L’entrée au Panthéon de Robert Badinter, au cœur d’une crise inédite, serait-elle un clin d’œil du destin ?
Le Président de la République a prononcé un discours de béatification dont le contenu souligne paradoxalement la fin de l’époque. Celle-ci chérit les causes de nos erreurs au nom d’un Etat qui a sacrifié la défense des intérêts des Français et de la France à son engagement éthéré pour les principes, les idéaux et les valeurs de notre République.
Et, comme il fallait s’y attendre, ce n’est pas la
cuisine de constitution du nouveau gouvernement qui va y changer quoi que ce
soit.
L’hommage rendu à celui qui fut l’artisan de
l’abolition de la peine de mort, l’avocat des causes humanistes et l’homme de
gauche engagé dans le combat pour les droits de l’homme et contre
l’antisémitisme, résonne de manière singulière alors que la France doute de son
État de droit, se débat avec un antisémitisme renaissant et ne sait plus à
quelle autorité se vouer pour sortir d’une crise qui tourne à la crise de
régime.
Il n’y a ni anachronisme ni paradoxe : à sa manière
emblématique, la béatification laïque de Robert Badinter incarne l’acmé d’un système en
perdition,
piégé entre ses certitudes et ses prétentions.
Trois titres
pour le Panthéon
Robert Badinter a eu le privilège de rejoindre
symboliquement le Panthéon à un triple titre :
– l’abolition de la peine de mort,
– le combat contre l’antisémitisme,
– et son œuvre en faveur de la mutation de notre État de droit.
Sa lutte contre l’antisémitisme revêt aujourd’hui une
actualité dramatique : comment les hommes peuvent-ils répéter sans fin les
mêmes horreurs ?
Au-delà du symbole, l’abolition emblématique de la
peine de mort fut l’aboutissement du glissement de notre droit pénal du
juridique vers le moral.
De la justice
compassionnelle à la culture de l’excuse
Robert Badinter s’inscrit dans la lignée de Victor
Hugo, dont le combat reposait sur une vision compassionnelle de la justice. Il incarna cette tradition humaniste française, héritière de Rousseau, qui développa
la théorie de l’excuse au nom de ses grands principes sans réaliser les effets
délétères qui en résulteraient.
Le crime ou le délit cessèrent d’être perçus comme des
actes pleinement imputables à des personnes coupables pour devenir la
conséquence de déterminismes psychologiques, sociaux, économiques, voire
politiques.
Avec Badinter, fort de l’aura de l’abolition, le droit
devint un instrument de rédemption plutôt que de sanction. Nous en voyons
aujourd’hui les conséquences : la responsabilité s’efface, la faute s’évapore,
et la société désarmée s’en remet à la psychologie là où il faudrait de la
justice et de la fermeté.
L’architecte
d’un État de droit moralisé
Le troisième motif de sa panthéonisation est son action
déterminante dans la transformation de notre état de droit. Son action s’est
inscrite dans une lignée. Robert Badinter n'a rien inventé. Il a poursuivi une
œuvre engagée avant lui. Il a été un continuateur, jouant un rôle essentiel
dans l'instauration de ce qu'il est dorénavant convenu de nommer le
gouvernement des juges. Derrière cette formule imparfaite, car elle confond
différents types de juges et de juridictions, se cache cette idée que nos
systèmes démocratiques sont dorénavant soumis à nos valeurs incarnées dans des
règles et des principes fondamentaux résultant à la fois de la Constitution et
de juridictions internationales comme la Cour européenne des droits de l'homme
ainsi que la cour de justice de la communauté européenne.
Le mouvement s’amorça en 1971, lorsque le Conseil
constitutionnel décida d’intégrer le préambule de 1946 et la Déclaration de
1789 dans le « bloc de constitutionnalité ». Ministre de la Justice, Robert
Badinter poursuivit cette œuvre. Il introduisit le recours individuel devant la
Cour européenne des droits de l’homme, offrant aux citoyens un accès direct à
une juridiction internationale fondée sur la primauté d’un droit humanitaire où
l’individu prévaut sur le bien commun. En 1989, il soutint la création de
l’exception d’inconstitutionnalité, qui deviendra en 2010 la question
prioritaire de constitutionnalité (QPC).
À partir de là, le juge ne se borna plus à contrôler
la légalité au sens classique du terme. Le contrôle des lois au nom de
principes philosophiques, au demeurant dévoyés et contestés, a définitivement
fait basculer notre système juridique du droit vers la moraline.
