dimanche 12 octobre 2025

R. BADINTER AU PANTHEON OU LA SANCTUARISATION DES CAUSES DE NOS MAUX.

L’entrée au Panthéon de Robert Badinter, au cœur d’une crise inédite, serait-elle un clin d’œil du destin ? 


Le Président de la République a prononcé un discours de béatification dont le contenu souligne paradoxalement la fin de l’époque. Celle-ci chérit les causes de nos erreurs au nom d’un Etat qui a sacrifié la défense des intérêts des Français et de la France à son engagement éthéré pour les principes, les idéaux et les valeurs de notre République.

Et, comme il fallait s’y attendre, ce n’est pas la cuisine de constitution du nouveau gouvernement qui va y changer quoi que ce soit.

L’hommage rendu à celui qui fut l’artisan de l’abolition de la peine de mort, l’avocat des causes humanistes et l’homme de gauche engagé dans le combat pour les droits de l’homme et contre l’antisémitisme, résonne de manière singulière alors que la France doute de son État de droit, se débat avec un antisémitisme renaissant et ne sait plus à quelle autorité se vouer pour sortir d’une crise qui tourne à la crise de régime.

Il n’y a ni anachronisme ni paradoxe : à sa manière emblématique, la béatification laïque de Robert Badinter incarne l’acmé d’un système en perdition, piégé entre ses certitudes et ses prétentions.

Trois titres pour le Panthéon

Robert Badinter a eu le privilège de rejoindre symboliquement le Panthéon à un triple titre :
– l’abolition de la peine de mort,
– le combat contre l’antisémitisme,
– et son œuvre en faveur de la mutation de notre État de droit.

Sa lutte contre l’antisémitisme revêt aujourd’hui une actualité dramatique : comment les hommes peuvent-ils répéter sans fin les mêmes horreurs ?

Au-delà du symbole, l’abolition emblématique de la peine de mort fut l’aboutissement du glissement de notre droit pénal du juridique vers le moral.

De la justice compassionnelle à la culture de l’excuse

Robert Badinter s’inscrit dans la lignée de Victor Hugo, dont le combat reposait sur une vision compassionnelle de la justice. Il incarna cette tradition humaniste française, héritière de Rousseau, qui développa la théorie de l’excuse au nom de ses grands principes sans réaliser les effets délétères qui en résulteraient.

Le crime ou le délit cessèrent d’être perçus comme des actes pleinement imputables à des personnes coupables pour devenir la conséquence de déterminismes psychologiques, sociaux, économiques, voire politiques.

Avec Badinter, fort de l’aura de l’abolition, le droit devint un instrument de rédemption plutôt que de sanction. Nous en voyons aujourd’hui les conséquences : la responsabilité s’efface, la faute s’évapore, et la société désarmée s’en remet à la psychologie là où il faudrait de la justice et de la fermeté.

L’architecte d’un État de droit moralisé

Le troisième motif de sa panthéonisation est son action déterminante dans la transformation de notre état de droit. Son action s’est inscrite dans une lignée. Robert Badinter n'a rien inventé. Il a poursuivi une œuvre engagée avant lui. Il a été un continuateur, jouant un rôle essentiel dans l'instauration de ce qu'il est dorénavant convenu de nommer le gouvernement des juges. Derrière cette formule imparfaite, car elle confond différents types de juges et de juridictions, se cache cette idée que nos systèmes démocratiques sont dorénavant soumis à nos valeurs incarnées dans des règles et des principes fondamentaux résultant à la fois de la Constitution et de juridictions internationales comme la Cour européenne des droits de l'homme ainsi que la cour de justice de la communauté européenne.

Le mouvement s’amorça en 1971, lorsque le Conseil constitutionnel décida d’intégrer le préambule de 1946 et la Déclaration de 1789 dans le « bloc de constitutionnalité ». Ministre de la Justice, Robert Badinter poursuivit cette œuvre. Il introduisit le recours individuel devant la Cour européenne des droits de l’homme, offrant aux citoyens un accès direct à une juridiction internationale fondée sur la primauté d’un droit humanitaire où l’individu prévaut sur le bien commun. En 1989, il soutint la création de l’exception d’inconstitutionnalité, qui deviendra en 2010 la question prioritaire de constitutionnalité (QPC).

À partir de là, le juge ne se borna plus à contrôler la légalité au sens classique du terme. Le contrôle des lois au nom de principes philosophiques, au demeurant dévoyés et contestés, a définitivement fait basculer notre système juridique du droit vers la moraline.

