Les mots ne peuvent pas tout. Mal employés ou utilisés de manière inappropriée ils ajoutent à la confusion. Notre Président de la République parle beaucoup; trop. S’il s’exprime bien, ses paroles me semblent souvent relever de l’empilage stylistique et idéologique. Il a bien parlé ... mais qu'a-t-il dit?
Ces derniers jours en ont fourni de nouvelles illustrations sur le dramatique sujet de l'antisémitisme. Je vous propose d’analyser certaines propositions de sa lettre aux français de ce jour, ainsi que des deux discours qu'il vient de prononcer, le premier devant le Grand Orient de France à l'occasion de son 250e anniversaire et le second devant la flamme du soldat inconnu à l'occasion des célébrations du 11 novembre.
Respectons la chronologie et commençons par le premier. Au
sujet de l'antisémitisme le président a critiqué ceux qui selon lui « ...
prétendent soutenir les juifs en confondant le rejet des musulmans et le
soutien des juifs. » La droite était visée. C’est un slogan. Mais en
quoi y a-t-il à droite une confusion entre le soutien des juifs et le rejet des
musulmans ? Cette confusion n’est soulignée que pour « cliver » en
anathémisant. Il y a un antisémitisme musulman de la part des islamistes et du
Hamas ; c’est une évidence. Il y a en réponse un rejet de l'islamisme et
de son antisémitisme. Les actions menées contre l'expansionnisme musulman islamique
au sein de notre nation ne le sont pas au nom du soutien des juifs et de
l'antisémitisme voire à leur occasion. Poursuivons. Il n’y a selon notre
Président « Pas d’antisémitisme possible sans un réel universalisme qui
est de voir dans chaque citoyen un être de droit et de devoir appartenant
totalement à la république et la nation. » L'universalisme est
effectivement le moyen de combattre l'antisémitisme comme le racisme. La
meilleure illustration et la plus ancienne à ma connaissance en a été donnée
par Saint Paul avec son fameux « Il n'y a plus ni Juif ni Grec, il n'y a
plus ni esclave ni libre, il n'y a plus ni homme ni femme ; car tous vous êtes
un en Jésus-Christ » (Galates 3-28). Mais le président de la République
nous propose un universalisme d'une autre nature puisqu'il résiderait dans le
fait de voir dans chaque citoyen un être appartenant à la République et la
nation. Oui la nation peut être un commun supérieur à l'être humain dans lequel
celui-ci puisse s'identifier en même temps qu'il y trouve les moyens de
s'épanouir personnellement ; toutefois l’être humain « n’appartient
pas » à la Nation même si cette dernière peut le contraindre dans
certaines circonstances. À ce titre la nation peut être un relais de
l'universalisme. Mais là l’idéologie présidentielle blesse une deuxième fois
lorsqu'il demande aux citoyens d'appartenir à la République. Il est bien
entendu qu'il ne s'agit pas de nous demander d'appartenir à un régime politique
mais à des valeurs, les fameuses valeurs républicaines. Et n'oublions pas que
ce discours fut prononcé devant le Grand Orient de France qui s'est illustré
dans la défense et l'incarnation des valeurs issues des lumières qui
précisément étaient une négation des valeurs chrétiennes et catholiques qui
structuraient l'universalisme proclamé par Saint Paul. Donc l’idée de l’universalisme
est juste mais son contenu est inacceptable et sans pertinence.
Venons-en au discours prononcé le 11 novembre, éloge du soldat inconnu, de tous les soldats inconnus morts pour la France puisqu'aujourd'hui le 11 novembre ne se limite plus à la célébration des morts de la guerre de 14-18. Je n'ai rien à y enlever. En revanche j'aimerais y ajouter quelque chose qui me semble manquer. Voilà qui va nous ramener au discours de la veille. Pourquoi les soldats de 14-18 sont-ils tombés ? Pour défendre la patrie et la nation qui étaient attaquées et menacées dans leur intégrité. Les autres morts pour la France sont également tombés au nom de ce même patriotisme. L'héroïcité de nos militaires les laisse libres et ne les a toutefois jamais fait appartenir à la Nation pour laquelle ils ont offert le sacrifice de leurs vies. La France est un relais de l'universalisme sans lequel les êtres humains ne peuvent pas s'épanouir car il faut qu'il y ait un cadre dans lequel il soit possible de dire avec Saint Paul « Il n'y a plus ni Juif ni Grec, il n'y a plus ni esclave ni libre, il n'y a plus ni homme ni femme ; car tous vous êtes un en Jésus-Christ ». Or nos militaires ne puisent pas l'héroïcité des vertus de leur engagement dans le cadre républicain mais dans cette réalité charnelle et patriotique que constitue la nation France. La nation se nourrit d’un récit commun, de références historiques et culturelles partagées. C'est précisément ce que contestent les islamistes puisque ces derniers se battent pour faire triompher l'oumma qui doit dépasser les nations et qui en nie l'existence. Les islamistes combattent la France de la même manière qu'ils combattent les juifs.
