Les nominations gouvernementales de ce soir et les réactions qu’elle suscitent y compris chez les ministres nommés - un vaudeville!- ont des airs d’une fin d’époque qui se rapproche à grande vitesse. Messieurs Macron et Lecornu inventent le concept de la rupture dans la continuité. L’avenir est de plus en plus incertain. Pas de commentaires. J’avais prévu d’évoquer l’unanimisme que l’état profond toujours à la manœuvre tente de nous imposer comme une évidence. C'est toujours d'actualité. Derrière la cacophonie l'unanimisme de l'état profond est toujours à l'œuvre …
En cette fin d’époque, nous sommes en effet confrontés
à une urgence vitale essentielle: repousser cet unanimisme, véritable conditionnement
qui confond consentement et résignation, alors même qu’il échoue sous ses
formes médiatiques, idéologiques et éducatives.
Il ne suffit pas d’écouter Europe 1 dans sa voiture ou
de regarder CNews depuis son fauteuil. Il faut prendre son destin en mains
concrètement et agir en « étant », sans se contenter du processus
démocratique malheureusement faussé précisément par cette doxa souterraine.
Au risque de me répéter l’enjeu est de dire concrètement
non au mensonge. Alexandre Soljenitsyne, dans son appel fameux Vivre sans
mentir (1974), exhortait chacun à refuser la compromission, même minime,
qui alimente un système totalitaire. Or nous n’avons pas écouté cet
avertissement. Comme l’ont constaté avec stupeur les dissidents de l’Est, nous
avons accepté de troquer la liberté contre une servitude volontaire, faite de
lâcheté et de conformisme.
LE PIEGE DU
MENSONGE ORGANISE
Une culture du
faux
Les signes sont multiples : wokisme, antiracisme
devenu racisme inversé, idéologies de confection. Mais tous relèvent d’un même
tronc commun : la culture du faux. Ce faux ne se contente pas de falsifier des
faits ; il inverse le réel.
Hannah Arendt, dans Vérité et politique, avait
déjà averti : la vérité factuelle est fragile, parce qu’elle peut toujours être
remplacée par une fiction plus séduisante, plus conforme à l’idéologie
dominante. La tâche du mensonge organisé n’est pas de convaincre, mais de
fatiguer, d’épuiser la résistance, jusqu’à ce que l’évidence devienne
imprononçable.
Joseph Pieper, dans son petit livre incisif Abus de
langage, abus de pouvoir, montre comment la corruption des mots conduit à
la corruption de la réalité elle-même. Les mots ne nomment plus ce qui est,
mais imposent ce qui doit être pensé. Nous passons d’un langage révélateur à un
langage manipulateur.
Le renoncement
au réel
Pierre Valentin conclue son remarquable essai sur le
wokisme en stigmatisant une « révolution qui possède pour négation son
accomplissement, pour anéantissement son but, pour fin sa fin ». Au fil de
ses analyses il évoque non sans humour la paralysie d’un intellectuel
conformiste face à un homme blanc chantre du wokisme lui affirmant « mais
je ne suis pas un homme, monsieur » ; puis « je ne suis pas
blanc, monsieur » !
Nous en sommes là ! Et ce ne sont a priori ni la
prochaine dissolution de l’Assemblée nationale ni un nouveau président de la
République qui remettront en cause cet unanimisme consensuel et conformiste.
Or nous ne nous révoltons pas et quand nous sommes à
notre tour confrontés à « ubu » - despote cynique, cruel, stupide, cupide, mesquin et vulgaire- nous
manquons d’arguments et surtout de détermination pour affirmer comme Parménide que : "Ce qui est, est ; ce qui n'est pas, n'est pas.". Nous manquons
aussi
de l’aptitude à l’émerveillement devant le réel sans lesquels « ubu »
resterait un illuminé, un fou ou un imbécile.
Benoît XVI, dans son discours au Bundestag en 2011,
rappelait que le politique et le droit doivent s’enraciner dans le réel et dans
la raison naturelle. La vérité ne se fabrique pas, elle se découvre. Or nous
préférons désormais des constructions arbitraires, fictions idéologiques qui
anesthésient le jugement.
LES SYMPTOMES
CONTEMPORAINS
La justice
instrumentalisée
La justice est l’un des premiers lieux où se manifeste
cette dérive conformiste. Non que la magistrature soit entièrement idéologisée,
mais parce qu’une minorité militante entraîne une majorité silencieuse.
Beaucoup de magistrats savent discerner le vrai du faux, le juste de l’injuste,
mais n’osent plus le dire et juger en fonction de cela, par peur d’être accusés
de conservatisme, d’archaïsme, voire de complicité. La justice se transforme en
instrument de conformisme.
