l'économique » ; le mal n'étant pas « dans
les machines mais dans le fait que la machine déspiritualise l'homme en même
temps qu'elle accroit monstrueusement son pouvoir » ... « L'homme
d'Europe n'est pas l'homme matérialiste, c'est un homme déspiritualisé, un
chrétien désaffecté ». Cette « civilisation est folle et elle fait
des fous ».
Il explique ensuite que pour lui « une
civilisation a toujours été précisément une ingénieuse répartition des charges à
porter ou des problèmes à résoudre » ; et encore qu’elle ne soit
« pas seulement l'œuvre de l'homme, elle est l'homme même » - bien qu’il
constate ensuite que leurs décompositions suivent un chemin diamétralement
inverse, celle de l'homme commençant après sa mort et celle de la civilisation
avant qu'elle ne meure...
Il fournit ensuite une clé essentielle « à l’exemple
de toutes les civilisations qui l'ont précédée dans l'histoire la civilisation
européenne était un compromis entre le bon et le mauvais de l’homme, un système
de défense contre ses instincts ». Ce point est capital et à retenir dans
nos débats négationnistes et constructivistes sur la civilisation. Pour lui « le
drame de l'Europe est un drame de l'esprit ».
Comme la civilisation s'identifie à l'homme le seul moyen
de la sauver est de sauver l'homme, l'homme libre. La phrase revient comme un
leitmotiv « le monde ne sera sauvé que par les hommes libres ». «
Il faut faire un monde pour les hommes libres ».
Comme il l'écrit ailleurs il parie pour l'homme.
C'est en cela qu'il récuse le monde matérialiste, de la machine, qui a pris le
pouvoir sur l'homme. Il faut ici être précis avec lui, ce n'est pas la science et
les scientifiques qu'il met en cause, mais la science au service de la
spéculation, dans un monde qui ne construit pas mais donne l'illusion de
construire à grand renfort de machines et réduit la liberté à peau de chagrin.
Mais il est très clair, et ce point est aussi fondamental
que pour lui c'est l'homme qui est responsable et rien ni personne d'autre,
notamment pas la civilisation qui l’avait soutenu jusque-là. C'est l'homme qui
détruit une civilisation pour la remplacer par « rien ».
Or aujourd'hui, quelque 80 ans plus tard ne devons-nous
pas constater que la civilisation de remplacement est toujours un néant, un
néant de neutralité, un néant wokiste, un néant selon Ponce Pilate se lavant
les mains devant le Christ victime innocente qui venait de lui affirmer que son
royaume était celui de la vérité ?
Quand on retient avec notre auteur que « pour
rencontrer l'espérance il faut être allé au-delà du désespoir », on
comprend que comme il s'évertua à l'expliquer contre ceux qu’il appelait
lucidement les « imbéciles » (cf mes précédents billets à ce sujet),
à longueur de ses conférences son diagnostic n'est pas pessimiste. La solution existe.
Elle est dans l'homme, dans l'homme libre, réellement libre, c'est-à-dire conscient
de sa responsabilité et soucieux de son devenir et de celui de l'humanité.
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