Ainsi donc l'universalisme prôné par notre président de
la République doit-il s'incarner réellement dans la France à charge pour nous de
lui donner une consistance et un contenu véritables, sans avoir la prétention
très révolutionnaire au demeurant de s’approprier les citoyens. Or aujourd'hui
La France ne constitue plus concrètement le cadre dans lequel les êtres humains
qui vivent sur son sol peuvent puiser les vertus de l'universalisme.
Le même thème revient dans la lettre aux français publiée
aujourd’hui.
« La défense de l’universalisme. Cette
idée fondamentale qu’il n’y a pas de communautés, seulement des citoyens égaux
à des citoyens. Des vies qui valent d’autres vies. Ainsi parle la France dès
qu’il s’agit de porter un message d’humanité. Et sur ce chemin, dans les
moments que nous vivons, rien ne doit nous diviser. La France doit rester unie
derrière ses valeurs, son universalisme, unie pour elle-même, pour porter son
projet et œuvrer à la paix et la sécurité de tous au Proche-Orient ».
En savons-nous plus sur l’universalisme selon Emmanuel
Macron ? Il y a trois idées qui le structurent :
- Pas
de communautés.
- Des
citoyens égaux.
- L’unité
de la nation.
Comment peut-on fonder l’universalisme sur ce triptyque ?
En fait c’est l’expression du slogan républicain dont nous constatons l’insuffisance
et la faiblesse. Car si depuis près de 10 ans et même plus…, nos responsables
politiques sont obligés régulièrement d’en appeler à manifester pour sauver l’unité
de la nation c’est bien que nous échouons….
L'erreur fondamentale est dans le rejet des communautés
qu'il faut bien distinguer du rejet des communautarismes.
Reprenant les termes de l’encyclique « Redemptor hominis »
de SS Jean-Paul II le Compendium de la doctrine sociale de l'Eglise catholique s'exprime
en ces termes : « l'homme requiert d'être approché dans la pleine
vérité de son existence, de son être personnel et en même temps de son être
communautaire et social ». Il y est encore écrit que « la
reconnaissance de l'égale dignité de chaque homme et de chaque peuple doit
correspondre à la conscience que la dignité humaine ne pourra être protégée et
favorisée que sous une forme communautaire, par l'humanité tout entière ».
La négation des communautés est purement idéologique.
Proclamée au nom de l'égalité entre les citoyens elle consiste en fait à
plaquer un rêve idéologique irréalisable - celui d'égalité parfaite - sur une
condition humaine diverse et ancrée dans des communautés diverses et variées.
L'art politique consiste précisément à faire se
développer les communautés au sein du creuset national avec ses différents
corps intermédiaires. Recherche d'un équilibre, de multiples équilibres même,
afin d'assurer la paix entre les hommes et de leur donner les moyens de
s'épanouir.
Ce n'est que par cette voie que peut être atteint le
véritable universalisme dont il n'y a pas eu de plus belle proclamation que
celle de Saint Paul à laquelle j'ai fait référence.
Il demeure néanmoins que dans sa lettre aux Français le
président de la République n'a pas répété l'erreur initiale à nouveau commise
par sa Première ministre et consistant à entretenir la guérilla politicienne
autour des participations à la manifestation contre l'antisémitisme. Il a heureusement
salué sans discrimination ni distinction tous ceux qui participeraient à cette
manifestation. Dont acte ! Espérons qu'il en sera toujours ainsi …
Il reste pour conclure à retenir trois erreurs du
discours officiel de notre Etat :
- L’amalgame dangereux de toute défense de l’intégrité française avec une forme de discrimination assimilée à l’antisémitisme,
- Une conception de la dignité humaine au rabais qui fait du citoyen la propriété de la Nation
- La volonté de faire disparaître sous prétexte de communautarisme les communautés sociales, culturelles, religieuses et politiques naturelles indispensables à la paix civile comme à l’épanouissement des personnes.
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