Vaclav Havel, dans Le pouvoir des sans-pouvoir,
avait souligné que lorsque le droit est colonisé par l’idéologie, il perd toute
crédibilité.
L’éducation
sous influence
L’éducation, au lieu de transmettre la vérité, se fait
relais de l’idéologie. L’école n’est pas faite pour formater, mais pour
transmettre. Jean-Paul II, dans Fides et ratio, insistait : la mission
éducative consiste à conduire vers la vérité, non à flatter des opinions
passagères. L’Éducation nationale est devenue un champ d’expérimentation
idéologique.
Mais l’exemple caricatural de cette dictature
idéologique est que l’enseignement catholique lui-même renonce à sa mission. Bvoltaire
se fait l’écho de L’école Sainte-Marie de Neuilly qui « se couche devant
Mediapart et vire une prof qui a été dénoncée comme étant d’extrême droite
alors qu’une autre objectivement d’extrême gauche continue d’y enseigner !
Et que dire du scandale provoqué par les déclarations du secrétaire général de
l’enseignement catholique, Guillaume Prévost, qui lors de sa conférence de
rentrée le 23 septembre, a affirmé que les enseignants du privé sous contrat
pouvaient proposer une prière aux élèves ? Combien vont le faire ?
Car c’est une évidence que dans une école catholique il doit y avoir la place
pour la prière !
Les médias,
fabriques du consensus
Le rôle des médias est central dans cette mécanique.
Le problème n’est pas qu’ils informent, mais qu’ils fabriquent le récit
unanimiste et conformiste. L’information brute est remplacée par une
dramaturgie permanente, qui définit les bons et les mauvais, les modernes et
les réactionnaires.
Noam Chomsky, dans Manufacturing Consent, avait
analysé ce processus : les médias dominants ne cherchent pas la vérité, mais
produisent du consentement. Leur fonction n’est pas d’éclairer le citoyen, mais
de rendre pensable seulement ce qui est conforme à l’idéologie dominante.
LES RACINES
SPIRITUELLES DE LA CRISE
La lâcheté
devant la vérité
Cette crise est d’abord une crise de courage. Nous
préférons la servitude confortable au risque de la liberté et du courage.
Christopher Lasch, dans La révolte des élites, avait déjà décrit cette
fuite : les élites, au lieu d’assumer le réel, s’enferment dans des idéologies
abstraites, laissant le peuple désarmé.
Le Christ nous rappelle pourtant dans l’Évangile de
Jean (8,32) : « La vérité vous rendra libres. » Or, faute d’accepter cette
exigence, nous restons prisonniers du mensonge, prisonniers de nos peurs.
CONCLUSION :
RETROUVER LE COURAGE DU REEL
Nous vivons un moment critique : le réel est nié par
certains et abandonné par d’autres. La tâche la plus urgente n’est pas
d’inventer une idéologie alternative, mais de redécouvrir le courage du réel.
Cela suppose de retrouver la lucidité d’Arendt, le
courage de Soljenitsyne, la profondeur de Guardini, l’espérance de Jean-Paul
II. Cela suppose aussi, très concrètement, de ne plus céder à l’unanimisme
médiatique, de défendre une justice qui juge en droit, de refuser une école qui
abdique devant la peur du qu’en-dira-t-on.
Surtout, cela suppose de retrouver la capacité
d’émerveillement devant ce qui est. Car sans émerveillement, nous ne voyons
plus le réel comme un don, mais comme une matière à manipuler. Et alors « Ubu »
n’est plus ridicule : il devient notre maître.
Redisons donc avec Soljenitsyne : « Ne vivons pas dans
le mensonge ». Même si nous sommes minoritaires, ce refus est déjà une
victoire. La liberté commence par là.
C’est ce dont nous allons avoir le plus besoin alors
que l’avenir s’annonce incertain et que la bataille va faire rage l’état
profond n’étant pas prêt à lâcher le pouvoir par lequel il nous anesthésie.
Simone Weil (L’enracinement) : « Il serait vain de se détourner du passé pour ne penser qu'à l'avenir. C'est une illusion dangereuse de croire qu'il y ait même là une possibilité. L'opposition entre l'avenir et le passé est absurde. L'avenir ne nous apporte rien, ne nous donne rien; c'est nous qui pour le construire devons tout lui donner, lui donner notre vie elle-même. Mais pour donner il faut posséder, et nous ne possédons d'autre vie, d'autre sève, que les trésors hérités du passé et digérés, assimilés, recréés par nous. De tous les besoins de l'âme humaine, il n'y en a pas de plus vital que le passé. »
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