Cette logique s’étend désormais à tous les domaines ; ainsi, le président de Renaissance, Gabriel Attal, a récemment proposé d’inscrire dans la Constitution un « principe de non régression sociétale ». Chaque génération de gouvernants cherche ainsi à sanctuariser sa morale dans la Constitution, transformant la Loi fondamentale en une monumentale construction idéologique.

Un corset idéologique paralysant

C’est ainsi que s’est progressivement construit un état de droit gonflé de moraline, auquel nos dirigeants se réfèrent en permanence comme s’il s’agissait d’une bouée de sauvetage, alors qu’il s’agit d’un lest trop lourd qui nous entraîne dans les profondeurs. Ce corset moralisateur refuse d’accueillir le monde tel qu’il est : il prétend le transformer, à l’image du criminel qu’il faudrait sans cesse « rééduquer ».

Ses effets sont concrets : immigration, sécurité, éducation, finances publiques — partout, la volonté politique se heurte à la censure au nom des principes fondamentaux de la République.

De la morale à l’impuissance

Il ne s’agit pas ici de faire de Robert Badinter le responsable de la situation actuelle. En revanche, force est de constater qu’il a participé à la mutation de l’état de droit qui explique notre crise autant que notre empêchement à y apporter des solutions institutionnelles. Pour une raison très simple : l’action politique est enfermée dans les interdits du Conseil Constitutionnel, la jurisprudence de la CEDH et dans les directives et règlements européens. Notre état de droit revu et repensé génère l’incapacité à agir, à réformer, à décider au nom du bien commun.

Depuis quarante ans, les alternances s’enchaînent sans effet : les réformes sont bloquées, corrigées, censurées. Le politique ne gouverne plus, il administre sous tutelle d’un droit revisité.

Le mépris démocratique atteignit son apogée avec l’adoption du traité de Lisbonne en 2007, reprenant la Constitution européenne refusée par référendum. Ce jour-là, le divorce fut scellé entre légitimité juridique et légitimité populaire, et la crise de régime prit racine.

Il n'est pas question ici pour moi qui l’ai suffisamment critiqué, de nier le rôle qu'a eu notre président de la République, après ses prédécesseurs, dans la dégradation de la situation économique et politique de la France. Il n'en reste pas moins qu'ils n’ont été que les accoucheurs de cet enfant mort-né dont on nous fit croire qu’il serait notre sauveur.

Nos principes absolutisés nous enchaînent. Nos idéologies nous paralysent. Nous avons dépossédé l’état du pouvoir d’agir en écoutant religieusement les apôtres de la modernité correctrice et éducatrice et en nous soumettant à leurs doctrines insensées.

Retrouver le sens du droit

Notre générosité, nos idéaux — ceux de Robert Badinter n’étaient pas condamnables en eux-mêmes — se retournent aujourd’hui contre nous. Pourquoi ? Parce que nous en avons fait des totems, des tabous, des interdits, des empêchements.

Il faudra en sortir. La politique devra reprendre ses droits. La potestas doit être restaurée.

Pour cela, il nous faut retrouver le sens du droit, celui qui distingue l’absolu du relatif, la justice de la morale, le bien commun des émotions individuelles.

Il faut rappeler que la liberté n’est pas un absolu, mais un ensemble de libertés relatives, ordonnées les unes aux autres dans le cadre du bien commun, selon les bons vieux principes de subsidiarité et de totalité.

Ainsi l’hommage à Robert Badinter, loin d’être seulement mémoriel, nous renvoie à un examen de conscience collectif : celui d’une République qui, à force de moraliser son droit, a désarmé sa politique au risque de sombrer dans l’impuissance actuelle.

 

4 commentaires:

  1. En fait, Badinter est en quelque sorte à la fois le précurseur du du droit-de-l’hommisme, du wokisme et le thuriféraire du syndicat de la magistrature…
    CR

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  2. Macron a instrumalisé tout cela pour tenter de se rabibocher avec le monde juif, qu'il avait méprisé par son absence à la marche après le pogrom et son soutien aux terroristes.
    Quand à la peine de mort ,personne ne parle, ni se met à la place des victimes !
    On se penche plus sur le sort des salauds !
    La France est devenue depuis 1981 une serpillière sur laquelle le monde entier essuie ses pieds couverts de m....!
    J'ai honte..

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  3. La République a été installée par des hérétiques et sataniques divers POUR détruire la France. Il n'y a donc rien d'étonnant à ce qu'elle accumule les décisions criminelles... Ne pas voir c'est être naïf ou stupide...

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