Cette logique s’étend désormais à tous les domaines ;
ainsi, le président de Renaissance, Gabriel Attal, a récemment proposé
d’inscrire dans la Constitution un « principe de non régression sociétale ».
Chaque génération de gouvernants cherche ainsi à sanctuariser sa morale dans la
Constitution, transformant la Loi fondamentale en une monumentale construction
idéologique.
Un corset
idéologique paralysant
C’est ainsi que s’est progressivement construit un état
de droit gonflé de moraline, auquel nos dirigeants se réfèrent en permanence comme
s’il s’agissait d’une bouée de sauvetage, alors qu’il s’agit d’un lest trop
lourd qui nous entraîne dans les profondeurs. Ce corset moralisateur refuse
d’accueillir le monde tel qu’il est : il prétend le transformer, à l’image du
criminel qu’il faudrait sans cesse « rééduquer ».
Ses effets sont concrets : immigration, sécurité,
éducation, finances publiques — partout, la volonté politique se heurte à la
censure au nom des principes fondamentaux de la République.
De la morale à
l’impuissance
Il ne s’agit pas ici de faire de
Robert Badinter le responsable de la situation actuelle. En
revanche, force est de constater qu’il a participé à la mutation de l’état de
droit qui explique notre crise autant que notre empêchement à y apporter des
solutions institutionnelles. Pour une raison très simple : l’action
politique est enfermée dans les interdits du Conseil Constitutionnel, la jurisprudence
de la CEDH et dans les directives et règlements européens. Notre état de droit revu
et repensé génère l’incapacité à
agir, à réformer, à décider au nom du bien commun.
Depuis quarante ans, les alternances s’enchaînent sans
effet : les réformes sont bloquées, corrigées, censurées. Le politique ne gouverne plus, il administre sous tutelle d’un droit revisité.
Le mépris démocratique atteignit son apogée avec
l’adoption du traité de Lisbonne en 2007, reprenant la Constitution européenne
refusée par référendum. Ce jour-là, le divorce fut scellé entre légitimité
juridique et légitimité populaire, et la crise de régime prit racine.
Il n'est pas question ici pour moi qui l’ai suffisamment
critiqué, de nier le rôle qu'a eu notre président de la République, après ses
prédécesseurs, dans la dégradation de la situation économique et politique de
la France. Il n'en reste pas moins qu'ils n’ont été que les accoucheurs de cet
enfant mort-né dont on nous fit croire qu’il serait notre sauveur.
Nos principes absolutisés nous enchaînent. Nos
idéologies nous paralysent. Nous avons dépossédé l’état du pouvoir d’agir en
écoutant religieusement les apôtres de la modernité correctrice et éducatrice
et en nous soumettant à leurs doctrines insensées.
Retrouver le
sens du droit
Notre générosité, nos idéaux — ceux de Robert Badinter
n’étaient pas condamnables en eux-mêmes — se retournent aujourd’hui contre
nous. Pourquoi ? Parce que nous en avons fait des totems, des tabous, des
interdits, des empêchements.
Il faudra en sortir. La politique devra reprendre ses
droits. La potestas doit être restaurée.
Pour cela, il nous faut retrouver le sens du droit,
celui qui distingue l’absolu du relatif, la justice de la morale, le bien
commun des émotions individuelles.
Il faut rappeler que la liberté n’est pas un absolu,
mais un ensemble de libertés relatives, ordonnées les unes aux autres dans le
cadre du bien commun, selon les bons vieux principes de subsidiarité et de
totalité.
Ainsi l’hommage
à Robert Badinter, loin d’être seulement mémoriel, nous renvoie à un examen de
conscience collectif : celui d’une République qui, à force de moraliser son
droit, a désarmé sa politique au risque de sombrer dans l’impuissance actuelle.
En fait, Badinter est en quelque sorte à la fois le précurseur du du droit-de-l’hommisme, du wokisme et le thuriféraire du syndicat de la magistrature…
RépondreSupprimerCR
Bravo !
RépondreSupprimerMacron a instrumalisé tout cela pour tenter de se rabibocher avec le monde juif, qu'il avait méprisé par son absence à la marche après le pogrom et son soutien aux terroristes.
RépondreSupprimerQuand à la peine de mort ,personne ne parle, ni se met à la place des victimes !
On se penche plus sur le sort des salauds !
La France est devenue depuis 1981 une serpillière sur laquelle le monde entier essuie ses pieds couverts de m....!
J'ai honte..
La République a été installée par des hérétiques et sataniques divers POUR détruire la France. Il n'y a donc rien d'étonnant à ce qu'elle accumule les décisions criminelles... Ne pas voir c'est être naïf ou stupide...
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